La nature des choses (John Burnside)

Par Arbrealettres


Parce que certains animaux n’ont pas de nom,
unis à la trame des choses, provisoires

comme la neige fraîche ou bien les gouttes d’eau tombées
qui s’évaporent sur le sol de la cuisine,

on croit la maison déserte lorsqu’on part
au travail ou à l’école,

oublieux des traces de souffle
sur les plâtres,

de la pulsation dans une conduite d’eau, chose insaisissable,
qui vient de naître, au loin, en bas,

quelque chose comme une veine, peut-être, ou bien la vie
que nous avons presque imaginée pour les aplysies

et les phryganes,
une présence dont on pourrait tenir compte, tel un signe,

ressemblant vaguement
à la linotte ou au vison

mais à peine perceptible,
sans couleur ni parfum

- et c’est pourquoi nous avons tant de mal à décrire
les anges qui occuperont ces pièces

en notre absence, qui découvriront nos biens esseulés,
nos coupes de fruits et cuillères,

nos imperméables vides suspendus près de la porte,
le journal rivé à la table par une tasse,

c’est pourquoi nous leur donnons des ailes
et une peau humaine, un corps dans l’étreinte du chant,

silencieux comme le lait,
et nus comme la pluie.

(John Burnside)