L'histoire de notre couvent commence dans les années 1170, lorsque les Autrichiens (jaloux) envahissaient (déjà) les belles terres prospères de Bohême. Au début, le duc (de Bohême) "Soběslav II" laissait faire, se disant que bon, fallait partager avec son voisin, être bon joueur avec les faibles-moches-pauvres-malchanceux, et tout et tout. Mais au bout d'un moment, à force de tirer sur la ficelle, ça finit par bien faire. Il réclama alors à l'Autrichien Henri II ("genannt Jasomirgott, Pfalzgraf bei Rhein 1140–1141, Markgraf von Österreich 1141–1156, Herzog von Bayern 1143–1156 und Herzog von Österreich 1156–1177 aus dem Geschlecht der Babenberger") les terres que ce dernier lui avait mesquinement rapiné pendant tout ce temps. Mais parce que l'Autrichien têtu ne voulut rien savoir, alors "Soběslav II" duc de Bohême s'allia avec Otakar margrave de Styrie, avec Konrad duc de Moravie, et tous partirent joyeusement piller l'Autriche en représailles. Pour le coup, l'on invita aussi d'autres gay-lurons afin qu'ils participent eux-aussi à la fête à noeud-noeud (Neuneu, gai-lurons, on se croirait au ministère des transports :-) Sauf que dans le feu de l'action, au milieu de la bonne rigolade, ces couillons inconséquents pillèrent aussi quelques églises et autres abbayes, ce qui foutut le pape dans une colère noire, au point qu'icelui prononça l'anathème du tonnerre di diou contre les acteurs de la bonne nouba (l'avait vraiment pas le sens de l'humour l'Alex III. Du reste, en dehors de notre Benoît hexadécimal, j'en connais pas beaucoup des papes qui avaient le sens de l'humour). Or parmi les anathèmisés, ben y avait un certain "Vilém z Pulína" (i.e. "z Pavlova", "z Kounic" ou "z Pulína a z Kounic") qui lui, prit la chose très au sérieux. Lorsqu'il lut "excommunicavimus insuper et anathematizavimus omnes ex parte Dei omnipotentis, qui ei contra sanctae matris Romana Ecclesiae vel impugnando..." remis en main propre par le saute-ruisseau papal, il n'en dormit plus. Après plusieurs nuits blanches passées devant la téloche malgré les cachets de Somnotanil achetés en loucedé sur Internet, il finit par ramper jusqu'à Rome en habit de pénitent afin de prier personnellement le pardon à genoux auprès de sa sainteté. "Ah mon cochon" lui dit Alex III, "t'as foutu le foin sur mes domaines, t'as bouffé de ma bidoche et pictanché de mon crate-pi. T'as même souillé plusieurs de mes béguines et pissé dans le bénitier à 2 mains (j'ai des photos). Ah mon cochon, il va t'en coûter gras-velu mon pardon." Et juste pour terminer la petite histoire rigolote, alors qu'en 1176 les bons bougres de Bohême, de Styrie et de Moravie escagassaient l'autre vieille bourrique d'Autriche (l'Henri II), ce dernier tomba de cheval tout en fuyant et en essayant d'uriner du haut de sa monture au galop (il avait vu faire les cyclistes lors du Tour de France). Il se cassa si bien la jambe, que quelques mois plus tard il en mourut, en janvier 1177. C'est dingue non, de mourir d'une jambe cassée, quand on est duc, comte et margrave de surcroît?
