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Chanter le printemps ?

Publié le 21 mars 2010 par Perce-Neige
Chanter le printemps ?

Alan Weisman, dans un texte proprement effrayant, « Homo Disparitus », écrit ceci (et, soudain, je ne sais plus rien de l’Afrique, hors ces regards qui me hantent) : « Le sida n'est pas encore pour les Massaïs le cauchemar qu'il est devenu pour les tribus sédentaires, mais Santian pressent que la situation ne saurait durer. Autrefois, les Massaïs ne se déplaçaient qu'à pied dans la savane, avec leurs troupeaux, lance à la main. Aujourd'hui, certains vont à la ville, fréquentent des prostituées et propagent le sida une fois rentrés. Pis encore: les camionneurs. Ils passent désormais deux fois par semaine, apportant de l'essence pour les pickups, les mobylettes et les tracteurs des Massaïs. Les jeunes filles elles-mêmes sont infectées. Dans les régions que les Massaïs n'habitent pas, comme le lac Victoria, où les bêtes du Serengeti migrent chaque année, les cultivateurs de café atteints du sida ne s'occupent plus de leurs plants et se tournent vers des récoltes moins exigeantes, comme la banane, ou l'abattage d'arbres pour faire du charbon. Les bosquets de caféiers, irrécupérables, dépassent maintenant les 4 mètres de haut. Santian a entendu des gens dire qu'ils s'en moquent, puisque aucun remède n'existe, ils continueront de faire des enfants. Les orphelins vivent donc avec un virus en lieu et place de parents, dans des villages où les adultes ont été complètement exterminés. Sans plus personne pour y vivre, les maisons s'effondrent. Les huttes de branchages et de boue, aux toits d'excréments, se décomposent auprès des bâtisses de brique et de ciment inachevées, dont la construction avait été lancée par de riches marchands. Puis ceux-ci étaient tombés malades et s'étaient ruinés chez les herboristes afin qu'ils les guérissent, eux et leurs maîtresses. Mais personne ne guérit, et les travaux ne reprirent jamais. Les herboristes, eux, s'enrichirent, avant de tomber à leur tour malades. Au final, les marchands moururent, leurs maîtresses moururent, les sorciers moururent, l'argent s'évapora; il ne reste plus à présent que des maisons sans toit au milieu desquelles poussent des acacias, et où grouillent des enfants qui vendent leur corps pour survivre jusqu'à une mort précoce. « Toute une génération de chefs balayée », avait répondu Santian à Koonyi, cet après-midi là. »


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