Je reçois une lettre de ma chère umpiste de gauche, Mariah-Samanthah, que vous connaissez bien puisque je lui explique comment réussir à sa quatrième session du bac de français STG.
Mon cher comte, je suis horrifiée ! Notre ignoble prof écolo-socialiste barbu nous a encore donné un texte à expliquer dans le cadre de Sarkozysme et sardouïsme. Il s'agit d'une chanson parlant d'un grand entrepreneur de la France qui se modernise nous a-t-il déclaré, mais il n'a pas voulu nous préciser qui. Je ne sais quoi dire parce que je ne vois pas de qui il s'agit et je ne vois pas du tout de quoi on parle. Quel est donc ce régime dictatorial dont on nous parle ?
Ils ont pris mes stylos
Mon bureau mes papiers
Retrouvé dans mon dos
Mes factures impayées
Voyons. Il s'agit d'une référence à un autre chanteur qui fut célèbre aussi et qui poursuit depuis une carrière d'acteur sur les planches et devant le parquet. Depuis, il a été réhabilité par notre nouveau régime et on applaudit l'ancien dissident, rescapé des camps de la mort.
Ils ont pris ma bagnole
Mon appart ma télé
Ils m'ont dit tes casseroles
T'en as pour des années
Noter l'emploi du "ils" en tête de vers : cela donne l'impression d'un pouvoir totalitaire totalement impersonnel. Apprécier le fait que les casseroles n'aient plus duré longtemps depuis l'élection de notre magnifique président et qu'au contraire l'ex-Trésor public soit obligé de verser des indemnités à quelqu'un qui ne payait pas ses factures.
Ils sont v'nus un matin
En imper Columbo
Les huissiers les notaires
L'Urssaf et les impôts
Relever l'image de l'imper du lieutenant Columbo, forcément minable et tombant en lambeaux, tout comme sa Peugeot hors d'âge. Relever le fait que c'est assez contradictoire : on n'a jamais vu de notaires ou d'huissiers dépenaillés, mais cela donne l'impression qu'il s'agit d'opérations de basse police.
J'les ai vus satisfaits
Du devoir accompli
Les médias le Palais
Et puis tout c'qui s'en suit
Mais mon amour
Ils l'auront pas
Mon dernier rêve
Sera pour toi
Il faut noter la prémonition de la grande chanson républicaine du citoyen Florent Pagny, autre exilé digne de Hugo, de Karl Marx et de Jules Vallès. Mais aussi la citation d'un poète moins inspiré que Michel Sardou, Didier Barbelivien et Bernard Tapie : j'ai nommé Chateaubriand qui a abusé de cette formule à la deuxième personne du pluriel dans sa correspondance amoureuse (un tout petit esprit profondément vulgaire, ce Chateaubriand et qui ne s'adressait qu'à des femmes profondément stupides, puisque l'empereur dans sa magnanimité les exilait en province).
Ils ont pris mes chansons
Mon piano mon chéquier
Ils ont mis dans l'camion
Mes tâux tableaux signés
Ils ont pris mes costards
Mes adresses mes empreintes
Mes cassettes mes polars
Les autres ont porté plainte
Noter qu'ici notre grand chanteur engagé s'indigne au sujet du sort des plus démunis qui se retrouvent à la rue, en cellule, en centre de rétention, en charter.
lis m'ont mis dans la vue
Mes comptes de société
Ils m'ont dit garde-à-vue
Et puis à ta santé
Pour l'instant, grâce au bouclier fiscal et aux nouvelles lois sécuritaires, cette situation datant 1997 en plein régime socialo-communisto-écologiste ne risque plus de se reproduire. Le nombre de gardes à vue de célébrités a notablement baissé et il n'existe plus aucune délinquance financière à présent. En revanche, on trouve énormément de jeunes qui stationnent illégalement dans les halls d'immeubles.
Ils ont pris mon bateau
Ils ont lu mon courrier
Ils m'ont pris en photo
Ils m'ont tout fait signer
Ils ont pris en caution
Toutes les choses de ma vie
Et mis dans un carton
Mon micro mes tapis
L'anaphore "ils" renvoie au pouvoir totalitaire qui existait à ce moment-là, en 1997, sous la gauche plurielle ; les fonctionnaires et chargés de fonction publique étaient pires que les gardes du Goulag ou d'Auschwitz. Heureusement, une nouvelle ère de liberté pour les entrepreneurs est venue en 2007 avec l'élection du mirifique président qui a réussi à sortir Bernard Tapie du Birkenau fiscal et du Bergen-Belsen financier dans lesquels il se trouvait. Comment ne pas s'apitoyer sur le sort d'un homme qui a perdu son yacht sous le prétexte qu'il rachetait des entreprises à un franc symbolique avant de les revendre à la hauteur de milliard après avoir licencié les neuf dixièmes de son personnel ? Son sort est vraiment triste et mérite plus de compassion que celui des émigrés clandestins, des SDF, des vieillards au revenu minimum, des locataires expulsés le 15 mars, des intérimaires et précaires qui ne peuvent donner une heure de rendez-vous à un médecin parce qu'ils ignorent leurs horaires de la semaine suivante, des paysans vivant avec moins que le SMIC et sous la merci du Crédit agricole, des jeunes gens de treize ans sommés de se déshabiller totalement en garde à vue et de subir un toucher rectal, de ceux contrôlés dix fois par jour au faciès non européen. Oui ! il faut compatir au sort de ce malheureux entrepreneur parce qu'il exprime profondément ce qu'est une certaine France. Une France dont l'autre ne veut plus.