Nébuleuse composée d’une multitude d’organisations (Boston Tea Party, Tea Party Patriots, Freedom Works, Constitution Party, etc.) actives dans certains états mais absentes dans d’autres, le mouvement est composé principalement de Républicains déçus des politiques de leur parti, mais aussi de Libertariens et de Démocrates désenchantés de l’administration dépensière de Barak Obama. Selon un sondage réalisé en ligne, 60% des 29 dirigeants du Tea Party se disent Républicains.
L'origine du mouvement remonte en 2008, lors de la campagne à l'investiture du républicain Ron Paul, opposé à l'utilisation des fonds publics pour financer la guerre. Cette année-là, plusieurs rassemblements sont organisés dans divers États pour contester l’appui financier aux propriétaires en difficulté et aux banques.
À tribord toutes!
Mais c'est à l’été 2009 que le mouvement a fait boule de neige, organisant la résistance au projet de « réforme » du système de santé d’Obama. « Ce programme accentuerait le contrôle de l'État sur l’économie et imposerait un nouveau fardeau réglementaire aux compagnies d’assurance, les obligeant à hausser leur prime », explique Doug Gating, président du Boston Tea Party. Grâce à la détermination du Tea Party, le président Obama a dû revoir sa copie et présenter au Congrès une nouvelle version de sa réforme, qui limiterait l’impact sur les prix des assureurs.
Quant au projet de loi sur l’emploi appuyé par certains Républicains, les membres du Tea Party ne sont disposés à faire aucun compromis, malgré le ralentissement économique. « Les programmes de stimulation économique précédents n'ont pas réussi à faire reculer le taux de chômage, malgré les milliards dépensés. Au contraire, il est maintenant à 10% », fait noter M. Gating.
Selon les partisans du mouvement, la Réserve fédérale (FED) devrait également faire l'objet d'un contrôle, comme le réclame depuis longtemps Ron Paul. « L'État américain se sert de la FED pour financer ses guerres à travers le monde sans hausser les impôts », soutient Jim Davidson, membre du Boston Tea Party. De plus, le Tea Party estime que la FED est responsable des bulles financières et de leur éclatement depuis un siècle.
Les origines historiques du mouvement
Le nom du mouvement fait référence au Boston Tea Party, épisode déterminant dans la révolution américaine dont il s’inspirerait aujourd’hui. En décembre 1773, des « Américains »
en colère avaient jeté à la mer des sacs entiers de thé pour protester contre les taxes imposées par les Britanniques. Le thé, produit le plus taxé, était devenu le symbole de leur révolte. Aujourd’hui, pour les partisans du Tea Party, le TEA n’est pas seulement un rappel historique, mais bien un sigle signifiant Taxed Enough Already (déjà assez taxés).
Car c'est cette revendication est au cœur de ce mouvement de la base : baisse des impôts, opposition à tout programme gouvernemental, notamment la guerre en Afghanistan et en Irak, qui accroîtrait le fardeau fiscal des contribuables et le montant de la dette nationale.
« Le mouvement permet à tous ceux qui s’opposent à l’intervention étatique de se regrouper, explique Claude Denis, professeur de science politique à l’Université d’Ottawa. Ce mouvement reflète l’idéologie militante contre la haute finance, qui allègue que le système politique et économique est contrôlé par les deux côtes, notamment par l'entremise du Council of Foreign Relations. Ainsi, les politiques gouvernementales viseraient davantage à venir en aide aux financiers de New York qu'à la population du Heartland, du Midland et du Sud. »
Un argumentaire efficace
La spontanéité de cette réponse aux atteintes perpétrées contre l'American way of life et à son éthique de responsabilité personnelle a suscité une résonnance émotive au sein de la population, d'après le PDG de l'Institut Ayn Rand, Yarron Brook. « Leurs revendications sont plutôt axées sur ce qu'ils ne veulent pas, mais ils n'ont pas de proposition définie sur ce qu'il faudrait couper. Ils obligent toutefois le Parti républicain à se positionner davantage en faveur du libre marché ».
Les interventions du Tea Party ont ainsi tiré vers la droite libertarienne tant les Démocrates que les Républicains, ces derniers craignant d’être doublés dans certains comtés lors des primaires par des candidats plus libéraux au plan économique. « Le gouvernement de Georges W. Bush a été l'un des plus dépensiers, souligne Matt Welch, rédacteur en chef de Reason, un magazine libertarien. Il a augmenté de 75% les dépenses gouvernementales non militaires et embauché 90 000 régulateurs ».
C'est d'ailleurs le Tea Party qui a permis la victoire du candidat républicain Scott Brown au poste de sénateur dans l’État du Massachussetts. Et déjà, la candidature de John McCain est contestée par des Républicains de droite proches du Tea Party. Il devient en outre plus difficile pour les sénateurs républicains de faire des compromis avec cette radicalisation externe.
Par ailleurs, « les Démocrates à Washington ont adopté des positions plus modérées pour contrer la menace », d'après Isaac Wood, directeur des communications au Center for Politics à l’Université de Virginia. À preuve, personne ne s'attend plus à ce que le projet de loi de lutte contre les changements climatiques d'Obama soit acheminé au Congrès.
Un avenir incertain
Selon les sondages, le Tea Party Movement est actuellement plus populaire que le Parti républicain. Mais les élections primaires de novembre prochain constitueront son véritable test, selon les analystes. Ses candidats s'associeront-ils au Parti républicain ou s’afficheront-t-ils comme indépendants, au risque de favoriser les Démocrates?
Jugé irrationnel par plusieurs, taxé à tort de raciste par ses opposants (le mouvement s'oppose plutôt à l'immigration illégale), rejoint par les Sarah Palin et Glenn Beck au grand dam de certains de ses partisans, le mouvement demeure désorganisé et divisé. « Né grâce aux technologies modernes, il est réfractaire au leadership, même s'il représente un premier pas vers la réduction de la taille de l'État. La prochaine étape sera de proposer aux Américains un programme politique », estime John Samples, directeur du Centre sur le gouvernement représentatif de l’Institut Cato. Mais plusieurs pensent que le Tea Party Movement aurait plus d'avenir s'il demeurait une simple expression de la société civile face à une classe politique trop … politisée.
Sylvie Dugas chercheuse associée à l'Institut économique de Montréal .