Ainsi, se conformant à l'ordre papal, et afin de ne pas résider ad vitam aeternam aux enfers de la damnation, "Vilém z Pulína" mit en chantier (de ses propres deniers selon certains, pompé dans le "fonds européen de développement régional" selon d'autres) en 1181 un couvent pour nonnes, sous le haut patronage de sa femme Sophie et sous la supervision de son pote l'abbé prémontré "Gotšalk" (i.e. "Gottschalk") de "Želiv", où l'on brasse encore aujourd'hui une bière goûteuse dont je pense le plus grand bien, et dont une des marques porte le nom de l'abbé. Du reste, vous pouvez lire cette histoire dans les "Annales Gerlaci Milovicensis" ("letopis Jarlochův" en Tchèque, continuateur de "Cosmas Pragensis"): "Anno dominice incarnationis MCLXXXI. Erat in Moravia quidam comes nomine Wilhalmus de gratia praedicti Kunradi, qui cum in vastatione Austriae manus non continuerat ab incendiis ecclesiarum dei, pro his et aliis peccatis compunctus Romam adiit et secreta cordis sui domno papae aperuit, qui iussit, ut claustrum construeret et religiosas personas domno servituras adunaret. [...] Non latuit eum opinio sanctissimi viri Gotscalki, Siloensis abbatis..." Tout d'abord, fallait trouver un emplacement favorable pour la construction d'un couvent, parce que c'est comme une cabane à frites, faut du passage. Du coup, l'emplacement idéal fut trouvé tout près de l'intersection de 2 routes commerciales archi-fréquentées et importantes. La première, dite "Jantarová stezka" (la route de l'ambre, i.e. "Znojemská") descendait du bassin de la Vistule jusqu'à l'Adriatique depuis la plus haute antiquité. La seconde, dite "Libická stezka" (i.e. "via Lubetina") passait au sud de la route de Bohême ("Česká stezka") laquelle reliait Prague à "Esztergom" (sur le Danube, au Nord de la Hongrie, i.e. "Strigonium" en Latin). Et ces 2 routes-là se croisaient exactement dans l'actuel bled de "Pravlov" pour une évidente raison: il s'y trouvait un gué permettant de traverser la rivière "Jihlava" à pied, avec ânes et fourbi. Ben le couvent "Rosa Coeli" se trouve à seulement 1800 m de "Pravlov". C'est pas cool comme coin, pour une
En octobre 1183, l'abbé "Gotšalk" fit venir quelques jeunes boutures de moniales du couvent de "Louňovice pod Blaníkem" (en Bohême, fondé en 1149 et totalement détruit par les hussites en 1420, cf. "Annales Gerlaci Milovicensis: Eodem anno [MCLXXXIII] memoratus et semper memorandus abbas Godscalcus conuentum sororum de Lonewitz mittit in Cunitz ad petitionem Wilhelmi comitis, de quo supra latius disseruimvs."), et le greffon prit. En décembre 1183, l'abbé alors vieux et malade rendit encore une dernière fois visite à ses petites protégées dans le cadre d'une grande visite officielle dans les différentes succursales des prémontrés. Puis en février 1184, il s'éteignit le devoir accompli et l'âme en paix de savoir que son oeuvre était prospère et florissante. Alors difficile de dire si le soudain peuplement du couvent est à mettre au compte de subites vocations spirituelles, ou au compte d'une remarquable vivacité du prévôt en charge de l'administration de l'entreprise, n'empêche que la population féminine prospérait vraiment et rapidement. Les nonnes étaient en charge de la bonne éducation des tendrons de bonnes (et riches) familles, et l'excellente réputation de l'institution se propageait au-delà des frontières du pays. Sinon concernant l'architecture du tout premier couvent, de quoi qu'il ressemblait à, on ne sait pas dire car il ne reste que peu d'indices de quelque chose, et beaucoup de traces de rien. Cependant compte tenu de la présence de restes de mur roman dans les ailes Nord et Ouest du cloître, l'on présuppose que l'église du couvent était en dur (pierre), tandis que le reste des bâtiments était en mou (bois). Et c'est tout ce que les sources nous disent pour cette période de la fin du XII ème siècle.
Ah si, encore une anecdote. Le 10 décembre 1185 eut lieu la bataille de "Loděnice" entre la Bohême ("Bedřich") et la Moravie ("Otto Kunrád", i.e. "Konrád II. Ota"). Jamais dans l'histoire, ces 2 régions ne se mirent autant sur la gueule que cette fois-ci, pour une histoire politique de succession. Mais parce que "Loděnice" ne sont qu'à 6 km du couvent, une fois les Moraves proprement esquintés, les armées de Bohême se rendirent à "Dolní Kounice", où qu'elles pillèrent ravagèrent puis incendièrent tous les édifices, sauf... sauf l'église et le couvent (tu m'étonnes, les bougres avaient entendu l'histoire de "Vilém z Pulína", de l'"excommunicavimus et anathematizavimus" suivis du voyage à Rome :-) Et pour info, 6 mois plus tard, en 1186, ces 2 couillons de "Bedřich" et de "Kunrád" firent la paix à coup de chopes de bières dans une taverne praguoise. Tout ça pour ça?
