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Peut-on créer des richesses sans travail(ler) ?

Publié le 21 mars 2010 par Agirplus

Parmi les débats de société qui ont agité notre pays au XX ème siècle, il convient de s’arrêter sur celui qui concernait le travail et le temps libre.

Autrefois liée aux gains de productivité, la quête du temps libre a semblé porter notre pays depuis les années 70 (la société des loisirs). Portés par les souvenirs du front populaire et des victoires sociales d’alors, les pouvoirs successifs n’ont eu de cesse de réduire le temps que passaient les français à leur labeur jusqu’à produire la société actuelle, une société où l’oisiveté et le chômage massif et durable prédominent (depuis désormais 30 ans).

Le temps libre connut dans les années 80 son apogée avec l’adoption des 35 h, des RTT, de la retraite à 60 ans et même d’un éphémère et risible « ministère du temps libre ».

Tout nous semblait aller de soi dans cette construction artificielle et dogmatique : les machines étaient de plus en plus productives, les hommes aussi, et bientôt le seul travail des français ne consisterait plus qu’à presser de petites télécommandes afin que des esclaves professionnels ou domestiques réalisent toutes les tâches qui leur causaient autrefois tracas, désagréments ou simplement fatigue.

Une lecture superficielle de Jérémy Rifkin montrait la voie aux doctrinaires des loisirs pour tous. Le temps libre fut donc érigé comme la priorité nationale afin que le citoyen moderne puisse jouir en toute quiétude de ces milliers d’heures à ne rien faire… car il le valait bien.

Las, rien ne dure et avec la crise actuelle, les travailleurs hexagonaux (dont on découvre qu’ils sont désormais ceux qui travaillent le moins au monde sur l’année mais aussi sur une vie professionnelle) pourraient bien se réveiller avec la gueule de bois, déclassés et incapables de raccrocher individuellement et collectivement le wagon de la société de la connaissance et des réseaux.

Toute l’habileté de ceux qui ont imposé au pays ces diminutions successives (et insidieuses) du temps de travail aura été nourrie par des pseudo évidences (égalitaristes) :

- Le travail devenait rare (un peu comme les matières premières) et il fallait donc apprendre à le partager (ceux qui travaillent beaucoup étant des égoïstes qu’il faut pénaliser).

- Les machines travaillaient de mieux en mieux  et rien ne justifiait plus de perdre sa vie à la gagner si des machines étaient capables de le faire à notre place.

- Réduire le temps de travail semblait évident car le vaillant travailleur hexagonal était doté de la meilleure productivité au monde (même si nous savons maintenant qu’elle est obtenue par la mise à l’écart d’une fraction importante de la population active !).

- On ne se réaliserait pas dans le travail. Depuis 1968, la population française était censée comprendre que le travail n’était qu’un leurre, un mauvais moment à passer, qu’il ne permettait pas de se réaliser et il ne fallait donc pas s’y investir (ou si peu).

…bref le travail, c’était la santé et ne rien faire c’était la conserver comme le chantait Henri Salvador. La vie professionnelle des Français se transforma dès lors en un gruyère et les employeurs découvraient que leurs salariés avaient toutes les bonnes raisons de ne plus travailler (repos compensateurs, RTT, ponts et congés, jours chômés, congés parentaux, congés de formation, congés syndicaux, nouveaux jours fériés...), le tout entrecoupé de quelques rares moments consacrés au labeur (forcement devenu une torture).

Nous allons désormais connaître beaucoup de déconvenues avec cette crise qui s’installe (comme le dit G Soros, « quand la mer se retire on découvre ceux qui se baignaient nus ») : Nous découvrons, surpris et mécontents, que nous perdons régulièrement du pouvoir d’achat, que nos existences professionnelles deviennent précaires, que tout ce qui comporte de la main d’œuvre devient inaccessible (le restaurant, les fruits et légumes, les vacances, les services de réparation...).

Si les Français ne font pas encore tous le rapprochement avec leur faible investissement au travail, ils vont bientôt constater que l’addition est salée.

Si le farniente était réellement créateur de richesses et de sens, les innombrables désœuvrés de nos sociétés modernes : chômeurs, femmes au foyer, jeunes sans travail, seniors sans activité, retraités oisifs... tous ces bénéficiaires de temps libre infinis devraient être transportés de bonheur. Mieux encore, l’actuelle crise économique devrait être vécue par l’ensemble de notre société comme une aubaine puisque des dizaines de milliers d’actifs, de jeunes, de seniors rejoignent tous les jours la troupe des inactifs (ou des demandeurs d’emploi en tout cas).

Dans les familles pauvres, l’exemple des parents ne se levant pas le matin pour aller travailler devrait transfigurer les enfants quand ils partent à l’école (pourquoi aller à l’école si on ne travaille pas plus tard ?). Ces mêmes enfants découvrant des profs adultes épuisés par leurs semaines de 18 h (au pire) comprennent très vite que la vraie voie du bonheur se trouve dans l’école buissonnière, les arrêts, les ponts et les congés maladie…

Mais la vie est mouvement, nous aurions souhaité arrêter le temps (les avantages acquis devenant la nouvelle version de l’éternité religieuse) mais celui-ci se retourne désormais contre nous. Un ancien président disait qu’il fallait laisser du temps au temps, il y a 20 ans exactement la Chine était un pays sous développé, c’est désormais la seconde économie au monde !

Comme les grecs ou les espagnols, nous allons rapidement devoir passer à la caisse (en fait le non travail durera le temps que ces affreux financiers continueront à nous prêter de l’argent). Autrefois dans un pays les parents se sacrifiaient (et sacrifiaient parfois leur vie) pour les générations futures. Nous vivons un temps original où les parents gagent l’avenir de leurs enfants pour ne pas faire face à leurs choix approximatifs.

Dans le monde la France ne pèse plus beaucoup (ne serait-ce que démographiquement). Une planète où 3 milliards de pauvres souhaitent jouer un rôle ou 1 million d’ingénieurs sortent des écoles chinoises et indiennes tous les ans et où 60 millions de français, scotchés à leurs 35 h passeront pour des Mohicans tout juste bons à garder le musée des traditions du XIX et XX ème siècle


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