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Crise économique, crise environnementale : le pari délirant du conservatisme

Publié le 20 mars 2010 par Vogelsong @Vogelsong

L’utilisation constante de concepts contradictoires pour conserver en l’état un système qui s’autodétruit constitue aujourd’hui une méthode de gouvernance. Les deux crises (écologique et économique) majeures qui ébranlent le globe offrent le terrifiant spectacle d’une oligarchie qui, face aux conséquences de ses errements, s’en remet à des artifices tétanisants pour perdurer. En effet, la capacité du pouvoir à maintenir le statu quo alors qui faudrait agir se manifeste par l’entremise d’un discours antithétique sur le long terme. L’univers mental du consumérisme cherche toujours à persister dans son être, à trouver des solutions pour se perpétuer. C’est à un double pari risqué et définitif que les joueurs de poker qui gouvernent expose l’humanité.

Un pari risqué

Crise économique, crise environnementale : le pari délirant du conservatisme
Le principe de précaution est invoqué par les gouvernants concernant n’importe quelle broutille. En particulier quand il sert des lobbies économiques (achat massif de vaccins pour un virus bénin) . Paradoxalement lorsque la survie de l’humanité est jeu, ce principe est bien moins prépondérant. En effet, la pensée techno-scientiste promet de repousser toujours plus loin les limites de ce que peut supporter notre biosphère. Une promesse. Quant à la finance, elle a fait voeu de se moraliser, de trouver des règles pour canaliser son aveugle cupidité. Dans ces deux cas, il s’agit d’un pari sur l’avenir. Un augure. Face au doute que suscite ce type de verbiage et gesticulations, on peut se comporter de deux manières. Croire aux promesses, sachant que nombre d’entre elles sont proposées par ceux qui sont responsables de la situation. Donc, faire fi du principe de précaution. Soit opérer une révolution. Dans un cas on hypothèque le bien être pour la préservation, dans le second on joue aux dés avec l’avenir. Si on se trompe dans le premier cas, on souffrira d’une frustration consumériste, si on se trompe dans le second, c’est le cataclysme. Un pari risqué que certains, même tenants du principe de précaution, continuent de discuter.

Alternative diabolique

Dans la crise financière, les états ont tous sorti leur joker. Les aides colossales consenties pour assurer le risque de crédit, les politiques de maintien de l’activité pour éviter le collapsus intégral du système mercantile, ont mis les finances publiques au point de non-retour. En France le taux d’endettement de l’état est passé à 8.9%, ce qui constitue pour les canons de la gestion publique du milieu des années 90 (autour de 3%), l’apoplexie financière. Si on écoute les économistes, le système économique ne pourra pas encaisser dans un avenir proche, un nouveau choc équivalent à celui de 2008. Or le spectacle de la finance spéculative qui continue de générer des profits en complet décalage avec la situation dans le monde réel laisse penser que les discours ne furent que des sornettes lénifiantes. Une temporisation nécessaire à la remise en branle du système. La financiarisation globalisée de l’économie accompagnée de l’idéologie du libre-échange dépeint les crises comme des moments de tensions issus de déséquilibres qui tendent à s’estomper pour revenir à une situation saine. En d’autres termes : après la crise, la croissance. L’avenir a toujours raison. Pourtant à chaque embardée, une partie de l’équipage passe par-dessus bord. Mais tant que le bateau reste à flot et que le capitaine garde les pieds au chaud, la croisière continue. Jusqu’à la prochaine dépression et peut-être la dernière. Sur le plan écologique, la situation est quelque peu différente. La planète n’a pas connu de choc brutal. Ça et là des signes font craindre le pire, mais les difficultés à évaluer précisément les causes humaines font qu’une molle prise de conscience émerge. Aujourd’hui, dans les pays concernés, l’écologie relève plus d’un gimmick de mode (“écologie positive”, “développement durable”, “croissance verte”), que d’un changement radical de mode vie. Cette crise parce qu’elle est encore diffuse entraîne un comportement beaucoup plus naïf. Les hommes s’en remettent au bon sens, à l’adaptation par l’entremise de mesures ponctuelles, à la science pour continuer de faire comme auparavant. En réalité, seule compte la sauvegarde des habitudes de consommation et d’un certain luxe à court terme, c’est-à-dire une demi-génération. Tout au plus.

La conjonction des deux crises n’est pas un évènement anodin. Auparavant le système productiviste ne se heurtait qu’à une contrainte interne. On la surmonta par un habile mélange de cynisme (laisser-faire) et de volontarisme timoré (intervention limitée de la puissance publique). Depuis peu le système ultra consumériste a pris conscience de la limite environnementale. C’est la nouvelle frontière, pour la franchir on s’en remet aussi au cynisme (les écologistes sont des Cassandres voire des menteurs) et à un activisme folklorique (Grenelle de l’environnement). Ne pas prendre en considération les deux dimensions du même problème c’est se fourvoyer. Comme le font les hiérarques en charge du devenir planétaire. Au petit jeu de la temporisation absurde, c’est à celui qui trouvera la baliverne la plus vertigineuse. J. Attali propose l’“adécroissance”, les écologistes patronaux agitent la “croissance raisonnée”, “la croissance durable”, “l’écologie de droite”. Un florilège infini d’oxymorons. Ils n’ont qu’un seul objectif, conserver un système en l’état. Car l’univers mental n’a pas évolué. Un univers qui ne renonce pas lui même, à moins d’y être contraint par de formidables forces. Ce système ira probablement jusqu’à son terme, son total aboutissement. C’est-à-dire l’implosion définitive.

Sources :

“La politique de l’oxymore” – B. Méheust – Ed. La Découverte 2009

Vogelsong – 17 mars 2010 – Paris


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