Au XIII ème siècle, le couvent prospérait proprement au point qu'il obtint l'appellation "prévôté", et put jouir de tous les privilèges rattachés à son rang. Outre les patelins à traire offerts par le fondateur "Vilém", d'autres s'ajoutèrent rapidement à la liste des propriétés foncières. L'évêque Robert the Brit ("Robert von England") de "Olomouc" offrît par exemple au couvent plusieurs vignobles dans les coins de "Pouzdřany" (à 18 km au Sud-est de "Dolní Kounice"). Juste avant de mourir en 1268, le pape Clément IV prit carrément le couvent sous son patronage, suivi en 1284 par le roi "Václav II", lorsque la famille "z Kounic" disparut sans descendance (c'était cool en l'époque, lorsqu'une famille noble s'éteignait, le roi héritait de l'héritage). Et c'est sans doute toute cette "haute protection" qui permit au couvent de survivre les pillages des diverses armées qui s'affrontaient là, dans les environs. Lorsqu'en 1278 par exemple, Rudolf Ier mit une raclée à "Přemysl Otakar II" (qui y perdit la vie) à la bataille sur le champ morave ("na moravském poli"), il s'empressa de piller la région, le bled de "Dolní Kounice" y compris, mais le couvent non. On ne touchait plus au couvent à l'époque. Bref, "Václav II" attribua carrément un droit de marché hebdomadaire au patelin, une exonération fiscale de 4 ans, un affranchissement de corvées... C'est bien simple, le couvent (et son patelin) se portait financièrement tellement bien, qu'il mit en chantier un château fort afin d'assurer sa protection. C'est balaise non? Entre 1284 et 1330, le couvent se fit construire un château fort à seulement 100 m du couvent pour assurer sa protection comme celle de son bled. En cas de danger, les frangines et leurs tendrons pouvaient s'éclipser au castel par un sentier large de 2 m et protégé par 2 murs hauts de 3 m. D'aucuns présument qu'il existait même un sous-terrain (mais c'était nettement moins commode pour courir courbé en soutane et talons hauts). Et ça investissait grave. En 1315, le couvent acquit une parcelle de terrain en plein centre de Brno, près de l'église Ste Marie de l'assomption, dans un but purement spéculatif. Ben paf, quelques années plus tard, la veuve du roi "Václav II" ("Eliška Rejčka") se montra intéressée par le terrain afin d'y construire un monastère cistercien. Mais les soeurs prémontrées étaient dures en affaire, et négociaient la parcelle comme des business men de la City. L'ex-reine dut alors faire intervenir ses relations d'au plus haut niveau, en la personne du roi Jean de Luxembourg (le papa du bon roi Charles IV), lequel offrit au couvent de "Dolní Kounice" un deal sans précédent: le patelin de "Pravlov" (cf. ci-dessus, au croisement des 2 routes commerciales hyper-importantes) avec son marché, ses privilèges et surtout son droit de douane, en échange du fameux terrain. Le deal fut accepté et confirmé par son altesse par un édit du 7 septembre 1323, et à partir de cette date, le pognon coulait dans les caisses du couvent par hectolitres.
