Fan de…Richard Holmes

Par Ogresse
Pierre Assouline était de passage à Londres cette semaine à l’occasion des Dialogues du centenaire de l’Institut Français. Il me tardait de voir sur pied ce monsieur qui ne m’aime pas, moi et tous les passionnés de lecture qui ont l’audace de s’exprimer sur la blogosphère sans carte de presse.
Le thème de la soirée était “Writing biographies”, un genre que je fréquente peu et qui a priori aurait du agir sur moi comme un soporifique puissant.
Après de longues minutes de copinage entre Paul Fournel (ancien éditeur, romancier et attaché culturel à Londres) et Assouline, nous sommes entrés dans le vif du sujet et là, le débat est devenu véritablement intéressant.
Tout d’abord je n’avais jamais réfléchi aux différences possibles entre les biographies écrites en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Pour moi, il s’agissait d’écrire la vie d’un personnage mort ou vivant qui a marqué son temps. Il n’y avait aucune nuance.
Grace à Richard Holmes, grand biographe britannique et professeur d’études biographiques à l’université d’East Anglia - la véritable vedette de cette soirée - j’ai tout compris !
C’est avec simplicité et une grande humilité que Richard Holmes nous a expliqué que les français écrivaient des biographies dans lesquelles le style avait une part prépondérante, les britanniques ne pouvaient pas s’empêcher de produire des livres énormes et les biographes américains étaient en général des universitaires qui avaient beaucoup de mal à ne pas faire dans l’élitisme (pour ne pas dire dans l’illisible).
Il m’a aussi beaucoup intriguée en disant que dans chaque biographie il y a aussi un peu de la vie du biographe, que l’on peut voir son trajet, son évolution au fil des ans et des livres qu’il a écrit.
Lorsque l’on demande à Pierre Assouline comment il gère le manque de traces sur tel ou tel événement de la vie d’Hergé ou de Simenon, il avoue candidement: j’invente, je romance.
Richard Holmes a une toute autre opinion. Si l’information fait défaut, il écrit autour de l’événement, il essaye d’expliquer les raisons de ce manque. Ce qui me semble beaucoup plus sérieux.
Sur l’avenir de la biographie, compte tenu de l’omnipotence de l’internet, Holmes et Assouline s’accordent à dire que ce sera de plus en plus facile d’avoir accès aux archives d‘un individu ou d‘un groupe. Car rien n’est jamais vraiment effacé, ni les emails, ni les premières, deuxièmes, troisièmes versions d’un roman par exemple.
Richard Holmes, très à l’aise dans sa peau de biographe, se rit de Wikipedia - tout le monde peut avoir sa biographie sur l’internet ! Assouline en rajoute une couche et nous parle de ce qu’il appelle le syndrome du “Proust-Paris Match”. Oui, oui, vous l’aurez compris: la sous-culture des blogs, la “pipolisation“.
Et puis, voilà, pêle-mêle, comme dans un bac à 1 Euro, des petites choses que j’ai glanées ici et la pendant la soirée:
- Scoop - Hergé pourrait être le fils naturel de Léopold III de Belgique !
- Hergé n’était pas rexiste mais avait des amis qui l’étaient et qu’il n’a jamais reniés. Murmures de désapprobations dans la salle lorsqu’Assouline lance: il est resté fidèle à lui-même et à ses amitiés, je l’admire pour cela.
- Assouline a annoncé la mort possible de la Belgique dans un avenir proche - bourdonnements outragés des belges présents dans le public.
- Tintin a et a toujours eu 14 ans (et moi qui le croyais jeune homme !)
- Tintin au Congo est un best-seller au Congo - là-bas c’est vu comme une comédie irrésistible tant les personnages sont caricaturaux.
- Le prochain livre de Pierre Assouline sera une biographie sur la vie de Job (ce sera sans moi !) qui sera accompagnée par un journal en ligne décrivant ses travaux de recherche. Sortie fin 2010, début 2011.
Des idées de lecture:
Richard Holmes vient de sortir un livre sur un groupe de scientifiques et leurs liens avec l’art et la littérature The Age of Wonder: How the Romantic Generation Discovered the Beauty and Terror of Science<img src="http://www.assoc-amazon.fr/s/noscript?tag=logr-21" alt="" />. Je l’ai feuilleté il y a quelques jours et malgré l’épaisseur, il m’a paru très accessible.
Mis à part ses biographies sur Simenon et Hergé, Pierre Assouline a écrit Rosebud<img src="http://www.assoc-amazon.fr/s/noscript?tag=logr-21" alt="" />, un titre chaudement recommandé par Richard Holmes, mon nouveau héro.
L’Ogresse.