Les enfants victimes durables du mal-logement
SOCIETE -
Le mal-logement a des conséquences dramatiques et durables sur les enfants qui en sont victimes. C'est l'un des axes principaux, avec le fait que le logement, crise économique oblige, devienne un “creuset des inégalités”, du 15e rapport sur le mal-logement en France présenté hier à Lyon par la Fondation abbé Pierre. « On ne peut pas rester inactifs face à un aussi grave problème de société », estime Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation, qui lance un « cri de colère »…
Très peu de personnes s’étaient intéressées jusqu’alors en France à ces victimes collatérales du mal logement : les enfants. Ils sont pourtant 600.000 dans notre pays à subir au quotidien ce « fléau » qui affecte leur santé et handicape leur avenir. Qu’ils soient à la rue – phénomène marginal mais en recrudescence-, qu’ils soient mineurs en errance, que leurs parents soient accueillis chez des tiers ou en hébergements collectifs, ou enfin qu’ils vivent dans l’insalubrité, ils souffrent en silence. « J’éprouve de la tristesse et de la haine » a confié à la caméra de la fondation Abbé Pierre une adolescente de 14 ans que ses parents, expulsés de leur logement, ont placé chez sa sœur aînée. Elle occupe le canapé et, quand il est pris, va dormir chez des copines. « Partout, je ne suis pas chez moi et je me sens mal » poursuit-elle. Une petite fille de 7 ans habitant une maison vétuste à la campagne brandit fièrement une bouillotte, c’est « mon chauffage la nuit » dit-elle. Et elle ajoute : « des fois des souris viennent sur ma figure ». Des mamans expliquent que leurs enfants ont la gale d’humidité ou des bronchites à répétition, qu'ils sont tout le temps fatigués ou ne trouvent pas d’espace pour faire leurs devoirs.
Le mal logement a des conséquences immédiates sur les enfants. Leur santé est affectée par le saturnisme qui touche 86.000 d’entre eux ou les maladies respiratoires.
Leur développement est entravé par le manque de sommeil et d’hygiène mais aussi une mauvaise alimentation quand leurs parents ne peuvent ni cuisiner ni conserver des aliments. Leur vie sociale est amoindrie – ils ne peuvent pas rendre les invitations des copains donc ils les refusent, honteux – et leur vie familiale connaît des situations de tensions parfois extrêmes.
Mais le mal logement a aussi un effet durable : « il y a une corrélation directe entre le surpeuplement des logements et l’échec scolaire » dénonce le délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre. « 600.000 enfants mal logés dans notre pays, ça remet fondamentalement en cause la cohésion sociale et l’égalité des chances. Mais aucune réponse n’est apportée par le gouvernement et les responsables politiques » poursuit-il.
Outre ce cri de colère, les sujets d’alarme sont nombreux pour la Fondation Abbé Pierre. Leur rapport 2010 sur l’état du mal-logement en France révèle une situation de plus en plus tendue et une précarisation croissante. Désormais, plus de 10 millions de personnes, soit près d’un habitant sur six ,est frappé par la crise du logement : domiciles sur-occupés ou insalubres, hébergement de fortune ou chez des tiers. Parmi elles, 3,5 millions sont non logés ou très mal logés. Aggravée par la crise économique, la crise du logement se traduit par une difficulté croissante pour de très nombreux ménages à accéder, mais aussi à se maintenir dans leur logement. Premier poste de dépense des ménages (38% du budget pour les classes moyennes), le coût du logement a augmenté de 23% en sept ans, tandis que les charges ont explosé et les revenus plafonné. Résultat : les impayés progressent et les expulsions locatives sont en hausse très significative. En Rhône-Alpes par exemple, 4.000 expulsions ont été effectives en 2009 ; leur nombre a doublé en sept ans, comme le prix des logements. « 4.000, c’est l’équivalent de la production de logement social sur une année » précise Marc Uhry, responsable Rhône-Alpes de la Fondation Abbé Pierre.
Dans le même temps, le déficit d’offre de logement accessible s’est accru. « L’insuffisance de constructions pour 2008 et 2009 est estimée à 150.000, ce qui porte le déficit global de logements en France à 900.000 » reprend Christophe Robert. La conjonction de tous ces facteurs génère « une insécurité sociale majeure et parfois une atteinte à la dignité des personnes ». Le logement n’est pas seulement un miroir, mais aussi un « générateur » d’inégalités, comme le montre le sort des enfants mal logés. « Cela appelle une intervention politique forte » estime la Fondation abbé Pierre, qui critique une série de mesures « contre-productives » du gouvernement, dont la loi Scellier (qui remplace la loi Robien et offre des systèmes de défiscalisation aux propriétaires qui investissent pour louer), et énonce une série de propositions. Parmi elles, réguler les prix locatifs, qui augmentent lourdement à chaque changement de locataire, imposer à « tout programme immobilier de plus de 10 logements un quota minimum de 30% de logements à loyer accessible » ou encore « se fixer un objectif de traitement de 100.000 logements indignes par an ».
Anne-Caroline JAMBAUD.
Les chiffres du mal-logement en Rhône-Alpes :
60 000 personnes sont dépourvues de logement personnel en Rhône-Alpes
150 000 personnes sont hébergées chez des tiers
47 mois de délais théorique d’accès aux HLM dans le Rhône
42.820 logements sociaux ont été effectivement proposés en 2008 en Rhône-Alpes aux 138 500 demandeurs estimés
La construction de logements s’est effondrée d’un tiers en 2008 et 2009.
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http://www.libelyon.fr/info/2010/03/le-cri-de-col%C3%A8re-de-la-fondation-abb%C3%A9-pierre-contre-le-mallogement-des-enfants.html