Et parce qu'il y avait vraiment tellement de pognon, qu'une fois le château fort terminé (vers 1330), on passa à une complète réfection du couvent. Dès 1328, le prévôt "Ruland" met en chantier une totale réfection du couvent roman (gnangnan) en style gothique (plus pratique). Selon les experts, l'ampleur des travaux, leur qualité équivalente à ce que construisait Mathieu d'Arras ou "Petr Parléř" pour le bon roi Charles IV, laissent à penser que de complètes corporations d'artisans renommés travaillaient sur ce chantier. Du reste les nombreuses marques de tâcheron encore visibles aujourd'hui sur les pierres taillées (cf. mes photos) tendent à confirmer une présence massive de maîtres tailleurs. Il y en aurait plus de 100 (marques de tâcheron), dénombrées par les amoureux du lieu qui passent à la loupe chacune des pierres restées debout. Et la tâche était énorme. Les travaux ne furent terminés que vers 1370, 1380, voire 1400 selon certains. La construction se fit en 2 étapes. Une première phase comprenait la salle du chapitre et le mur Ouest du cloître, et rien d'autre. Ensuite est sans doute intervenu un changement de stratégie, et furent construits l'église, la sacristie, le cloître ainsi que d'autres édifices aujourd'hui disparus. Mais revenons vers le milieu de la première moitié du XIV ème siècle, sous la fin du règne de Jean de Luxembourg. Le tempérament plutôt va-t-en-guerre de ce bougre Jean l'engageait souvent dans des conflits onéreux, soit pour son propre compte (contre la noblesse morave), soit aux côtés de ses potes (contre les Coumans). Et où pensez-vous qu'il récupérait le pognon nécessaire à son hobby? Taxes et impôts, et oui. Or "Rosa Coeli" étant couvent royal, il était soumis à ces ponctions, sans parler des redevances à la maison mère de "Želiv". Aussi les experts présument aujourd'hui que ce sont là les principales raisons de la longue (re)construction gothique du domaine: manque de liquidité. La situation financière s'améliora avec l'arrivée aux commandes de la Bohême du bon roi Charles IV (mi XIV ème siècle), pour devenir enfin supportable vers les années 80 du XIV ème siècle, et même profitable au début du XV ème siècle.
Mais arrivèrent les guerres hussites, et en 1423 le couvent fut mis à sac et incendié par ces sauvages (hussites). La voûte en pierre de l'église finit par s'effondrer, et bien que remplacée par une toiture en bois, le plafond en pierre ne fut jamais reconstruit. Les frangines eurent cependant le temps de planquer leur magot ainsi que leurs actes de propriété, et une fois les hussites calmés (1434), elles revinrent sur leurs terres afin de rafistoler les dégâts. De nombreux actes manuscrits témoignent d'une exceptionnelle activité commerciale du couvent de "Rosa Coeli" (achat et vente de villages, propriétés, domaines, accords, bail, location...), et les quelques 100 ans suivants furent suivis de procès et de disputes commerciales entre les bondieusardes, les bourgeois et les noblaillons locaux, aux points que même les papes durent intervenir afin de régler certains différents.
Pis arriva la déchéance. En 1517 l'abbé d'alors décéda, et fut remplacé par un certain "Martin Göschel z Jihlavy". Au bout de moins de 4 ans à la tête du couvent, "Martin Göschel" se convertit au luthéranisme auquel il avait longuement été exposé dans sa ville d'origine ("Jihlava", "Iglau" en Allemand) par des précurseurs comme "Wolfgang Heiligmaier" ou "Pavel Sperat". Non content d'une telle révolution, il épousa encore une des religieuses du couvent, et afin de parfaire son oeuvre sacrilège, se livra à des malversations financières destinées à son enrichissement personnel (il aurait été jusqu'à demander la propriété du couvent). Confortées dans l'inconduite par leur propre abbé, les frangines se seraient alors également livrées à des écarts, conduisant l'évêque de "Olomouc" ("Stanislav Thurzo de Béthlenfalva") à suspendre "Martin Göschel", et conduisant le roi Louis Jagellon ("Ludvík Jagellonský") à signer son bannissement des terres du royaume. Mais le dépravé s'en moquait grave, des stitutions et xtraditions. Il était