Les régionales sont passées. On va donc pouvoir reprendre le train-train quotidien. Ah non, zut, dès demain, le train-train ne sifflera pas trois fois et ne bougera pas de son garage. Finalement, ces régionales, que vont-elles changer ?
A droite, c’est la déroute, la défaite, la gifle, la claque, la branlée. A gauche, en parfaite symétrie, on exulte, on piaffe, on jubile et on se congratule chaleureusement d’une victoire aussi éclatante.
Pourtant, encore une fois, y a-t-il réellement lieu de se réjouir ?
Évidemment, les enfants !
Champagne pour tous !
La participation est en hausse notable, voyons ! Regardez vous-même les chiffres officiels : on y découvre ainsi, outre que plus de 5000 personnes supplémentaires se sont inscrites entre le premier et le second tour, que ceux qui ont refusé de choisir entre les socialistes de droite et les socialistes de gauche représentent 24 166 430 personnes au premier tour et 22 162 102 au second, soit toujours plus de 50% des inscrits.
Eh oui : même le parti majoritaire à ces élections ne représente en réalité que 26% des inscrits, un gros quart, moyennant quoi ces derniers fanfaronneront un peu en prétendant faire partie de la majorité… Une majorité d’une personne sur quatre (!) donne une assez bonne idée de la légitimité moyenne de nos politiciens.
Finalement, ces résultats ne sont pas si fameux que ça : si les gens se sont plus déplacés au second qu’au premier tour, c’était finalement pour glisser plus de bulletins nuls ou blancs qu’autre chose.
En définitive, nos politiciens intéressent toujours les mêmes personnes. Dans le détail, il y a bien quelques transferts intéressants:
- ainsi, toujours d’après le Ministère de l’Intérieur et des Petites Caméras Partout, le grand bazar de droite semble gagner plus de 2 millions de voix (de 5 millions à près de 7.5 millions),
- le FN passe de 2.2 millions de voix à 1.9, ce qui pourrait se classer dans la catégorie de la stabilité,
- le gloubiboulga de gauche passe à de 10.5 millions à 11 millions de voix.
On peut donc pinailler un peu par-ci, un peu par là, mais le constat reste obstinément le même : mis à part les convaincus de droite qui votent à droite, et les convaincus de gauche qui votent à gauche, le reste de la population s’est sentie très peu concernée par le grand raout politique de ces 14 derniers jours.
Même du côté des médias, on sent de la mollesse dans les éditos des uns et des autres ; bien sûr, on trouve toujours l’une ou l’autre pompom-girl, hormones en pic et sève printanière retrouvée, pour froufrouter des petits billets dégoulinant de lyrisme bondissant, mais, globalement, chacun sait que ces élections ne changeront rien à la vie politique française.
Sur le plan régional, d’abord, même en imaginant qu’il y ait une réelle différence entre les politiques de droite et celles de gauche, il ne faut pas perdre de vue que les présidences de régions sortantes sont des présidences de gauche. Rebelote donc : si ces régions menaient une politique donnée avant les élections, elles ont été reconduites et vont donc, sans grande surprise, mener la même politique.
Question changement, bouleversement ou renouvellement, on a vu plus décisif.
Sur le plan national, ensuite, et si l’on écarte la dimension nationale que prendront les petits remaniements ministériels du Président Sarkozy, et qui montrent très bien l’étendue de son courage, on pourra toujours observer quelques fléchissements de la politique de la majorité, mais ceux-ci laissent, déjà, songeur : pour Coppé, la fessée infligée devrait se traduire par l’abandon de la taxe carbone et de l’ouverture.
En clair, le gouvernement devrait éviter de lancer une nouvelle taxe et de gober des socialistes. Pour la première résolution, cela fait maintenant plusieurs décennies qu’on attend ça, il n’y a donc objectivement aucune chance que cela arrive. Les taxes continueront de pleuvoir. Elles auront un autre nom, c’est tout.
Vache de bouleversement.
Et pour le débauchage des socialistes, on ne voit pas là non plus ce que ça changera. Les postulats sociaux, économiques et politiques des socialistes officieux de l’UMP sont la version à peine diluée de ceux des socialistes officiels de la rue Solférino ; que la majorité utilise ouvertement des consultants du Fabricant Officiel d’Utopies Collectivistes ou s’emploie à pirater leurs concepts foireux sans payer les copyrights, franchement, on s’en fiche : le résultat sera exactement le même, et la politique menée, si elle changera peut-être de forme, ne changera pas de fond.
Et ainsi, alors que des maroquins changeront peut-être de mains, alors que quelque jeu de chaises musicales sera organisé, la France continuera à pédaler, vigoureusement, toujours dans la même direction.
Et comme de juste, on continuera d’y empiler grèves sur procrastination, tout en trouvant toujours le temps de proposer de nouvelles organisations politiques farfelues, bouffonnerie supplémentaire uniquement présentées histoire d’occuper un terrain qui n’intéresse plus grand-monde.
…
Lors de la soirée électorale, que j’ai vaguement et exceptionnellement regardée, j’ai noté, pendant les quelques minutes de cette thérapie du rire auto-infligée, que tous les clowns présents sur le plateau répétaient inlassablement qu’il fallait écouter le message des électeurs.
Pourtant, le message le plus clair est celui de tous ces inscrits qui leur ont fait un gros bras d’honneur. Il est vrai qu’écouter le silence est une mission vouée à l’échec pour des gens atteints de logorrhée irrépressible et dont le métier est de faire le plus de bruit possible sous peine de disparaître.
Mais surtout, écouter le silence serait pour eux l’aveu de l’échec : ils ne convainquent plus.
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A signaler : l’excellent article sur le sujet de PhilippePsy