Était organisé hier soir à l'initiative du Conseil Régional de l'Ordre des Pharmaciens et de la Faculté de Pharmacie de Lyon une rencontre avec Michel Rioli, rapporteur du rapport éponyme sur l'évolution de la pharmacie.
Je dois admettre que je fus agréablement surpris! Tout d'abord, j'ai appris qui il est et pourquoi il s'intéresse au monde de la pharmacie d'officine: il est juriste de formation et marié... à une pharmacienne.
Il a capté mon attention lorsqu'il a reconnu la dérive commerciale de ma profession liée à notre mode de rémunération actuel qui fait que quelque soit le temps passé avec un patient nous sommes rémunérés de la même manière incitant ainsi le glissement de la profession vers la simple distribution du médicament. Il nous a clairement mis face à notre démission du savoir et des compétences au quotidien. Et donc de constater que le glissement du médicament vers la grande et moyenne surface était alors tout à fait naturel. Son public était certes acquis mais quelle joie d'entendre une personne n'appartenant pas à la profession nous dire çà.
J'avais assez mal réagi au fait que même dans la partie concernant le projet professionnel, il fasse référence toute les cinq lignes au financement. On ne peut pas parler argent avec moi, c'est un fait; il me faut et il vous faut l'accepter (entendre de la bouche des patients que je travaille dans un commerce me blesse à chaque fois car pour moi, c'est nier mon investissement auprès d'eux). Cependant j'ai compris sa problématique: comment dégager du temps pharmacien pour l'accompagnement et le suivi pharmaceutique à moyen constant alors que les marges du médicament vigneté tendent à diminuer. Le fait d'aborder le problème sous cet angle me rassure puisque ceci démontre qu'il est axé non pas sur le développement économique de l'officine mais bien sur le développement de notre pratique professionnelle. Maintenant restons vigilant sur la manière dont les pharmaciens titulaires d'officine vont s'approprier ces nouveaux modes de rémunération!
La question de l'évolution des pratiques professionnelles vers un accompagnement accru du patient se traduisant par exemple par des entretiens pharmaceutiques de vingt minutes, vers un conseil à la prescription, etc... doit également nous obliger à répondre à la question de nos rapports professionnelles avec les préparateurs en pharmacie. Je rappelle qu'elle avait été soulevée voici trente ans alors que la vénérable Simone Veille était ministre de la santé. Allons-nous les sacrifier, comme il avait été envisager à l'époque, ou développer leur compétences?
Nous partageons également une analyse de la situation: notre profession est à un carrefour. Pour Michel Rioli, nous sommes sur la crête de deux versants: le versant profession de santé et le versant commerçant. Et alors qu'actuellement nous avons le double statut de profession libérale et de commerçant (au passage j'aime quand un pharmacien met sur sa page Facebook ou autre: profession libérale et non pas commerçant) nous allons dans les prochaines années [continuer à] glisser vers le second ou prendre notre avenir en main et devenir des professionnels de santé à part entière. Pour ma part, la descente du versant commercial est bien entamée; je crois plutôt au schisme de la profession dans les dix années qui viennent avec l'émergence d'un nouveau pharmacien qui ne sera pas en charge de la distribution du médicament mais du suivi et de l'accompagnement du patient en interprofessionnalité. Pour les personnes qui ont du mal à concevoir, à imaginer un autre pharmacien, je tiens à préciser que je partage le même diplôme que les pharmaciens-biologistes des laboratoires d'analyse médicales, que les pharmaciens d'industries chargés de production, que les pharmaciens inspecteurs de Santé Publique, que les pharmaciens des affaires réglementaires, que les pharmaciens hospitaliers, que les pharmaciens conseils de l'Assurance Maladie, que les pharmaciens des secteurs Recherche et Développement...
Alors oui, je commence à partager l'engouement du Pr Calop sur l'évolution que ce rapport peut apporter à ma profession, bien qu'il y ait quelques points noirs... Et cet engouement est d'autant plus soutenu que quatre cents personnes étaient présents hier soir à cette réunion!