lui-même évêque ordinant, métropolite selon certaines sources, membre du consistoire de ceux qui votent les évêques s'ils payent assez, associé majoritaire des coopératives vinicoles de Moravie du Sud et sociétaire de l'amicale des esthètes qui prirent femmes pour épouse. Alors les menaces... Ceci-dit, le mécontentement grondait fort dans la hiérarchie catholique morave, mais également auprès des assujettis au couvent (les Moraves sont toujours de bons catholiques encore aujourd'hui), et sous la pression générale, "Martin Göschel" quitta son office en 1526 pour se planquer en ce fabuleux patelin de "Mikulov" ("Nikolsburg" en Allemand, faut que je vous fasse une publie là-dessus un de ces jours, fabuleux, vraiment). Parenthèse. En cette période post-hussite religieusement trouble mais prospère à l'essor de la réforme protestante (mais également à d'autres mouvements, parfois louftingues, souvent sectaires), "Mikulov" était devenu le centre des anabaptistes, au point que le bon seigneur des lieux, Léonard Liechtenstein fut converti à la cause par Balthazar Hubmaïer en personne. Et donc "Martin Göschel" arriva là, où qu'il fut accueilli à bras ouverts, devint évêque anabaptiste, jusqu'à ce que Ferdinand 1er (alors monté sur le trône à la place de Louis) se rappelle à son bon souvenir, et l'invite à Prague plaider sa cause déviationniste. Pas de bol, Martin n'avait apparemment pas entendu parler de "Jan Hus" et du concile de Constance, aussi il se rendit bêtement à l'invitation. Mais en lieu et place de petits-fours, amuse-gueules et mises-en-bouches, il fut accueilli au gnouf à coup de chevalet. Ce n'est que par implorations de nombreux seigneurs moraves acquis à la cause protestante qu'il échappa au barbecue, mais pas pour longtemps. Ferdinand remit Martin à Stanislav ("Thurzo", évêque de "Olomouc") qui le fit (re)mettre illico au gnouf où il décéda peu de temps après. Le couvent perverti fut ensuite mis à sac par les gens des environs, et selon les légendes:
a) les bonnes soeurs s'échappèrent dans la nature, où qu'elles trouvèrent refuge dans d'autres couvents (le plus probable),
b) furent sauvagement assassinées par les saccageurs (mais c'est fort moins probable, et aucune trace écrite n'existe).
Quoi qu'il soit, le couvent saccagé et abandonné fut remis au roi (ben tiens), lequel par édit de 1532 loue, puis par édit de 1537 vend le domaine pour 12000 pièces d'or à son sous-chancelier, le sieur "Jiří Žabka z Limberka" comme bien inaliénable et héréditaire. Celui-ci en quête d'un chez-soi fit reconstruire le château fort en résidence principale renaissance, transforma l'église en caveau familial (pour l'anecdote, lorsqu'il mourut en 1552, il fut le premier et le seul à être enterré là), mais laissa le couvent à son triste sort. Du reste "Jiří Žabka z Limberka" fut nommé en 1544 burgrave de la forteresse du "Špilberk", alors "Dolní Kounice", il s'en battait l'oeil par dessus la jambe. Ah oui, je signale juste que la forteresse du "Špilberk" est le beaucoup moins équivalent du Château de Prague mais à "Brno". Le "Špilberk" est beaucoup moins grand, beaucoup moins beau, beaucoup moins historique, beaucoup moins visité, beaucoup plus chiant pour s'y rendre (ça grimpe beaucoup plus), enfin c'est le truc qu'il faut vraiment être beaucoup plus Morave pour se vanter beaucoup plus de l'avoir :-)
Et c'est ainsi que s'acheva l'histoire du couvent de "Rosa coeli", le plus ancien couvent de femmes en Moravie. Mais ma publie continue encore, n'vous inquiétez pas. Alors je vais faire simple et rapide, parce que c'est pas spécialement intéressant à ce moment-là d'où qu'on est. Donc le fils de "Jiří", "Burian Žabka" vend les ruines du couvent, le castel et une partie du domaine en 1567 (parfois 1561) à "Zikmund ze Zástřizl". En 1578, "Hynek a Jan ze Zástřizl" vendent le domaine à "Zdeňek Lev z Rožmitálu". En 1588, "Maxmilian a Zdeněk Lev junior z Rožmitálu" vendent le domaine à "Bernard Drnovský z Drnovic na Rájci". Puis bataille de la montagne blanche, et confiscation du domaine à "Johanka Drnovská z Drnovic" qui eut la mauvaise idée d'épouser 3 ans plus tôt