Ce n'est pas vraiment un roman puisqu'il n'y a pas, à proprement parler, d'histoire, à part celle d'un couple de réfugiés « rédemptionnistes » dans la seconde partie du livre. C'est essentiellement un exposé d'anecdotes sur la vie des Napolitains et des habitants du Pausilippe – colline qui fait face à la baie de Naples, à Capri et au Vésuve – en 1949, quelques années après la guerre. Lieu de désespérance et comme dirait Nerval : « ... Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie... » (« El Desdichado » in Chimères). Emigrants, immigrants qui peuplent ce territoire où vivent dans la pauvreté le petit peuple italien : le tripier communiste, le maçon vendeur d'images pieuses, le marchand de vin, le pêcheur manchot, le vendeur de cacahuètes, et celui qui propose des cyclamens aux amoureux et aux touristes... C'est le côté pauvre et surpeuplé de cette région d'Italie que nous décrit Màrai en observateur-conteur dans un style superbe : un chapitre sur les dévotions superstitieuses des Napolitains, quatre pages sur les vents personnifiés qui les touchent... Il faut laisser le livre, passer à autre chose, le reprendre, l'abandonner à nouveau et s'y replonger pour savourer l'atmosphère poétique qu'il dégage. Amoureux de l'Italie, il m'est arrivé de relire certaines pages teintées des « Bucoliques » virgiliennes. Et nous ne sommes pas loin de Cumes (Cuma) où débarqua jadis Enée.