Je me suis levé de mauvais poil.
J'ai pas mal vu toutes les heures de la nuit me passer devant les yeux (trop ouverts).
J'ai donc décidé d'aller m'acheter une perruque. Question de trouver du poil qui soit peut-être meilleur.
Mais avant de déguerpir de ma tanière je me suis fait accroché par la belle.
"Namour peux tu acheter ceci sur le chemin aussi, juste des petites niaiseries donc on a besoin"
Et là s'est déroulée la liste longue tel un tapis rouge le soir des oscars.
Aussi plein de grossièretés.
Beurre, Tylenol-inflammatoires pour enfants, crémmette légère à café, tue-mouche, lavage, plante et autres cochonneries imprécises. Pas même le dernier cd de Goldfrapp ou la bd de Phillipe Girard.
Ma belle est quelques fois d'une dyslexie particulière. Heureusement je suis traducteur. Sa liste disait plutôt Margarine (pour beurre), Advil (pour Tylenol-inflammatoires pour enfants), petit pot bleu sur lequel est inscrit le mot "café" et le mot "vanille" mais pas le mot "crémette" ni le mot "légère". Même le mot "crème" est inscrit en tout petit, en caractère "crosse de concessionnaire" sur le côté de la petite bouteille (pour crémmette légère à café), Raid (pour le tue-mouche) car on a un sérieux problème de fourmis mais pas vu une mouche encore; je dois passer chez le nettoyeur mais je n'irais certes pas acheter du lavage, mais je dû me faire expliquer le mot "plante".
"C'est l'engrais pour la haie"
17 ans de vie commune, bientôt 18, et je n'avais pas deviné. Je suis lamentable.
"Pourquoi tu ne m'as simplement pas écrit "engrais pour la haie"?"
"Parce que tu aurais pensé "Canadian Tire" ou "Botanix" ou "Rona" ou autre endroit qui te déprime alors que "plante" te fais penser...te fais penser...te fais penser à autre chose disons..."
Elle est merveilleuse. 17 ans de vie commune, bientôt 18, et elle me connait comme une vieille mitaine.
D'habitude sut toutes les listes de commissions je trouve toujours une bonne excuse pour arrêter par un Archambault Musiques & Livres ou un Renaud Bray ou un autre magasin apparenté. Cette fois c'est le mot "dentifrice" qui m'a mis sur la piste. Je crois avoir déjà vu une dentition sur une pochette de cd ou sur un livre.
Je suis allé vérifier.
J'ai mis l'oreille sur Warpaint, Headlights, Black Tambourine,
Gracias Por la musica.
J'ai aussi mis la main dans mon portefeuille pour mettre la main et les yeux éventuellement sur les mots de Jonathan Littell, Henry Miller, Pierre Vadeboncoeur et Isabelle Fréchette. Je suis certain que le mot "dentifrice" se retrouve au moins une fois dans Les Bienveillantes, Tropique du Cancer, Les Grands Imbéciles ou Tome 1.
J'ai déjà presque fini le livre d'Isabelle Fréchette et voilà déjà quelqu'un dont il faudra surveiller le nom.
C'est tout requincaillé que je suis revenu chez moi sur un air de vieux Goldfrapp.
C'est aussi en catastrophant toute la maisonnée que je suis entré chez moi en hurlant
"FASCIST BABY, UTOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOPIA, UTOOOOOOOOOOOO.......WOUFFF!"
C'est là que la belle m'a donné un coup de pelle dans le ventre.
"Mais qu'es-ce qui te prend?"
"Je te renvoi la question, on entre pas chez soi comme ça, tu as fait fuir le chat si vite qu'il a cassé mon beau chandelier."
On a entre 2 et 129 chandeliers à la maison mais bon, je ne le lui ai pas rappellé.
"Où sont les commissions?" a-t-elle enchainé.
"Ici, j'ai un livre de Miller que je voulais depuis longtemps, un livre de Vadeboncoeur qui traite..."
Elle m'a justement traité de quelque chose avant de me couper d'un air découragé et a promptement pris sa machine polluante (et notre fille, par solidarité)pour aller compléter ce que j'avais omis d'acheter.
Truffion? Je crois qu'elle m'a traité de truffion. Elle a du vocabulaire et du style la belle dyslexique quand même. Même si ce mot n'existe pas, c'est chic. Même dans l'insulte elle trouve le moyen de resplendir.
J'ai oublié de lui mettre "perruque" sur la liste avant qu'elle ne parte mais ça allait.
Je n'étais plus de mauvais poil.
J'avais refilé ça ailleurs ;)