le sieur protestant "Jiří Ehrenreich z Rogendorfu". Et c'est ainsi qu'en 1622, le puissant cardinal "František z Dietrichsteina" acquiert le domaine de "Dolní Kounice" pour un prix dérisoire. Mais archi-absorbé par la recatholisation de la Moravie (et de la Bohême itou), il ne consacra pas beaucoup de temps à son nouveau domaine. Devant ce manque d'enthousiasme à la réfection, les prémontrés de "Strahov" se portèrent acquéreurs du couvent en ruine, et finirent par l'acquérir en 1698 (acte d'achat du 30 septembre). Commencèrent alors quelques travaux de réfection: la salle du chapitre, le cloître, et l'église. L'on peut encore voir dans l'une des voûtes Sud-ouest (du cloître) la preuve des travaux: une des clés (de voûtes) porte l'inscription "RESTAVRATVM A MDCCI V A S" (restauré en 1701, Vitus Abbas Strahovienis). Les moines construisirent même un nouveau bâtiment en style baroque (en 1702), ajoutèrent un toit à l'église qu'ils (re)inaugurèrent en 1703, et le 23 juin de cette même année, "Leopold z Dietrichsteina" vint admirer en personne l'avancement des travaux. Alors malédiction ou non, le 4 juillet 1703 éclata un incendie dans le bled. Celui-ci se propagea rapidement, et finit par atteindre le couvent, le cloître... enfin tout ce qui avait été rénové. Z'imaginez les boules? Et malgré que les travaux sur le couvent se poursuivirent jusqu'en 1718 (principalement sur le nouveau bâtiment), l'église fut définitivement laissée en ruine. Pendant quelques 90 ans, rien de rien. Si, le 19 novembre 1805, les armées napoléoniennes traversèrent le village de "Dolní Kounice" pour se rendre à Austerlitz où François et Alexandre avaient organisé une barbecue-party en l'honneur de Bonaparte. Finalement la famille "z Dietrichsteina" (à nouveau) racheta le couvent aux prémontrés en 1808, transforma le seul édifice plus ou moins debout en habitation bon marché pour les domestiques (les "z Dietrichsteina" possédaient toujours le château), quant au reste du couvent, il fut utilisé pour remiser divers fourbis agricoles. A signaler que les "z Dietrichsteina" n'habitèrent jamais à "Dolní Kounice", le domaine était administré pour leur compte par un tendant. En 1862, lorsque le dernier de la famille disparut, le domaine passa aux mains des "Herberstein". Et parce que les pierres des édifices en ruines étaient utilisées par les indigènes locaux comme matériel de construction, les propriétaires y mirent tout d'abord le holà, puis firent quelques menus travaux sur le couvent en 1895 avant que tout ne s'effondre. En 1926, un certain comité apporta également quelques restaurations, pis c'est tout. Aujourd'hui, les ruines appartiennent à l'évêché de "Brno" et sont visitables en période touristique (avril-octobre). Notez que vous pouvez exceptionnellement y photographier, avec flash et trépied, parce que pour ce qu'il y a à voir...
Maintenant quelques mots sur le château. Tout d'abord signalons que ce château fort était tellement fortifié, que lors de la grande invasion des Tartares de Crimée en Moravie, en 1663, il résista à l'assaut mené par quelques 10000 ennemis (faut dire qu'ils n'insistèrent pas longtemps non plus). Pis lorsque la guerre éclata à nouveau avec les Ottomans (en 1683), l'on fortifia le château fort encore plus fort (oh oui, plus fort). Finalement, le château ne fut jamais pris, du reste il ne fut jamais vraiment habité (par les propriétaires), et aujourd'hui il est totalement dévasté du dedans. Sous les con-munistes il servait d'entrepôt pour les kolkhozes de la région. Après la révolution (1989) il servait d'entrepôt pour des sociétés privées. Quant au pognon débloqué pour sa restauration, il fut "tunnelisé" comme il était de coutume dans les années 1990. "Tunnelisation"? En Tchèque on dit "tunelování" (en Anglais c'est "asset stripping" et en Français j'ai trouvé "liquidation d'actifs", mais chuis pas sûr que ce soit vraiment ça). C'est une pratique qui consiste à faire passer illégalement du pognon d'un coté du tunnel vers l'autre, sans que personne ne s'en rende compte (oui, c'est du vol pur et simple). Exemples? Tu prends le contrôle d'une