La nuit (Rilke)

Par Arbrealettres


Ô et la nuit, la nuit,
quand le vent tout chargé de l’espace du monde
nous dévore la face -
elle la désirée,
à qui ne s’attacherait-elle pas
avec sa douce déception, elle qui se dresse, ardue,
devant le coeur solitaire?
Est-elle plus aisée aux amants?
Hélas, ils de cachent seulement l’un à l’autre leur sort.
Cela, l’ignores-tu donc encore?
Rejette de tes bras le vide
vers les espaces que nous respirons;
au point que les oiseaux
peut-être
en sentent l’air élargi,
dans un vol plus fervent.

***

O und die Nacht, die Nacht, wenn der Wind voller Weltraum
uns am Angesicht zehrt –, wem bliebe sie nicht, dei ersehnte,
sanft enttäuschende, welche dem einzelnen Herzen
mühsam bevorsteht. Ist sie den Liebanden leichter ?
Ach, sie verdecken sich nur mit einander ihr Los.
Weißt du’s noch nicht ? Wirf aus den Armen die Leere
zu den Raümen hinzu, die wir atmen ; vielleicht daß die Vögel
die erweiterte Luft fühlen mit innigerm Flug.

(Rilke)