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Le FMI aime l'inflation

Publié le 18 mars 2010 par Copeau @Contrepoints
Le FMI aime l'inflation

ll y a plusieurs mois, nous avions pris le contre-pied de tous les experts : alors qu'ils ne parlaient que des risques de déflation ; nous annoncions que ce qui nous inspirait une grande crainte, c'était le risque inflationniste. Les derniers événements nous donnent raison, mais il n'y pas de quoi se réjouir. En effet, les organismes internationaux, FMI en tête, reconnaissent le caractère inéluctable de l'inflation, mais – chose plus surprenante – au lieu de s'en inquiéter ils semblent la souhaiter. Le FMI réclame 4% d'inflation, en attendant mieux, pour donner de la « souplesse à la politique monétaire » (sic). Seule, la BCE fait de la résistance. Ainsi, après avoir provoqué le désordre budgétaire, face auquel les plus lucides commencent à réagir, les institutions internationales et les hommes politiques nous proposent le désordre monétaire…pour tenter de remédier au désordre budgétaire. « Acceptez l'ordre monétaire, ou acceptez l'esclavage » disait Jacques Rueff ; nous voilà donc en route vers l'esclavage.

« Viser un taux d'inflation plus élevé »

Le premier à ouvrir le feu a été un Français, Oliver Blanchard, principal économiste du FMI et « proche de Dominique Strauss-Kahn », comme disent les journaux : en clair, il forme et exprime l'opinion de DSK. Dans une « note de recherche » (qui définit en réalité la politique du FMI), il pose une question d'apparence ingénue, mais pas très innocente : « Les décideurs devraient-il viser un taux d'inflation plus élevé en temps normal afin d'accroître la marge de manœuvre de la politique monétaire ? ». C'est déjà en soi très instructif. D'abord, c'est reconnaître que l'inflation a une origine monétaire, c'est lier l'inflation à la politique monétaire, ce que les keynésiens ont l'habitude de nier (attribuant l'inflation à un excès de demande globale) : voilà les keynésiens convertis à la formule de Friedman et des libéraux : « L'inflation est, partout et toujours, un phénomène monétaire ». Mais les keynésiens demeurent keynésiens quand ils prêtent à l'inflation des vertus de relance, et recommandent « d'accroître la marge de manœuvre de la politique monétaire », ce qui en langage simple signifie : ouvrir les vannes du crédit, et provoquer une inondation monétaire.

Ainsi, après une politique budgétaire inconsciente, place maintenant à la politique monétaire suicidaire. La politique budgétaire a mené les déficits publics autour de 10% du PIB et les dettes publiques à 100%, voire plus, du PIB, ce qui a conduit à la crise des finances publiques dont l'épisode grec n'est qu'un signe avant coureur. Une politique monétaire laxiste devrait maintenant prendre le relais.

2%, 4%, 6%, c'est pareil

A vrai dire, les recommandations du FMI s'inscrivent dans le prolongement de la politique « active » de baisse des taux d'intérêt, qui a conduit à un taux proche de zéro aux Etats-Unis. La FED s'est lancée dans des politiques monétaires baptisées « non conventionnelles », mais aussi vieille que les « mutations monétaires » des rois de France au Moyen Age : les déficits publics sont financés par la création de fausse monnaie. Il s'agit donc d'accompagner une politique de relance budgétaire par une politique monétaire allant dans le même sens. On remarquera que l'expert du FMI réclame cette « marge de manœuvre » de la politique monétaire non seulement en temps de crise, comme en 2008-2009, mais « en temps normal », donc tout le temps. Cette position d'Olivier Blanchard est nouvelle et originale. Habituellement, l'injection massive de monnaie dans l'économie est une médecine recommandée pour relancer une économie soumise à la « grande récession », et le risque inflationniste est alors nul, puisqu'on considère qu'une telle économie est surtout menacée par l'effondrement des prix, la vraie menace étant donc la déflation, et non l'inflation. Ce point de vue traditionnel chez les keynésiens est évidemment erroné, comme le prouvent théorie et expérience.

Mais Olivier Blanchard veut administrer la potion magique de la création monétaire à une économie supposée en sortie de crise. Pour quelle raison ? Parce qu'à son avis, quelle que soit la conjoncture, les coûts de l'inflation sont inférieurs aux avantages qu'elle procure. Poussant une peu plus loin le raisonnement, Olivier Blanchard pose la question : « Pour être concret, les coûts nets de l'inflation sont-ils plus élevés à, disons, 4% plutôt que 2%, autour desquels se situe l'objectif actuel ? Est-il plus difficile d'ancrer les attentes à 4% qu'à 2% ? ». En effet, si l'inflation est un bienfait aux yeux de Blanchard, pourquoi s'en priver ? Les « coûts nets » de l'inflation ne seraient pas plus élevés, que l'on soit à 4% plutôt qu'à 2%. Jusqu'où l'inflation serait-elle neutre et à quel taux les coûts de l'inflation deviendraient trop lourds : 5, 10 ou 20%, ou davantage ? Olivier Blanchard ne nous le dit pas. Mais son verdict est incontestable : l'inflation à 4% n'est pas plus dangereuse qu'à 2%. Aucune démonstration, bien sûr : nous devons nous contenter de l'argument d'autorité car les experts du FMI sont infaillibles.

