Au nom de la dignité de la femme, en vertu des lois laïques de notre société, contre les tentatives de domination de l’homme sur la femme, la Burqa ne devrait pas avoir droit de s’afficher.
"À poil les gonzesses !" serais-je tenté de chuchoter, avec un esprit de contradiction exacerbé et un soupçon de mauvaise foi révélatrice d’un penchant naturel pour l’autre sexe. Les filles ne méritent pas d’être sous le joug des gars. C’est une évidence. Supposons malgré tout que les motivations des anti-Burqa ne soient pas aussi désintéressées qu’on veut bien nous le faire croire. Prenons ensuite à revers les manifestations d’indignation dans un pur et insidieux esprit de rhétorique. Imaginons enfin que l’objet du scandale puisse avoir une utilité jusqu’ici ignorée. Nous aurons alors une nouvelle et odieuse illustration de la mauvaise foi masculine.
"…la burqa est le symbole de l’oppression subie par les femmes. Une loi permettra de créer les conditions de leur émancipation, de les ouvrir à la citoyenneté et à l’espace démocratique" déclarait il y a peu Sihem Habchi, présidente de l’association Ni putes ni soumises."Le symbole de l’oppression subie par les femmes".
Est-ce à dire que ce n’est pas tant la Burqa qui pose problème, que ce qu’elle représente ? Le combat contre le tissu noir cacherait-il en réalité une lutte acharnée contre la sombre misogynie masculine ? De là à en conclure que les femmes seraient en revanche parfaitement libres d’exprimer leur foi en tailleur Chanel, il n’y a qu’un pas que je franchirais en talons aiguille made in Gucci.
Quelle admirable démonstration de munificence que celle qui consiste à interdire le voile aux femmes qui le portent, contre leur gré et pour leur bien. Heureusement pour ces pauvres ombres noires, faibles, passives et soumises, il existe des mamans bienveillantes, probables scories de geôliers des goulags staliniens, qui se chargeront d’éduquer les ignorantes. La libération de toutes les femmes vaut bien quelques privations pour certaines. Et c’est au prix de l’interdiction pure et simple pour toutes, que quelques-unes s’offriront une bonne conscience.
En réalité, cette campagne anti-Burqa ne serait-elle pas savamment orchestrée par de mystérieux lobbies ? Je pose la question. Car que deviendraient les vendeurs de "conseils de beauté", de « régimes minceur", de vertus raffermissantes, rajeunissantes ou embellissantes des soins pour le corps, si le port de la Burqa tendait à se généraliser ? Je pressens l’intervention cynique et intéressée des géants de la cosmétique, de l’industrie textile, voire de la presse magazine féminine, vils acteurs corrompus d’un complot sournois. Imaginez 30 millions de femmes voilées de la tête aux petons et gambadant joyeusement dans les villes de France, dans un élan fantomatique. Adieu crème anti-ride, activateur de jeunesse ou jupe Vanessa Bruno. Les L’Oréal, PPR et consorts perdraient de précieuses clientes. Et la presse féminine de fidèles lectrices.
Moi je dis : "chapeau Valérie !". Fallait oser l’amalgame. "Soyez bonne à croquer avant l’été !", mais par pitié "ôtez ce drap qui cache votre féminité !". La dictature de la minceur version femme-objet n’exclut pas l’hypocrisie des bons sentiments, si ?
Et bien soit. Faisons disparaître ce sordide appareil. Admettons. Mais alors supprimons TOUTES les Burqas. Que ne s’émeut-on par exemple des tristes accoutrements qu’arborent nos carmélites enturbannées, pour des raisons qui tiennent sans doute autant à leur souhait d’offrir leur existence à Dieu, qu’à une inclination assumée pour une mode en gris et blanc, dépourvue de tout artifice inutile ? Pire : telle la regrettée Thérèse de Lisieux, les pauvres femmes sont cloîtrées dans de sordides couvents et livrées au jeûne et à la prière leur vie durant.
Entend-on les cris d’orfraie des défenseurs de la dignité de la femme quand il s’agit d’évoquer ces petits clones si pieux ?
Et la rhétorique de l’égalité de la quéquette et du nichon ne voudrait-elle pas qu’on se préoccupât avec un égal intérêt de nos curés "enrobés" ?
Que dire enfin de ces cosmonautes courageux évoluant dans les nuées d’apidés ? Les apiculteurs, c’est bien cela. Qui s’y intéresse ?
