Il s'en est fallu de peu que je manque cette nouvelle édition de la Foire Nationale aux Antiquités, à la Brocante et aux Jambons qui se tient deux fois l'an dans l'île de Chatou. Le week-end dernier alors que le temps merveilleux se prêtait à cette expédition, un empêchement imprévu vint en différer la visite, il ne me restait plus que ce samedi de libre avant sa fermeture demain soir. Je ne fais pas le déplacement à chaque fois mais là j'y tenais particulièrement car grâce à l'amabilité d'une visiteuse de ce blog j'avais obtenu deux invitations pour la manifestation (je tiens une fois de plus à la remercier) et il aurait été dommage de gâcher cette faveur.
Cette année la foire fêtait son 80ème anniversaire et j'ai déjà écrit que je la fréquentais dans le passé, alors que je n'étais qu'un enfant avec mes parents, quand elle se déroulait alors à Paris, boulevard Richard Lenoir, sous le nom plus populaire de Foire à la ferraille et aux jambons. A chaque édition quand je m'y rends, je suis comme chez moi, le village est toujours reconstruit à l'identique, chaque allée est nommée comme une rue de ville, les stands des brocs et antiquaires sont chaque fois aux mêmes endroits, les antiquaires mieux lotis sont sous des galeries couvertes qui les protègent des intempéries. En début de matinée le ciel hésitait entre averses et éclaircies, troublé certainement par les prévisions météo qui annonçaient de la pluie franche, mais après tout, comme c'est le Barbu qui décide, il fît très beau ou presque. Les étals de revues et livres furent découverts des toiles de plastique qui les recouvraient et si nous devions slalomer dans les allées entre les flaques d'eau, la visite conservait tout son charme habituel.
Nous nous sommes arrêtés, ma femme et moi, devant les mêmes objets ou presque, qui toujours éveillent en nous des souvenirs lointains d'enfance. De vieux ours en peluche complètement décatis, des nappes brodées à la main ou du linge en toile de coton trop rêche à mon goût d'aujourd'hui, des cendriers et pichets comme on en voyait dans les cafés jadis. Ou bien des outils de métiers quasi disparus, des armes, épées et sabres, que je soupèse pour mesurer l'effort qu'il fallait déployer pour s'en servir. Bien sûr je m'attarde particulièrement dès que j'entrevois une reliure de cuir patinée par les ans ou la tranche jaunie du livre d'une édition ancienne. Du beau un peu, du tartignole beaucoup, des objets amusants, d'autres chargés de souvenirs, certains qui donnent des envies de re-décoration intérieure, enfin des trucs et des machins dont on s'étonne qu'ils se vendent car on ne voit pas très bien à quoi ils peuvent servir, surtout dans cet état !
Déjà depuis le milieu de la matinée, des fumets de cuisine nous taquinaient les narines de plus en plus pressements. La foire de Chatou sur son île m'évoque un peu le camp retranché de ces irréductibles Gaulois, Astérix et Obélix, dont les aventures se terminent toujours par un banquet autour d'un ou plusieurs sangliers. Dans la célèbre BD j'ai toujours regretté de ne pouvoir profiter de l'odeur du cochon qui luisait sur sa broche, alors ici je me rattrape. Jambon à l'os, jarrets grillés, andouillettes suantes sur leurs grills, je ne sais où me diriger tant le pouvoir attractif de toutes ces odeurs alléchantes m'enivre, alors je me laisse séduire par la grande gueule du commerçant qui me hèle et m'invite sous sa tente. En deux temps et trois mouvements nous sommes attablés devant un énorme jarret de porc grillé à point, la couenne roussie et craquante alors que la viande fond sous la dent. Aucun Assurancetourix dans le coin pour ternir ce final grandiose. Vivement la prochaine édition !