Brûler les Templiers

Voyons tout de même quels seraient pour notre économiste les avantages de l'inflation, qui la rendraient moins coûteuse que la stabilité monétaire.

Dans les années 1960 les Keynésiens ont exhibé la fameuse « courbe de Phillips » : une corrélation statistique négative existerait entre les années d'inflation et les années de chômage, aussi bien qu'entre pays inflationnistes et pays en forte croissance. Malheureusement ladite observation statistique, dont la méthode était déjà suspecte au départ, s'est totalement inversée et après 1970 l'inflation s'est accompagnée de chômage et de stagnation durables : la « stagflation » est apparue. Voilà pourquoi, suivant les recommandations de Friedman et Hayek, les Etats en sont venus à la rigueur monétaire ; la croissance a redémarré et le chômage structurel a disparu.

Il fallait donc trouver un argument nouveau pour légitimer le retour à l'inflation. Après Jacques Delors qui l'avait évoqué il y a quelques mois, voici que très clairement Véronique Riches-Flores, chef économiste à la Société Générale, nous dit toute la vérité : « On ne pourra pas s'en sortir sans inflation. C'est un moindre mal si l'on veut réduire le fardeau de la dette … ». Voilà la cerise sur le gâteau : non seulement l'inflation relance l'économie et le fait sans dégâts, mais en prime elle allège la dette publique. Formule magique, qui signifie qu'on « remboursera » l'épargnant en monnaie de singe, c'est-à-dire qu'on le spoliera purement et simplement. Chez un chef économiste bien formé, on ne dit pas « on volera l'épargnant », on dit « on réduit le fardeau de la dette ». Et les hommes politiques de tous pays (Français en tête) d'applaudir : ils retrouvent la vieille recette de Philippe le Bel : brûler les templiers à qui le roi doit de l'argent.

Reste un dernier verrou à faire sauter : il y a la BCE, cette empêcheuse de relancer en rond. Les traités européens lui prescrivent d'assurer la stabilité monétaire dans la zone euro : inflation zéro. Jean Claude Trichet s'acquitte consciencieusement de sa mission, tout en tolérant quelque écart. Il fixe un objectif « inférieur à 2%, mais proche de 2% ». Suivant les jours il insiste sur le « inférieur à » ou sur le « proche de ». 2% c'est mieux que 4%, mais c'est moins bien que 0%.

L'inflation empêche le marché de fonctionner

Ce sont, encore une fois, les Allemands qui ont mis les pieds dans le plat. Car eux, savent ce que l'inflation veut dire et ils ont payé un lourd tribut aux désordres monétaires de la République de Weimar dans les années vingt. Ils se souviennent que l'ancien président de la Bundesbank, Otmar Emminger, avait dit : « Qui veut flirter avec l'inflation se retrouve vite marié avec elle ». Peter Bofinger, un des conseillers du gouvernement allemand, explique que relever la cible de hausse des prix est « une idée loufoque et dangereuse ». Le chef économiste de Barclays en Allemagne explique qu'en « multipliant l'argent, on n'enrichit pas une économie, on l'appauvrit ». Quant au secrétaire d'Etat aux finances, Steffen Kampeter, il dit que, puisqu'elle pénalise le pouvoir d'achat et fait fondre les revenus de l'épargne, « l'inflation reste le vol des petites gens ». Friedman, de son côté avait parlé de « l'impôt d'inflation » : un prélèvement sur les avoirs en monnaie, encaisses disponibles et autres valeurs exprimées en monnaie, un impôt que personne n'a voté.

Mais le méfait essentiel de l'inflation est celui qu'a si bien décrit Hayek : l'inflation dérègle le signal des prix. Sur les marchés, les prix sont les éléments indispensables d'information, ils guident les adaptations, incitent producteurs et consommateurs à corriger les déséquilibres. L'inflation brouille tout le système d'alarme et d'orientation du marché. On ne connaît plus les prix relatifs, donc on ignore quelles sont les bonnes décisions à prendre.

L'inflation est un masque : elle donne l'illusion de l'aisance, elle gomme les erreurs, elle n'enrichit que les spéculateurs, elle est prime à l'insouciance, potion à court terme et poison à long terme, victoire de la cigale sur la fourmi. Pour les hommes de l'Etat dont les politiques ont créé les crises, l'inflation est un ultime mensonge ; ils ont, il est vrai, des « experts » qui les aident à berner l'opinion publique.

Voir aussi sur Contrepoints :

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Laisser filer l'inflation : Olivier Blanchard critiqué de toute part

Texte de la Nouvelle Lettre repris avec l'aimable autorisation de Jacques Garello. Image : les taux d'inflation dans le monde, licence GNU GFDL, auteur Roke.

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