Le juge des référés du Conseil d’État s’estime incompétent pour se prononcer, en cas de doute sérieux, sur l’état des personnes et pour ordonner des mesures d’expertise ou d’instruction propres à établir, le cas échéant, un lien de filiation.
En l’espèce, le requérant souhaitait obtenir, dans le cadre du référé mesure utile de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, une injonction pour établir une filiation afin que son fils revendiqué puisse obtenir un visa pour le rejoindre en France. Il soutenait que les tests génétiques sont « le moyen le plus probant pour établir la filiation et lui permettraient de pallier le défaut de preuve qui lui est opposé ».
Dans son mémoire en défense le ministère de l’Immigration estimait que l’article 16-1 ne peut fonder la compétence du juge administratif pour ordonner ces tests génétique tout en reconnaissant que « l‘expérimentation prévue par l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est devenue caduque le 31 décembre 2009 » (disposition issue de la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 - art. 13 dit « amendement Mariani » ).
Dans sa décision, le juge des référés du Conseil d’Etat confirme (CE, 28 déc. 2007, n° 291219, Nkouka: introuvable sur Légifrance mais cité par le Dictionnaire permanent droit des étrangers dans l’étude filiation - voir ci-dessous) que dans la mesure où l’article 16-11 du code civil dispose que l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire il « n’appartient au juge administratif ni de se prononcer, en cas de doute sérieux, sur l’état des personnes, ni, par suite, d’ordonner des mesures d’expertise ou d’instruction propres à établir, le cas échéant, un lien de filiation».
On observera qu’une affaire similaire a été récemment portée devant la Cour européenne des droits de l’homme et a fait l’objet d’une mesure provisoire dans ce dossier abracadabrantesque.
Fortunato Braga N. n’a pas pu passer de tests ADN pour rejoindre son Papa
CE, réf., 11 mars 2010, Papy Matutu N. (n° 336326)
Actualités droits-libertés du 18 mars 2010 par Serge SLAMA
CONSEIL D’ÉTAT, statuant au contentieux
Lecture du 28 décembre 2007, (Séance du 11 décembre 2007)
no 291219
Nkouka
Source: Dictionnaire permanent droit des étrangers
Mlle Sophie-Justine Liéber, Rapporteur
M. Frédéric Lenica, Commissaire du Gouvernement
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème sous-section)
Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Baudry Aimé NKOUKA, demeurant 4, place des Tulipes à Carrière sous Poissy (78955); M. NKOUKA demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 5 janvier 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l’ambassadeur de France à Brazzaville refusant un visa d’entrée en France pour les enfants Rama-Kermilis NKOUKA, Chancelvie NKOUKA et Pauline NKOUKA-MIENTSANGOU;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950;
Vu le code civil;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile;
Vu le décret no 2000-1093 du 10 novembre 2000, modifié;
Vu le code de justice administrative;
Après avoir entendu en séance publique:- le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement;Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères;
Considérant qu’une demande de visa d’entrée et de long séjour a été faite pour des enfants présentés comme les enfants et petits-enfants, de nationalité congolaise, de M. NKOUKA; que cette demande a été rejetée au motif que les documents produits ne permettaient pas d’établir le lien de filiation entre Rama-Kermilis et Chancelvie, d’une part, et M. NKOUKA, d’autre part; qu’il ressort des pièces du dossier qu’eu égard aux incohérences existant entre les actes de naissance produits par M. NKOUKA et les certificats d’accouchement concernant Rama-Kermilis et Chancelvie, ce motif n’est fondé ni sur des faits matériellement inexacts, ni entaché d’erreur d’appréciation;
Considérant qu’eu égard au motif retenu pour refuser les visas sollicités, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France n’a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise; qu’elle n’a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Considérant que, si M. NKOUKA demande que soit ordonnée une mesure d’expertise tendant à ce qu’il soit soumis à des tests biologiques afin d’établir les liens de filiation dont il se prévaut, il n’appartient au juge administratif ni de se prononcer, en cas de doute sérieux, sur l’état des personnes ni, par suite, d’ordonner des mesures d’instruction propres à établir, le cas échéant, un lien de filiation, telles que celles prévues notamment à l’article 16-11 du code civil;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. NKOUKA n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée;
DECIDE:
Article 1er: La requête de M. NKOUKA est rejetée.
Article 2: La présente décision sera notifiée à M. Baudry Aimé NKOUKA et au ministre des affaires étrangères et européennes.