[Critique] A l’origine

Par Gicquel

«  A l’origine » de Xavier Giannoli

En DVD  le 24 mars

Le film était  nommé onze fois aux Césars .Seule Emmanuelle Devos a été distinguée en tant que … meilleur second rôle. François Cluzet n’a pas été retenu comme meilleur acteur. Aucune autre statuette n’a été attribué à ce film qui  en mérite pourtant des tonnes , pour son originalité dans le fond et la forme, la qualité de son interprétation et de sa mise en scène , très  inconfortable  sur ce chantier autoroutier si peu cinématographique.

Depuis son premier film «Les Corps impatients », Xavier Giannoli a toujours porté un regard singulier sur les gens . Cette fois il va bien au-delà et sonde en profondeur l’âme et le cœur . Surtout que l’histoire dont il s’inspire est vraie, d’autant plus réelle que son héros a récidivé dans l’usurpation et le mensonge. A l’occasion de la tempête fin février sur la côte vendéenne, il s’est présenté comme un haut fonctionnaire du ministère de l’Agriculture …

A l’origine  Philippe Miller, est un escroc à la petite semaine,solitaire qui vit sur les routes. Un jour, il découvre par hasard  un chantier d’autoroute abandonné.Il saisit l’opportunité de réaliser sa plus belle escroquerie en se faisant passer pour un industriel spécialiste de ce type d’aménagement.


Mais son mensonge va lui échapper… Au fur et à mesure qu’il tisse sa toile, que l’argent liquide afflue ( petites et grandes commissions des entrepreneurs ) l’homme se retrouve englué dans un système qu’il ne contrôle plus . On le sollicite, on lui fait confiance, on l’attend , c’est le messie. Il tentera bien de se dérober, de prendre la fuite, mais rien n’y fait . Son personnage est devenu réel.

On a du mal à y croire et pourtant je le répète, c’est une histoire vraie. A Paris , le siège social dont se réclame l’escroc ignore tout de la supercherie qui aux yeux des autochtones n’en est pas une. L’autoroute est en train de renaître dans un ballet de gros engins et de pluie mêlés, décor apocalyptique que Giannoli sublime sous le feux des projecteurs .

Malgré l’antipathie première  , le héros devient au fur et à mesure de son «  évolution » quelqu’un d’attachant. François Cluzet n’est pas étranger à cette mutation où les ressorts du drame et des sentiments conjugués le conduisent à accepter un destin contre nature. Mais c’est bien dans la nature des hommes nous dit le cinéaste , la sienne mais aussi celle de tout un environnement social que Gionnali  dépeint , sans esbroufe.

Pas un seul second rôle n’est délaissé . Il y a  le  voyou à la petite semaine (Vincent Rottiers ) amoureux d’une jeune femme de ménage, la future secrétaire de l’entreprise . Stéphanie Sokolinski joue  très bien , mais côté diction j’avoue que j’ai eu un peu de mal à la comprendre. Un petit regret au cœur d’un film dont la belle âpreté le dispute à la sincérité . Le film , la fiction , est redevenu une histoire vraie.

Madame le maire s'accroche au projet de l'industriel , dont elle perce pourtant très rapidement les faiblesses

Les bonus

Il y a  dans le film une scène surréaliste et merveilleuse  où un homme danse avec une pelleteuse. Ce duo est présenté dans une version complète, plus épurée, hors de son contexte, mais tout aussi vibrante. La chorégraphie est de Dominique Boivin

« L’Interview », court métrage , palme d’or à Cannes 1998. L’histoire d’un jeune journaliste qui s’apprête à traverser la Manche pour interviewer  Ava Gardner . Dans un noir et blanc parfaitement restitué, une très belle écriture cinématographique, Xavier Giannoli traque joliment les affres et les incertitudes du jeune homme que joue à la perfection Mathieu Amalric . Le dénouement final , est aussi drôle que pathétique .