Midi, les pommes de terre cuisent en la "marmite à vapeur" dans leur plus extrême simplicité.
Je pense aux "Mangeurs de pommes de terre" de Vincent. Tableau bien sombre, bien austère. On y sent la misère, la crasse, la fatigue du travail se lit sur ces visages qui ne parlent pas, n'échangent pas entre eux, s'économisent. Les bouches avalent des morceaux de patates, c'est tout. Elles boiront du vin ensuite. Puis, retour au boulot. Sans espoir de sortir jamais de rien.
Mes patates à moi cuisent à la vapeur, doucement. Un filet d'huile d'olive dessus ensuite. De l'ail, toujours. Un verre de vin, bien sûr. Rien de plus. Repas de roi. Mon chat commence à sortir de sa torpeur matinale, à lorgner du côté de la cuisine. On ne voit pas de chat chez Van Gogh. Pas d'animaux non plus. Je fouille ma mémoire, il ne me semble pas, qu'hormis de sinistres corbeaux planant sur un champ de blé, il ait jamais peint d'autres animaux. Extraits de sa palette : des iris, des regards scrutateurs, de la lumière pure.
Des patates aussi chez Agnès, des tonnes de patates en libre-service et les même personnages que chez Vincent, l'histoire n'en finit pas de se répéter. Ils ont traversé le temps ces gens usés de vie. La misère traverse le temps avec les hommes. Comme un lierre, comme une tique. Besoin d'un tuteur, besoin de sang. La misère se nourrit exclusivement de sang. Oui, mais ça c'est une autre histoire, je ne voulais pas parler de misère aujourd'hui. Je voulais parler de pommes de terre.