Oui, Jean Ferrat s’est tu, comme le titrait « L’Huma » quelques heures après sa mort.
Et il aura fallu la mort pour qu’il se taise, pour qu’il arrête ses coups de gueule contre toutes les injustices du monde, d’un monde qui n’a rien compris, depuis toujours.
En 1965, déjà, sa chanson Potemkine était interdite d’antenne, « bien fait ma chère, on ne chante pas la gloire des révolutionnaires ! »
« Ma France » aura le même honneur, « cette France dont vous usurpez aujourd’hui le prestige », lui la France qu’il chante, contrairement à « Monsieur Thiers qui a dit qu’on la fusille, c’est celle qui résonne au nom de Robespierre ». Mais il ne s’agenouilla jamais devant la censure refusant de passer à télé sans « sa France ».
Pareil pour « La Commune dont ouvriers et artisans s’étaient mués en soldats aux consciences civiles… »
Même « Nuit et Brouillard » ne plut pas à tout le monde, cette chanson évoque les camps de concentration ( son père y est mort), il est vrai que déjà beaucoup évoquaient le retour de l’amitié « franco-allemande », Pétain pas mort !
Il y eut aussi « Cuba Si », pas pour plaire ça aux suppôts des américains !
Mais si Ferrat a été un « compagnon de route du Parti Communiste » il n’en a jamais été membre.
Il ne s’est d’ailleurs pas gêné pour dénoncer l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, notamment dans sa chanson « C’est un joli nom Camarade » ou encore en dénonçant « les staliniens zélés de Prague à Budapest qui nous ont fait avaler des couleuvres ».
Cependant s’il a réglé ses comptes avec un communisme dénaturé il n’ a jamais renié Marx.
Mais Ferrat c’est aussi et peut-être surtout la poésie, la tendresse, combien de fois n’a-t-il pas chanté Aragon ?
Ecouter, pendant des heures, « Que serais-je sans toi » ou « Aimer à perdre la raison » c’est se retrouver sur une autre planète, loin des horreurs de la nôtre.
Pourtant « La Montagne est si belle », mais tant pis pour ceux qui la quittent « pour devenir flic ou fonctionnaire et attendant dans leur HLM, en mangeant du poulet aux hormones, que l’heure de la retraite sonne… »
Je sais que l’on a pleuré dans les chaumières ( pas dans les châteaux) à l’annonce de la mort de Ferrat, il me restera heureusement ses disques qui m’ont si souvent requinqué dans des moments de doute et rendu l’espoir de matins qui chantent comme quand, le dimanche, on vendait le journal !
Oui, c’est un joli nom Camarade, surtout quand il s’adresse à toi Ferrat…
Avec l'aimable autorisation de son auteur Jean Honhon