Appel pour une république multiculturelle et postraciale,descriptif d’une initiative vouée à s’inscrire dans le temps

Publié le 20 mars 2010 par Www.streetblogger.fr

L’élection de Barack Obama doit être un tournant dans l’Histoire et pas celle des USA uniquement. C’est ce que François Durpaire, historien spécialisé dans le continent nord-américain, et ces dernières années sur le président si emblématique, a réalisé. Le 20 janvier 2010, un an jour pour jour après le jour de l’investiture du président américain, l’appel pour une France multiculturelle et post-raciale est publié par Respect Mag. Pour exposer son projet aux journalistes venus en nombre, il est accompagné des personnalités qui se sont le plus investies dans ce projet, à la tête desquelles Lilian Thuram qu’on ne présente plus. Etaient aussi présents, Rokhaya Diallo présidente de l’association Les Indivisibles et chroniqueuse pour RTL et Canal +, Pascal Blanchard historien spécialiste de la colonisation et Marc Cheb-Sun fondateur de Respect Mag.

Aujourd’hui en France, lorsqu’on interroge au hasard les gens dans la rue, 55% d’entre eux sont capables de répondre qu’il existe des races. Si on leur demande combien de races sont-ils capables de dénombrer, alors 22% de Français en trouve six ! Des faits qui peuvent ne pas choquer beaucoup de gens tant nous avons été éduqués avec ces idées de différences de toutes sortes de manière inconsciente ou pas. Le concept actuel de tolérance est d’ailleurs la conséquence toute naturelle de cette éducation pour qui voit des différences mais souhaite vivre avec. Ce concept de race, les personnalités présentes lors de cette conférence se proposent de le dépasser totalement. Cet appel et le manifeste, composé de cent propositions pluricitoyennes, qui l’accompagne sont là pour créer une porte d’entrée pour reconsidérer la société française.

Le but est de mettre en mouvement la France multiculturelle, car si celle-ci est une réalité indéniable plus ou moins acceptée, elle n’est pas encore dans les faits vraiment en marche. Cette idée est ici dressée comme un constat, par les cinq représentants de cet appel. Pour eux l’idée est simple, la France et ses citoyens sont le produit d’une histoire commune qui engendre des mécanismes dont la diversité de notre société est le plus important. Parmi les phénomènes historiques récents, ont peu bien sûr cités les différentes vagues de migrations du XXe siècle ou l’émancipation de la femme. Ce sont ces mécanismes sous-exploités à l’heure actuelle que cet appel veut déclencher pour améliorer la France et sa population dans toute sa diversité qu’elle soit ethnique, de genre ou de handicap… Eduquer les gens à être français dans la diversité est le moyen qui peut permettre  les forces du pays à réellement mettre à profit celle-ci.

Les problèmes ciblés par le collectif sont nombreux. A la base d’une somme de lacunes, Lilian Thuram cible le manque d’éducation, notamment celui de la jeunesse à vivre dans la diversité. Marc Cheb Sun précise en ciblant les lacunes de l’éducation prodiguée dans l’Education nationale en rappelant que le problème de la mobilité sociale est peut-être plus la reproduction des élites que celle des couches populaires. En d’autres termes, il explique que l’Education Nationale joue mal son rôle de moteur de la mobilité sociale car comme l’expression le dit : « l’ascenseur social est bloqué », et donc la majorité des enfants d’ouvriers deviennent ouvrier tandis que les enfants des élites reproduisent le même schéma à leur propre échelle. Une immobilité qui favorise le creusement d’un fossé rempli d’incompréhensions déclencheuses des retards que l’on connaît aujourd’hui. Ce problème principal de l’éducation qu’il est important de rectifier chez les jeunes, est décuplé par le traitement des médias sur les faits qui mettent en scène « les jeunes ».

Le traitement par les médias de diverses sujets ayant pour thèmes la diversité ou d’autres complètement anodins, est un des autres gros point sensible ciblé par ce manifeste. Le processus dénoncé est la précision quasi systématique de l’origine de jeunes de certains quartiers dans les cas de faits divers. Une manière devenue banale de les exclure de la communauté nationale, un facteur de plus qui favorise la perte de repère. Le seul repère ici visible pour ces jeunes, c’est la fracture et c’est justement au-delà de celle-ci que les personnalités qui ont rédigé cet appel proposent de regarder.

Face à ce type de problématiques, l’appel se propose de répondre en divisant les propositions en dix axes. La première consiste en « réconcilier l’identité républicaine et la pluralité » et comporte des propositions comme « déconstruire la notion de race » ou « savoir que quand on est français, ça ne se voit pas… ». Le deuxième axe propose de « redynamiser la démocratie », le troisième de « mener une action positive pour égalité réelle » dont la proposition la plus urgente est de « promouvoir la diversité des héritages » en construisant un Musée de l’esclavage, de la colonisation et de l’outre-mer (Mecom). L’axe 4, cible le combat sur les discriminations sexistes quand le cinquième propose de « changer les représentations ». Un des plus intéressantes consiste à intégrer l’étude des civilisations dans les écoles de journalisme. Une forme de remède aux pratiques énoncées plus tôt, sur l’énoncé presque systématique des origines de jeunes impliqués dans des faits divers. Le sixième axe revient sur l’éducation et développe des propositions qui proposent de « faire de l’égalité dans l’éducation ». « Retisser les solidarités et promouvoir la mixité », est le septième axe du manifeste. Dans cette partie certaines propositions comme favoriser la mixité sociale en imposant 30% de logements à loyers accessibles dans des projets immobiliers de plus de dix logements, ou développer la solidarité autour de la drépanocytose, première maladie génétique de France avec 12 000 patients, apparaissent comme les plus urgentes à régler. Le huitième axe se consacre au soutien de l’innovation, tandis que l’axe neuf s’attache à la volonté de « renouveler la relation avec les départements et territoires d’Amérique, des océans Indien et Pacifique ». Sujet assez sensible depuis les grèves de l’année dernière aux Antilles. Dans cette partie Christiane Taubira développe une longue proposition sur une nouvelle relation entre la métropole et ses départements lointains. Dans son développement elle invite les dirigeants du pays à revoir leurs visions de ces territoires et de ne pas occulter les forces qu’ils amènent à la puissance de la France.  Elle milite pour une reconnaissance des cultures locales, proposition qui se complète avec celle de Nicole Cyprien, principale du collège Fernand Balin en Guadeloupe, qui propose de « valoriser les identités créoles » notamment par le biais de l’école avec une heure d’enseignement hebdomadaire des cultures locales de la maternelle à la terminale. Le dernier axe se veut plus universel puisqu’il propose de créer une citoyenneté ouverte sur la planète.

A travers ces cent propositions les contributeurs de cet appel ratissent large et montre à tous les sceptiques que cette initiative est à l’opposé « d’une démarche des minorités pour les minorités », comme l’a préciser François Durpaire durant la conférence. Cet appel est une vraie ouverture vers une société d’avenir que les signataires espèrent plus équitable, plus en accord avec son passé et plus ouverte à tous.

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