Au début du mois de Novembre, Anthony Garrett Lisi, un « surfer snowboarder physicien à temps partiel » prétend avoir trouvé une théorie du tout qui marcherait. Le titre : An Exceptionally Simple Theory of Everything : http://arxiv.org/pdf/0711.0770
Depuis plus de 50 ans, les physiciens ont un rêve : unifier toutes les lois de la physique dans une seule et même théorie : une Théorie de Grande Unification (Theory of Everything en anglais). Je rappelle que l’étymologie du mot « physique » nous renseigne précisément sur son objectif : expliquer la Science de la nature.
A ce jour, la description de la nature qui nous entoure fait appel à 2 grandes théories ayant des champs d’application bien distincts (la relativité et la physique quantique) qui sont supportées par les 4 interactions fondamentales, à savoir la gravité (les pommes tombent des arbres), la force électromagnétique (les charges électriques opposées s'attirent), la force nucléaire forte (cohésion des noyaux atomiques) et la force nucléaire faible (ou encore interaction faible qui explique la radioactivité). Le but d’une théorie ultime est de pouvoir expliquer à partir des mêmes équations ces 4 interactions en rendant compte de la relativité générale et restreinte ainsi que de la physique quantique.
La relativité restreinte d’Einstein explique les phénomènes macroscopiques qui régissent notre Univers. Elle introduit l’idée d’espace-temps et définit une équivalence entre masse et énergie en utilisant la vitesse de la lumière comme constante indépassable (le fameux E=mc²). La relativité générale, quant à elle est une théorie relativiste de la gravitation où toute masse dans l’Univers courbe l’espace-temps.
La physique quantique nous permet de décrire tous les comportements de la matière à l’échelle des particules. C’est elle qui fixe les règles du jeux dans l’infiniment petit, et dieu sait si ces règles sont bien différentes de celles de la relativité.
De nombreuses théories ont tenté d’unifier ces théories et ces interactions durant le vingtième siècle. Il y a eu des succès comme la théorie électrofaible qui a unifié l’électromagnétisme et la force nucléaire faible ou bien l'électrodynamique quantique relativiste qui unifie la mécanique quantique et l’électromagnétisme. Ces 2 théories d’unification ont d’ailleurs été récompensées par un prix Nobel chacune (1979 et 1965).
Mais depuis, rien de vraiment sérieux. Il y a toutes les théories qui sont à la mode comme la théorie des supercordes (qui unifierait les 4 interactions) et la théorie de la gravitation quantique à boucles (qui unifierait la physique quantique et la relativité) mais aucune des théories candidates n’a jamais réussi à tout rassembler. Notez que j’utilise des conditionnels car ces théories n’ont jamais été prouvées expérimentalement et n’ont jamais pu faire de prédictions pertinentes sur des phénomènes observables avec nos moyens actuels.
La Théorie du Tout Exceptionnellement Simple de Anthony Garrett Lisi peut faire rire par son nom et de nombreux physiciens ont eu cette réaction mais cela fait déjà plusieurs semaines qu’il a publié son papier sur Internet et personne n’a encore réussi à « casser » sa théorie.
Cependant, les avis sont (très) partagés. Surtout parce que Anthony Garrett Lisi, américain de 39ans, a obtenu son doctorat de physique il y a 10 ans aux Etats-Unis et depuis, il est parti à Hawaï pour vivre sa passion : le Surf. Il a développé sa théorie depuis une dizaine d'années dans son coin tout seul entre deux rouleaux sur son île. Il faisait des petits boulots pour vivre et avait une bourse par une fondation privée, la Foundational Questions in Physics and Cosmology (FQXi).
Carlo Revelli, du Centre de physique théorique de Marseille disait au journal le Monde : « Quand j'ai commencé à lire l'article, j'étais sceptique. Quand j'ai eu fini, je me suis demandé pourquoi je n'en avais pas eu l'idée avant ». Pour le physicien Lee Smolin, père de la gravitation quantique à boucles, c’est "une nouvelle et très intéressante idée sur l'unification de la physique" et David Ritz Finkelstein (Georgia Institute of Technology) pense « que cela doit être plus qu'une coïncidence et qu'il touche vraiment à quelque chose de profond ».
En revanche, le journal le Monde stipule encore que Thibault Damour (Institut des hautes études scientifiques) y voit une « coquille vide » où « rien n'est défini avec précision et [où] ce qui est défini semble faux ». Quant à Jean Iliopoulos (Ecole normale supérieure), il estime que « tout ce qui est intéressant dans cet article est bien connu depuis longtemps ». Pour Alvaro De Rujula (CERN), « c'est élégant et joli, mais bien loin encore d'être une contribution solide qui fasse penser à Einstein ».
Bref, deux possibilités : soit ce surfer physicien qui se qualifie de « hédoniste contemplatif » est le nouvel Einstein du 21ième siècle, soit c’est encore une belle théorie sur le papier où les mathématiques vont bien mais où ça coince sur les observations. Dans ce domaine, il faut être patient, la Science a parfois raison de prendre un peu son temps. Si personnes ne s’opposait à cette théorie, il y aurait de quoi se poser des questions… Après tout, tous les grands scientifiques ont été confrontés aux réticences de leurs pairs !
Pour vous faire une idée, je vous laisse consulter le papier : http://arxiv.org/pdf/0711.0770
L’avenir nous dira ce que vaut cette “belle et simple” théorie.