Louise découvre d’abord, blessée et stupéfaite, la face cachée de son fils. Au fond, elle ne connaissait qu’une partie de lui. Elle ne savait rien de son amie Nazrin, rien de son appartement à Barcelone, rien des voyages qui l’avaient notamment mené au Mozambique – le deuxième pays de Henning Mankell. Henrik avait compartimenté sa vie avec le même soin maniaque qu’il protégeait les données dans son ordinateur. Personne n’avait de lui une vue d’ensemble, pas même son père avec lequel il était resté en contact malgré les distances. Pas même Lucinda, qu’il a connue à Maputo – et à laquelle, sans le savoir, il a transmis le sida.
Henrik est un mystère que Louise veut percer pour comprendre ce qu’il avait appris et qui l’a mis en danger de mort. Archéologue, elle a l’habitude d’assembler des tessons de poteries pour retrouver leur forme originelle. Mais cette poterie-ci est plus complexe que le résultat de ses fouilles en Grèce. Elle est faite de chair et de sang, de vie et de mort.
De longs détours entraînent Louise vers l’Australie, l’Espagne, le Mozambique… Les pièces du puzzle sont éparses. Une des clefs de l’énigme est Le cerveau de Kennedy, dans la disparition duquel Henrik voyait le symbole de tout ce qu’il est possible de cacher. Il a cherché la vérité dans l’obscurité et, malheureusement pour lui, il l’a trouvée dans le cadre de recherches médicales qui ont tout oublié du respect de la vie. Une réflexion, qui revient deux fois dans le roman, résume avec précision l’écart qui sépare les pays riches de l’Afrique: «nous savons tout de la façon de mourir des Africains, et presque rien de leur façon de vivre». Elle est, d’une certaine manière, au point de départ d’un malentendu qui dérape et autorise l’amoralité de certaines sociétés pharmaceutiques. John le Carré en avait aussi fait un sujet de roman dans La constance du jardinier. Henning Mankell, sur un thème proche, donne le portrait d’une mère courage dont l’amour et la volonté de savoir resteront dans les mémoires.