Le septième numéro du Magazine des Livres consacre son dossier à la critique littéraire et s'interroge sur sa pertinence, vue la corruption endémique (voire consubstantielle) du microcosme littéraire. Dossier maintes fois réouvert, toujours au moment de la rentrée littéraire, flot pamphlétaire peut-être bu jusqu'à la lie, tant il est vrai que plus personne n'est dupe.
Dans le cadre de cette problématique de saison, plusieurs personnalités du milieu ont été interrogées. Une réponse m'a interpelé : à la question "Vous-même, vous diriez vous critique ou journaliste littéraire ?", Christophe Kantcheff - rédacteur en chef adjoint de Politis - répond :
"Il s'agit de deux temporalités différentes dans la pratique de son travail : le journaliste par définition réagit, il doit être dans l'événement, dans l'actualité, alors que le critique a besoin de davantage de temps, doit laisser filer le temps qui passe. Il se retrouve ainsi en décalage par rapport au journaliste qui est en lui, décalage qui permet d'ailleurs de prendre en compte la réception critique, ou plus exactement journalistique."
Les blogs littéraires sont actuellement présentés comme une alternative rafraichissante à la critique établie et consensuelle. Reste à savoir dans quelle temporalité ils s'inscrivent. S'il s'agit de journalisme littéraire, on peut émettre quelques doutes à leur utilité. Un blog survit par son audience, c'est-à-dire par sa capacité à se renouveler et à tenir le rythme frénétique d'une publication quasi-quotidienne. Dès lors, la tentation est grande de ne se faire que le relai de l'actualité pour meubler le silence et nourrir son flux RSS, abandonnant par la même occasion tout le sel du blogging : la valeur ajoutée par rapport aux médias traditionnels, un avis et un ton personnels, de l'esprit critique, la nécessaire différence pour narguer l'uniformité. En fait, tout cela peut se résumer au travail de fond qui sous-tend l'architecture de tout blog sérieux. Et ce travail de fond est-il toujours présent dans les blogs que vous et moi pouvons parcourir sur la toile ? Hélas, non, pas tout le temps. Moi-même parfois...
Je me lasse de cette rentrée : encore deux trois livres en attente, et après je me mets à fouiller les coins obscurs des bibliothèques, pour colmater les brèches de la mienne.