Le client subprime chez son courtier :
- Bonjour Monsieur, je vous en prie, asseyez-vous. Que puis-je pour vous ?
- Je voudrais acheter une maison mais je n’ai pas d’apport, ni les moyens de payer les mensualités. Pouvez-vous m’aider ?
- Bien-sûr ! Comme la valeur des maisons ne fait que monter, il n’est pas nécessaire d’avoir un apport. En plus, nous pouvons vous donner un taux d’intérêt vraiment
bas. Nous les augmenterons plus tard. Vous verrez, y’a pas de lézard !
- Vraiment ? Bon alors pas de problème. Hummmh. Il y a autre chose … Mon employeur est un vrai nul et il se pourrait qu’il ne m’ait pas donné de contrat de
travail. Cà vous pose un problème ?
- Ha ha ha. Meuh non. Nous pouvons vous obtenir une déclaration bidon, et vous pourrez y inscrire votre propre emploi et même votre salaire.
- Vous êtes géniaux. Cà fait vraiment plaisir de faire affaire avec des gens comme vous.
- En fait, ce n’est pas nous qui vous prêtons l’argent - une banque le fera – et nous ne faisons pas vraiment attention aux remboursements du prêt. Alors OK ?
- C’est le rêve. Et bien allons-y.
Quelques semaines plus tard, à la First Bank :
- Je ferais mieux de me débarrasser de tous ces contrats hypothécaires. A force de traîner dans ma poubelle, ils commençent à embaumer mon bureau. Je serai vraiment
reconnaissant envers les gars sympas de New York qui les achèteront pour faire de la performance dans leurs portefeuilles magiques. Tiens, je vais tout de suite les
appeler.
Voyons maintenant ce que font les gars sympas de New York :
- Pffff ! Nous aurions mieux fait de nous débarrasser de ces putains de contrats hypothécaires avant qu’ils attirent les mouches.
- Mais, patron, qui va vouloir acheter ces daubes ?
- Réfléchissons un peu. Et si nous créions un titre obligataire et que nous utilisions ces daubes de contrats hypothécaires comme garantie ? On pourrait appeler ça
CDO ? Comme ça, nous pourrons vendre ces obligations à des investisseurs et nous paierons les coupons avec les intérêts des hypothèques. Qu’en pensez-vous ?
- Mais on ne fait pas un cheval de course avec un bourrin.
- Evidemment. Pris individuellement, ces contrats sont de belles daubes ; mais si on les regroupe, alors ils deviendront plus présentables. Et vu que les prix des
maisons montent toujours, nous n’avons pas beaucoup d’inquiétudes à avoir.
- Je reste circonspect.
- Les nouvelles obligations marcheront comme ça : elles seront fabriquées à partir de trois niveaux (ou tranches) que nous appellerons les « bonnes », les
« moins bonnes » et les « pourries ». Si certains des contrats hypothécaires venaient à faillir, alors nous paierons les intérêts en priorité à la
« bonne » tranche, puis à la « moins bonne » en deuxième, et à la « pourrie » en dernier.
- Je commence à piger. Et comme ceux qui ont investi dans la « bonne » tranche ont pris moins de risques, alors nous leur donnerons un intérêt plus faible, n’est
ce pas ? Ceux qui ont pris le plus de risques recevront un intérêt plus élevé.
- Exactement. Mais attendez, on peut encore mieux faire. Nous allons acheter des titres très sûrs pour les mettre dans la « bonne » tranche. Comme ça, les
agences de notation donneront à la tranche la moins risquée un triple A au lieu d’un simple A.
- Génial.
- Rêvons un peu, il se pourrait qu’ils donnent à la tranche « moins bonne » un triple B au lieu d’un B. Par contre, pour la tranche « pourrie », il n’y
a absolument aucun espoir. Ce n’est même pas la peine de demander une note vu qu’elle sera forcément négative.
- Vous êtes un génie boss.
- Oui je sais.
- Mais à qui allons nous vendre ces tranches ?
- Les trouducs de la SEC ne vont pas nous laisser vendre cette daube aux veuves et aux orphelins. Je pense plutôt viser les zinzins (institutionnels, ndlr).
- Comme qui ?
- Comme les compagnies d’assurances, les banques, les petites villes de Norvège, le conseil d’administration de l’université du Kansas. Bref, à tous ceux qui recherchent
une forte sécurité dans leurs investissements.
- Oui mais personne ne va vouloir acheter les tranches « pourries ».
- C’est vrai que personne ne sera assez stupide. Bon, nous allons les garder pour nous-mêmes et comme ça nous bénéficierons d’un joli taux d’intérêt.
- C’est grandiose, mais ce n’est pas en utilisant les contrats hypothécaires comme garantie à de nouveaux titres obligataires que nous allons vraiment nous en débarrasser.
Sur le plan comptable, ne devons-nous pas les inscrire sur nos comptes ?
- Non, bien-sûr que non. Les mecs qui ont écrit les règles comptables nous autorisent à créer une société écran aux Iles Caïman pour y transférer la propriété. La daube va
être inscrite sur le bilan de cette coquille vide, pas sur le nôtre. Pour masquer ce tour de passe-passe, nous allons donner le nom fantaisiste de SVP (Special Purpose
Vehicle).
- C’est génial, mais pourquoi nous laisseraient-ils faire ça ?
- Nous avons convaincu les autorités qu’il était d’une importance vitale pour la santé du système financier des Etats-Unis que les investisseurs ne sachent rien sur ces
transactions complexes et ce qu’il y a derrière.
Allons voir comment ça se passe chez les mecs qui ont écrits les règles comptables :
- Monsieur, en tant qu’investisseur et citoyen responsable, je vous demande de réformer nos institutions financières pour y établir la plus grande transparence et la
plus grande franchise dans les rapports financiers.
- Vous pouvez compter sur moi.
Chez le fonds de pension du village norvégien :
- Allo la First Bank ?
- Oui, bonjour.
- Salut, nous n’avons pas reçu notre intérêt mensuel.
- Ouais, ça tombe bien que tu appelles, mais ce qui se passe ici est complètement dingue. Il semble que les trouducs qui ont souscrit dans les contrats hypothécaires et
qui financent votre CDO ne sont pas capables de régler leurs dettes.
- Hey. Attendez une minute. Nus avons acheté les « bonnes » tranches triple A du CDO. Vous savez, la plus sûre. Nous sommes supposés être les premiers à être
payés.
- Malheureusement le remboursement des prêts est beaucoup plus difficile que nous le pensons et il y a très peu de cash qui entre. Franchement, je vous assure que nous
sommes aussi déçus que vous.
- Oui, mais vous m’aviez dit que les prix des maisons montaient toujours et que vos emprunteurs pouvaient toujours refinancer leurs hypothèques.
- C’était une mauvaise prévision. Nous avons merdé. Désolé
- Mon cul, et le triple AAA des agences de notation ?
- Ils ont merdé aussi.
- Mais cette obligation était garantie. Et les assureurs qu’est ce qu’ils font ?
- Vous plaisantez ? Ils n’ont pas suffisamment d’argent de côté pour couvrir ce bordel. Ils ont merdé.
- Bien. C’est super et que suis-je supposé dire à mes villageois ?
- Dis-leur que tu as merdé.
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