C’est un petit tableau, portrait intimiste et intime - genre très en vogue en ce début du XIXe s. - d’une femme avec son fil dans un intérieur empreint de néo-classicisme, que nous livre Marguerite Gérard (1761-1837) et qui sera l’un des points phares de la prochaine vente de l’étude V.A.E.P Marie-Françoise Robert et Franck Baille, le 23 novembre prochain (lot 62). Estimé 30/40.000 euros, il devrait certainement dépasser les enchères grâce à une actualité muséale fort à propos. En effet, une exposition se tient jusqu’au 6 décembre au musée Cognacq-Jay, intitulée «Dans l’atelier de Fragonard – Marguerite Gérard, artiste en 1789 ».Artiste méconnue jusqu’à peu, originaire de Grasse, elle a pourtant suivi une formation de choix. Belle-sœur de Jean-Honoré Fragonard (1707-1806) par sa sœur Marie-Anne, elle n’a que 16 ans lorsqu’elle entre dans l’atelier du maître, au sein même du Louvre, où logeaient alors bon nombre de grands artistes. Elle en devient l’élève puis la collaboratrice.
Elle démarre sa propre carrière dans les années 1780, alors que Fragonard lui-même connait un certain essoufflement de sa peinture, réalisant des portraits dénués de tout superflu comme l’on peut en avoir l’exemple dans ce portrait de jeune femme et son fils. Elle réalise, aux alentours de 1789, les portraits des grands noms de l’époque comme Fragonard, Hubert Robert, Mirabeau, un tour de force pour une femme dans une époque aussi troublée que celui de la Révolution Française. Il est à rappeler que les femmes n’accédaient alors pas à l’Ecole des Beaux-arts et la peinture féminine n’était considérée que comme une «activité distrayante ». Pourtant, Marguerite Gérard réussit à se faire un nom et ce sont ces portraits, reconnaissables à leur style uniforme, qui feront son succès, conseillé par son beau-frère et utilisant un réseau social très étoffé au sein des artistes du Louvre, du Palais-Royal et de l’Opéra-comique.
Cependant, le portrait qui nous occupe des portraits d’artistes en vogue à la fin du XVIIIe s. par son raffinement, la pose élégante et la précision des détails de la toilette ou de l’environnement. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la délicatesse avec laquelle a été réalisée la robe de la jeune femme. Il est à noter d’ailleurs que, dans l’atelier de Fragonard et au début de leur collaboration, Marguerite Gérard avait pour spécialité les drapés, réalisés à la manière hollandaise.
Ce tableau a donc été réalisé pour un mécène, il était fait sur commande et payé, tandis que les tableaux d’artistes étaient plutôt échangés ou offerts.
Marguerite Gérard exposera ses portraits au Salon jusqu’en 1824, mais elle se retire ensuite de la vie artistique, son style étant taxée de « répétitif ».
Informations pratiques :
Exposition publique : Vendredi 21 novembre et samedi 22 novembre, salle 7
Vente :Lundi 23 novembre, salle 7, Hôtel Drouot-Richelieu.
Adjugé : 38 000 euros