Ce n’est pas le bœuf de Kobé mais le bœuf de Bazas dont je vous parlerai aujourd’hui:
Avant d’être destiné à fournir une viande de boucherie, l’élevage bovin du Sud-Ouest était essentiellement utilitaire, produisant les vaches et les bœufs qui tractaient et travaillaient dans les campagnes. Autrefois, d’ailleurs, la viande de bovins n’était pas la plus prisée : les Tarifs du maximum, en 1793, nous en donnent une idée. A Bazas même, par exemple, le prix de la livre de bœuf, est inférieur à celui du mouton et du veau. A Pau, cette viande, même lorsqu’on signale qu’elle a été engraissée, reste toutefois moins chère que le mouton ou a fortiori le porc.
A Orthez (Basses-Pyrénées), il est spécifié » qu’on ne tuera que des bœufs de huit ans et au-dessus, pour ne point dégarnir le pays du bétail précieux pour l’agriculture ».
Lorsque le XIX ° siècle se préoccupe de l’amélioration des races locales et que l’Académie des sciences met au concours en 1847 des questions comme : » Décrire les races et variétés de bestiaux existants dans le département de la Gironde », M. Dupont, médecin vétérinaire à Bordeaux, donne son avis sur la race bazadaise, il considère que » c’est la meilleure race de travail qui soit au monde. Elle est très robuste, infatigable, sobre. A la tête de son bel attelage, le paysan bazadais comme l’Arabe sur son cheval, se rit de tous les obstacles » ! il précise que l’on trouve les plus beaux types dans » l’arrondissement qui lui a donné son nom », et ajoute : » Cette race est peu appréciée pour la boucherie ; on ne livre les bœufs à l’engrais qu’ après douze ans. A cet âge, ils prennent assez bien la graisse ; mais elle a une couleur jaunâtre, qui communique à la chair un goût peu agréable, s’affaiblissant par la cuisson. Cette particularité, qui donne sur notre marché une certaine déconsidération au bœuf gras de cette race, nous paraît tenir davantage à la qualité des aliments qu’il a mangés toute sa vie et à l’eau qu’il a bue, qu’à des conditions physiologiques particulières. » En effet, la nourriture qu’il recevait l’hiver se composait alors de paille de millet et de seigle, mélangée à une petite quantité de mauvais foin!
Un demi-siècle plus tard, la situation à complètement changé. Lorsque Ardouin-Dumazet voyage dans le Bazadais en 1902, il remarque le « superbe bétail appelé race bazadaise » et note que » jadis dédaigné de la boucherie, le bœuf bazadais est plus recherché grâce sans doute aux soins dont il fait l’objet et à la nourriture meilleure qu’on lui donne dans beaucoup d’exploitations ». Aujourd’hui, » malgré la baisse considérable des effectifs avec la mécanisation de l’agriculture », comme le souligne Raveneau, cette race se maintient. Le fort pourcentage de morceaux de premier choix, les rendements en viande très élevés et son goût persillée en font un animal recherché par les meilleures boucheries. cette race fournit ainsi actuellement l’une des plus savoureuses viandes de la région, ses entrecôtes étant particulièrement prisées et adaptées à la préparation dite » à la bordelaise « .
Traditionnellement, les bœufs gras bazadais sont engraissés pour la fête du carnaval, le Mardi gras. Les entrecôtes sont grillées sur sarments de vigne. la viande est aussi appréciée en pot-au-feu, accompagnée d’une sauce à la tomate, aux câpres et aux cornichons.
Les animaux sont nourris à l’herbe des pâturages, puis sont mis à l’engraissement, au moins 4 mois avant l’abattage. La finition est une étape primordiale : pour que leur viande soit tendre, les animaux engraissés reçoivent une alimentation énergétique à base d’aliments secs (foin et farine de céréales). A l’abattoir, pour plus de saveur et une meilleure onctuosité, les carcasses ne sont pas dégraissées : ainsi la viande ne se dessèche pas trop rapidement. La tendreté optimale est atteinte après une douzaine de jours de maturation.
La zone d’élevage : la Gironde, 18 cantons des Landes, 8 cantons du Lot-et-Garonne et 4 cantons du Gers, ainsi que les cantons limitrophes de la Gironde et des Landes.
C’est une viande de premier choix que j’apprécie particulièrement, mais difficile à trouver sur Paris
Source : Aquitaine chez Albin Michel