Basé sur l’expérience de Milgram mettant en lumière l’importance de la soumission à l’autorité (ici le dispositif d’un jeu TV), ce documentaire a montré comment la télévision (dans son acceptation éditoriale et pratique) influence le libre arbitre de candidats vis à vis de situations qu’ils répugnent. Le projet ayant était largement traité par de nombreuses personnes, je vous laisse lire quelques publications à ce sujet, François Jost et Virginie Spies.
Quant à moi, je vais plus particulièrement articuler mon propos sur les postulats entrepris dès le départ de cette émission qui, il me semble, biaisent la pertinence de ce programme.
Au départ, on nous parle de la soumission à l’autorité et notamment vis-à-vis des émissions de « télé réalité ». Soit, l’angle peut paraître intéressant, seulement la passerelle n’est pas du tout exploitée ici et la soumission à une instance autoritaire au cœur des émissions de « télé réalité » n’est pas abordée se contentant de centrer sur l’expérience en elle-même. Par ailleurs, lorsque le commentaire évoque, en début et en fin de documentaire, l’autoritarisme, l’humiliation et la souffrance infligée par la télévision comme vecteur indissociable des chaînes commerciales, cette réflexion fait de la télévision publique, mère de toutes les vertus, ce qui est bien angélique comme point de vue. « Intervilles », « Fort Boyard » ou « Les Z’amours » ne me semblent pas détenir au cœur de leurs concepts respectifs de hautes valeurs quant à la considération de ses candidats.
Par ailleurs, cette expérience telle qu’elle nous a été présenté développe assez bien le dispositif mis en place et les différentes étapes que les candidats vont avoir à affronter (tout comme les différents seuils franchis pendant l’émission). Cependant, ce qui est plus dérangeant dans cette mise en scène, c’est bien le montage proposé faisant un focus sur les « bons candidats » ayant su affronter et refuser l’emprise de l’autorité. Il s’agit là d’une écriture télévisuelle qui tend à romancer plus qu’à démontrer. En plus des effets sonores d’accompagnement (musique), ce montage est beaucoup trop subjectif pour confirmer le téléspectateur dans ce qu’il voit.
En même temps, en soulevant ce point, on s’interroge sur l’incompatibilité de dénoncer les dérives et méfaits d’un dispositif tout en l’utilisant soit même pour démontrer son propos (d’où je pense un très grand intérêt à lire le livre tiré de cette expérience qui tend, je l’espère, à aplanir ces focus).
Enfin, dernier point et non des moindres, la présence du public qui a lui seul dérègle l’atmosphère générale du jeu de par un rôle qui n’est pas du tout neutre. En effet, on nous indique lors de ce documentaire que le public est composé de 2000 personnes (20 groupes de 100) pour 80 candidats en jeu. C’est à dire qu’un groupe participe à l’enregistrement (fictif) de 4 émissions. Jusque là rien d’anormal. Sauf que le cobaye censé être électrocuté a été le même pendant les 10 jours d’enregistrement, les cris de plainte, les mêmes diffusés à chaque reprise. C’est à dire que pour quatre enregistrements, le public était complice trois fois sur quatre. De fait, la pression qu’il pouvait exercer sur le candidat en l’incitant à continuer n’était que pur jeu du cirque et non réellement fondé sur son intime conviction. Point négatif de l’expérience.
Un ultime mot tout de même pour reconnaître que ce documentaire a le mérite d’ouvrir la réflexion au plus grand nombre et d’interroger le public de masse via la manière dont il reçoit une émission de télévision et comment il est amené à réagir. Il demeure que ce programme est circonscrit aux émissions de divertissement et que toute l’offre de télévision n’agit pas des mêmes éléments. Alors attention aux amalgames et restons les seuls maîtres de la télécommande.