Le monde est curieux. Dans la vaine perspective de combattre les inégalités et les injustices, on fustige les symboles. On s’attaque aux effets, en délaissant les causes. Et ce sont, comme souvent, les victimes silencieuses de ces affrontements qui s’en prennent plein la poire.
Cela étant dit, je suis d’accord : les femmes méritent une égalité de traitement vis-à-vis des hommes. Il n’y a aucune raison de s’en prendre aux choix vestimentaires d’Ilhem Moussaid, la jeune candidate emburkinée du parti d’Olivier Besancenot, et d’ignorer les chemises à manches courtes de François Bayrou. Ou d’autoriser Frédéric Lefebvre à exhiber une cravate à pois sur une chemise à carreaux. On ne peut pas fustiger le port du sac à patates des unes et tolérer la beauf-attitude des autres.
"C’est vraiment trop injuste", dirait Caliméro, le poussin noir encoquillé, probable victime originelle du port de la Burqa pour galliformes.
Bref. Posons-nous la question : et si la Burqa n’avait pas les vocations religieuses et les conséquences liberticides qu’on lui prête ? Essayons, phallocrates de tous les pays, de nous extraire de ce débat stérile – "enlève-moi cette horreur !", "fous-moi la paix, j’veux la garder !" - et imaginons quels pourraient être les avantages de ce modeste drap opaque.
- L’anti paparazzo. La Burqa devient LA solution pour les stars en mal de discrétion. Nul doute qu’Angelina Jolie, mais aussi Brad Pitt puissent rester incognito en toute occasion. Ainsi affublées, les "Burq-women" auraient en outre la garantie de ne pas se faire emmerder dans la rue par de mâles crétins gominés de leur suffisance et dont les borborygmes baveux révèlent un sexe en perpétuelle érection.
- Revisitons le concept de la pochette-surprise. L’homo sapiens barbu est joueur. Pour s’en convaincre, il suffit d’entrer dans un bar-PMU le dimanche matin et de comptabiliser les tarés du Quinté. Avec le Burqa-Banco "ça bande illico" et notre joyeux drille s’offre une occasion nouvelle et ludique de choisir la femme de sa vie. Une chance à l’effeuillage, une chance au tirage. Pour taquiner l’amateur et augmenter l’effet de surprise, rien n’empêche de dissimuler un masseur Turc sous la Burqa. Effet garanti.
- L’égalité femme-femme. L’égalité ne vaut-elle qu’entre les hommes et les femmes ? Je dis non ! Il n’y a aucune raison que certaines femmes puissent revendiquer une quelconque supériorité sur leurs congénères. Dissimulée sous une Burqa, Mimi Mati serait l’égale de Jennifer Lopez. Toutes proportions gardées. Ainsi préservées de tous jugements esthétiques ou physiques, les femmes pourraient enfin valoriser leurs qualités morales ou intellectuelles, quand elles en ont. Certes, la solution pourrait défavoriser certaines femmes, dont la prodigieuse beauté n’a d’égale que la stupidité. Mais le phénomène demeure assez rare.
- La femme en Burqa devient l’héroïne des enfants. Il fallait y penser. Le père étant, dans le meilleur des cas à l’usine, dans le pire en train de se faire un Burqa-Banco, grâce à la Burqa, les mères esseulées ont imaginé faire revivre ce personnage emblématique et si sexy qui égayait leur passé adolescent : Zorro. Le grand Zorro amuse à nouveau les enfants le mercredi après midi, et même tous les jours de la semaine grâce à ces femmes courageuses. Certes, le héros svelte et musclé a rapetissé et prit parfois un peu d’embonpoint... mais les Zorrettes ont dignement conservé la moustache. Un détail qui témoigne d'un souci louable de vérité historique, mais démontre également une grande abnégation.
Contrairement à ce que certains prétendent, des progrès considérables ont été faits sur le plan de l’égalité hommes femmes.
N’oublions pas s’il vous plaît les efforts méritants des joueurs de curling ? Certes, cette discipline olympique n’a pas encore l’audience qu’elle mérite. Mais l’abnégation de ces hommes courageux qui portent le patin et manie avec élégance le balai pour faire avancer la lourde pierre vers la « maison », n’en demeure pas moins louable. C’est un petit pas pour la femme, mais un grand pas pour la masculinisation des manœuvres domestiques.
À bientôt ?