Le retour du jeudi

Publié le 18 mars 2010 par Fouettard

Oui, je sais, le jeu de mots est éculé (non, ce n’est pas une insulte tant qu’il n’y a pas de haine « n »), mais jamais il n’aura été, pour moi, autant d’actualité.
Car figurez-vous que mercredi a eu lieu, sans que vous vous en rendiez compte, l’événement intergalactique de la décennie. Et je pèse mes mots. La grand-messe. Le 14 juillet. Noël en plein mois de mars.
A Bercy, devant quelques milliers de grands crétins entre trente et quarante ans, il y a eu ça :

Et j’y étais.
Mais ça valait ses cinq heures Paris s’éveille de train, je vous le dis.

D’abord parce que vous entrez dans une autre dimension. Avec des gugusses (et des filles aussi) qui se promènent en peignoir marron tout en brandissant fièrement un néon, tandis que d’autres arborent non moins fièrement un costume en boîtes de conserve. Franchement, cela fait peur. J’ai eu peur. J’ai cru un instant que j’étais tombé dans quelque célébration occulte d’une secte franchisée, avec ses codes vestimentaires, son langage, ses rites et – élément fondamental d’une secte – sa pompe à fric (en forme de mug à l’effigie d’un nain de jardin vert avec de grandes oreilles; probablement le gourou).

Comment ? Si j’exagère ? Mais pas du tout ! Regardez :

Complètement timbrés. Et le pire, c’est qu’il y en avait plein d’autres !

(« Et toi, sinon, tes bottes, tu les cires à la graisse de Wookie ? »)

(« Fais gaffe, ta cyber-braguette est ouverte…
- Ah ouais, zut ! »)

(J’ai quand même eu un sourire…)

(Et puis j’ai fait fuir une Jedi rousse toute de cuir vêtue, rien que par le pouvoir de ma Force !)

(En voilà un qui devrait faire attention, il va se tirer un coup de fusil-laser dans la poire…)


(Ils ont quand même de drôles de tenue, les vigiles de Bercy, non ?)

(Tiens, encore un Jedi que je fais fuir. P’tain, j’suis trop balèze !)

(Même Harrison Ford avait fait le déplacement. J’espère qu’ils ont pensé à le sortir de là après le concert…)

Bref, on nageait dans une halte-garderie géante pour enfants quadragénaires.

Et puis nous avons pris place dans l’église la salle. Les lumières se sont éteintes. Le silence s’est fait. Religieux. Oui, il y avait une sorte de ferveur dans ce silence.
Et puis…
Et puis il y a eu ce frisson invraisemblable qui a parcouru l’assistance. La hola des poils. Tous au garde-à-vous, comme à la parade, même les plus intimes. L’orchestre, au grand complet, envoyait les premières mesures du générique de la Twentieth Century Fox, tandis que sur l’écran géant nous pouvions lire : « Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… » 

Le reste serait trop long à raconter. Un voyage de deux heures au cœur de la saga. Avec ses moments d’apothéose lyrique, comme le Duel of the fates entonné par le chœur, ou son incontournable Marche impériale, reprise avec bonheur au moment des rappels.
En ce qui concerne la projection d’extraits des films, pour ceux qui possèdent la bande originale de l’épisode III (La revanche des Sith), il n’y avait pas véritablement de surprise puisque le montage était sensiblement le même que sur le DVD qui accompagnait le CD. Mais au lieu d’avoir comme narrateur l’inquiétant Ian McDiarmid, nous avons eu le pur plaisir d’accueillir (avec un véritable tonnerre d’applaudissements, que même Evelyne Dhéliat ne l’avait pas prévu, celui-là) le seul acteur qui ait participé aux six épisodes de la saga : Anthony Daniels, alias C3-PO.

 C’est fou d’applaudir autant un type qu’on ne voit jamais vraiment dans le film. En même temps, c’est lui qui suait sang et eau en plein cagnat pendant les tournages au Maroc. Il a bien mérité sa standing ovation. Non seulement il ressemble à David Tennant vieux, mais il faut bien reconnaître qu’en plus de cela il fut un Monsieur Loyal impeccablement charmant et britanniquement drôle.
Et à la fin, un ultime frisson nous traversa lorsqu’avec un petit sourire tendre il nous lança : « Que la Force soit avec vous… Toujours… » (oui, en français).

Dans la salle, un petit con de trente-quatre berges avait une grosse poussière dans l’œil. Emu comme pas possible, retrouvant la même sensation exaltante que dans sa jeunesse lorsqu’il avait vu les trois premiers films au cinéma, se détestant presque de cette réaction, mais entendant au fond de lui sa propre voix dire les mots de Cervantès :

« Garde toujours dans ta main celle de l’enfant que tu as été ».