C’est cette violence que rejette la famille de Marjane et particulièrement l’oncle Anouche qui, dans sa jeunesse, avait collaboré à la constitution d’une petite république en Azerbadjan, entreprise réduite à néant par le régime... Anouche doit alors s’exiler et franchir de hautes montagnes du haut desquelles il médite, « voyageur au-dessus d’une mer de nuages ». Ce tableau de Friedrich renforce, s’il en est besoin, l’impression romantique que dégage la figure de l’oncle aux yeux du spectateur et de la petite fille.
Digne héritière de son oncle, Marjane est idéaliste et entière. En amour, elle porte très haut ses exigences et va forcément de désillusions en désillusions. L’impression d’innocence contrariée est parfaitement rendue par les citations des tableaux de Folon ou des figures de Peynet qui nourrissent chacun des épisodes de ses idylles. Les amants de Marjane sont de piètres individus qui la font tomber de haut. A chaque fois, l’Amour la fait décoller, et à chaque fois elle s’écrase. Mais point de sentimentalisme ! Le thème de la prise de conscience est toujours traité avec un humour décapant : ainsi, la caricature de Marcus, qui apparait au début de la romance comme un véritable petit prince, est particulièrement réussie et le discours qui déconstruit la romance châtie l’imposteur de façon cinglante !
Peut-être les élèves ne goûtent-ils pas également cette vision de l’adolescence que nous offre Marjane Satrapi lorsqu’elle force le trait pour caricaturer sa propre adolescence. Sortant à peine
de « l’Organisme », dont je rappelle que c’est le thème principal, j’ai évidemment savouré ce passage où elle décrit par une série de gros
plans sur les différentes parties de son corps les mutations de sa silhouette et de son visage. L’une des étapes de la mutation passe par la citation
d’une figure horizontale du célèbre tableau « Guernica », ce qui, une fois de plus, est signe de distance ironique.