Iran : le rap persan du nouvel an

Publié le 19 mars 2010 par Delphineminoui1974

 

Il s'appelle « hichkas » (« personne ») et le public français l'a récemment découvert dans le film Les chats persans de Bahman Ghobadi sur la musique underground iranienne. Pour le nouvel an persan (nowrouz, 20 mars) qui correspond à l'équinoxe du printemps, ce jeune rappeur iranien vient de sortir son nouveau tube sur YouTube : « Un beau jour va arriver »... A écouter, lire (voir la tradition, ci-dessous) et méditer... Car selon la tradition iranienne, héritée des poètes de la Perse antique, on peut tout lire entre les lignes, entre les mots...

Un beau jour va arriver
Un jour où l'on ne se tire plus dessus
Où l'on ne se regarde plus de travers
Où l'on sera amis et où l'on marchera main dans la main
En souvenir du temps de l'école
Aucun de nous ne sera au chômage
On se chargera de reconstruire l'Iran
Pour que, cette fois-ci, tu ne te fatigues pas
Je m'occuperai des briques et tu te chargeras du ciment
Après tant de pluie ensanglantée
L'arc-en-ciel va finalement voir le jour
Le ciel ne sera plus couvert de pierres
L'eau ne sera plus rouge tulipe

Ô muezzin! Appel à la prière !
Dieu est grand et il nous épargnera de toute malédiction
Ô maman! Priez pour nous ce soir !

(Ici, la musique se mêle à un brouhaha inaudible, qui rappelle les manifestations post- électorales)

***
Autant que je sache, cette terre a toujours donné naissance à des « Nedas »
(en référence, sans doute, à « Neda », jeune martyre de la contestation. Mais en persan, cette phrase peut avoir un double sens : elle peut aussi signifier :Autant que je sache, cette terre nous appelle toujours...)

Un beau jour va arriver
Un jour sans chaos
Et où lors des bagarres, on s'échange des gâteaux plutôt que des insultes
Où tout ira bien, où l'on sera content
Mais nos camarades disparus nous manquent...
Le sang coule dans les veines et il ne connaîtra jamais le ciel et le goudron
Le sang ne jaillira plus
Les mères ne pleureront plus leurs enfants
La maison ne sera plus le refuge pour se protéger de la guerre
Nom de Dieu! Je suis en ruine comme [la ville de] Bam ou peut-être comme Hiroshima après les bombardements ! Je ne sais plus!
Je brûle et je chante !
Tu vas penser que je suis cinglé
Mais un beau jour va arriver! J'en suis sûr!

***

Quand le beau jour arrive
Peut-être qu'il ne reste rien d'autre de nous que les moments de bonheur
Il n'y aura plus de ruine, tout sera sain et sauf
Les vers nous chatouillent dans les tombes et cela nous rendra heureux !
Que le ciel est beau !
La pelouse près de la tombe est verte
Aucun cerveau ne songe à fuir
Ça va s'arranger, avec de la patience
Les étrangers n'occupent plus notre terre
Ne dis jamais qu'il est tard
Si je disparais, je veux que tu me fasses une promesse
Il faut que tu donnes des fleurs à tous les soldats que tu croiseras
Aucun oiseau ne restera en cage
Il n'y aura plus de veuves
Ma chère fille! Papa va bientôt arriver. Mets la table pour le dîner  
 
(en fond sonore, on entend un discours qui dit : « Actuellement, on est en guerre civile avec l'ennemi interne. On sortira vainqueur de cette guerre et l'ennemi interne sera vaincu! »... A lire entre les lignes, il peut s'agir d'une référence aux discours du guide suprême, qui impute régulièrement la responsabilité des manifestations aux « ennemis »).

----- Merci à K. pour la traduction.