Dans son dernier livre "Les enfants perdurbateurs", Danièle Brun, psychanaliste montre comment les enfants, tous les enfants, ont besoin pour se construire de contester, de s'opposer. Fini le mythe du chérubin angélique, calme, silencieux, sans caprices, qui ne causerait jamais de soiuci à ses parents. Perturbateurs, nos enfants le seraient donc tous plus ou moins, par besoin, par nécéssité. Entretien
Vous laissez entendre, dès le début de votre ouvrage, que tous les enfants sont perturbateurs…
Danièle Brun : En effet, ils le sont tous plus ou moins, mais pas délibérément. En réalité, leur vie est jalonnée de stades d'apprentissage qui les angoissent : faire ses nuits, devenir propre, se nourrir seul, marcher, parler, aller à l'école. Dès leur naissance, tous sont ainsi amenés à surmonter des épreuves, à relever des défis, à naviguer entre dépendance et future autonomie. Ce qui génère en eux des peurs, des doutes qu'ils expriment en pleurant, en s'opposant, parfois en régressant dans leurs apprentissages ou en refusant de les assimiler. Il s'agit bien souvent de la seule manière qu'ils ont d'exprimer leur mal-être. Ils perturbent la vie de famille, mettent en défaut le projet parental… Ces périodes ne sont évidentes à vivre pour personne, mais elles restent très constructives pour l'enfant en ce sens qu'elles réaménagent son univers affectif.
Que faire pour éviter que l’heure du coucher ne se transforme systématiquement en crise de larmes ou d’énervement ?
1. Limiter la durée des siestes en journée.
2. Imposer à votre enfant des activités calmes avant de le mettre au lit.
3. Coucher l'enfant toujours à la même heure.
4. Respecter le rituel du coucher quelle que soit l'heure.
5. Rester ferme en refusant de retourner le voir une fois la lumière éteinte.
Y a-t-il des âges où les enfants sont plus perturbateurs ?
Oui, généralement les deux premières années de leur vie, parce que c'est essentiellement durant cette phase de développement qu'ils ont à acquérir des rythmes : repas, sommeil, etc. Ensuite, quand ils grandissent, d'autres éléments peuvent venir les perturber : la naissance d'un petit frère ou d'une petite sœur, la mort d'un membre de la famille, un déménagement, la séparation des parents, etc.
Tout ce qui, en somme, rompt un équilibre apparent ?
Exactement. L'enfant peut alors connaître des difficultés scolaires, se renfermer sur lui-même. La perturbation peut également se traduire dans le corps, par le corps : troubles alimentaires, mise en danger de soi…
Vous parlez également dans votre livre d’attitudes régressives, comme le fait de vouloir dormir avec papa et maman…
En effet. Les enfants ne sont pas souples contrairement à ce que beaucoup de parents pensent. Il leur faut toujours du temps pour accepter ce qui est nouveau. Le changement produit dans leur imagination une sorte de nostalgie qu'ils n'arrivent pas forcément à exprimer. Très tôt, ils idéalisent le passé tandis qu'ils peinent à anticiper l'avenir. Alors, il devient parfois plus facile pour eux de vouloir revenir à une situation connue, dans laquelle ils se sentent en sécurité, que d'imaginer une solution, une issue au changement, qui sonne parfois à leur oreille comme un bouleversement.
Que faire pour les aider à ne pas vivre ces changements comme des bouleversements ?
En tant qu'adultes, nous ne devons jamais hésiter à nous souvenir de notre propre enfance, de nos doutes, de nos peurs. Ainsi nous nous efforçons de redécouvrir l'enfant perturbateur que nous étions nous-même. De cette manière, nous apprenons également à nous situer plus près de notre enfant et à mieux comprendre son mal-être.
Y a-t-il des attitudes parentales qui alimentent le côté « perturbateur » de l’enfant ?
Oui, justement : penser que devenir adulte, c'est rayer cette partie de notre histoire qu'est notre enfance. Et puis il y a aussi les rapports de force trop intenses, les attitudes invasives, le partenariat mal compris : prendre l'enfant pour son confident ou le tenir à l'écart de la vie de famille. Les enfants sont également très sensibles à l'injustice.
L’autorité est-elle une réponse adaptée aux enfants perturbateurs ?
Oui, mais tout est une question de dosage. Aujourd'hui, les parents semblent parfois un peu perdus entre le donner trop et le donner trop peu. Beaucoup veulent être parfaits, supportant de moins en moins les oppositions, les conflits, qu'ils analysent comme des échecs remettant en cause leur politique éducative… Seulement, ces conflits font partie de la croissance de l'enfant. En transgressant, en perturbant, l'enfant va s'approprier les règles. D'où l'importance de tenir, face à lui, une position ferme, bien assurée, avec des autorisations, avec des interdictions…
Et avec de l’amour ?
Bien sûr, sachant tout de même qu'en amour, l'avidité de l'enfant est grande. L'enfant ne s'estime jamais assez aimé, même si parfois, il l'est au point d'être étouffé. En fait, il revient aux parents d'assurer une sécurité à leur bambin… Une sécurité faite d'amour et d'autorité mesurée, qui fonctionnera comme un rempart à ses angoisses.
Dorothée Blancheton - http://www.e-sante.fr/
Sources :
Psycho enfants, novembre 2007.