société S (pas forcément petite) avec un capital C (pas forcément petit non plus). Tu demandes à une banque un prêt de P, normalement garanti par les actifs de la dite société S (mais pas forcément, pour peu que tu ais un pote dans la banque, à l'époque, après la révolution, on donnait du pognon à tout le monde afin de promouvoir l'économie de marché, sans garantie, sans vérification, sans rien... suffisait de demander pour recevoir). Ensuite, en tant que patron de la société S, tu signes des contrats hyper-désavantageux au profit d'une autre société Q (et d'un pote W, ta taupe dans la société Q). L'argent passe donc de la société S vers Q à l'aide de factures F (légales), et au bout de quelques années Z (parfois même quelques mois M), tout le pognon est de l'autre côté (Q), légalement. Tu liquides donc la société S sans rembourser la somme du prêt P, tout en récupérant une grande partie du capital C et tu te partages C+[P] avec ton pote W sous forme de bonus, options, etc... Ici il n'existe pas de conflit d'intérêt, les tribunaux sont débordés (en moyenne 5 ans d'attente avant un jugement), les gens disparaissent en liquidant leur société (il n'y a aucun suivi de "responsable" dans le registre du commerce), bref c'est le Far-West. Le pognon destiné à la restauration du château donc disparut, et aujourd'hui il reste totalement dévasté du dedans, comme dit précédemment.
Sinon dans les ruines du cloître se trouvent les plus intéressants artefacts. La plupart d'entres-eux proviennent du couvent, mais d'autres sont exogènes, et proviennent par exemple du château. Signalons:
- la pierre tombale de l'évêque Bruno de "Olomouc" (cf. plus loin son décret), dessiné un calice à la main des sandales aux pieds, portant mention "made in China anno Christi MCCCXLIX",
- un bout de pierre tombale du prévôt Henri de "Dolní Kounice", début du XVI ème siècle (notez l'incrustation de coquillage véritable, cf. mes photos),
- et encore un bout de pierre tombale représentant une noble tête féminine aux côtés des armoiries de la famille "Žabka z Limberka", ce qui laisse à penser qu'il pourrait s'agir, selon les sources, de Anne (vers 1590) ou de Dorothée (la femme de "Jiří", décédée en 1532).
Bon, je ne vais pas vous passer en détail le plan du domaine, mais juste vous signaler quelques éléments fondamentaux. Donc l'édifice principal est l'église en forme de croix, avec une croisée de transept pratiquement au centre de l'unique vaisseau. L'entrée (dans le domaine) se fait par un portail sur le tympan duquel se trouve un (LE) Christ dans sa position préférée (dite la position du "pantocrator", Tantra-Yoga ceinture noire), 2 doigts bénissant le visiteur de la main droite, un livre de cuisine dans la main gauche. Il est entouré de 2 visages, un mâle et un femelle (mais pas la moindre idée de qui qu'ils représentent). Le tympan-Christ est surmonté d'un gâble à 3 feuilles (comme un tarpé de jaja) terminé par une fleur finement taillée en forme d'artichaut de Bretagne. Une fois entré, sur la droite, se trouve un escalier en colimaçon qui mène en haut d'une tour qui mène nulle-part (mais on y fait de belles photos). Notez les majestueuses arrêtes de voûtes, ainsi que les (quelques) figures/personnages qui se trouvent à leur base (culots). Derrière le transept, sur la droite toujours, se trouve l'entrée de la sacristie dont les voûtes forment 4 pans arcboutés sur un pilier central. Elles ne sont pas d'origine (les voûtes), mais furent reconstruites avec des bouts de rien, mais surtout des bouts de tout, trouvés sur place. Sur la gauche, se trouve le cloître, carré, avec en son centre le jardin d'Eden. Notez qu'il y a 2 étages, et que le second d'en haut se trouve au dessus du premier d'en bas, comme il est de coutume dans l'architecture gothiques. Derrière le cloître, se trouve la salle du chapitre (capitulaire) dans laquelle les moniales élisaient par exemple la frangine de la semaine lorsqu'icelle ne cramait pas les frites, ou pliait son hamburger en 7,34 secondes les yeux bandés derrière le dos. C'est la pièce la mieux conservée de tout le domaine. Notez les jolis reliefs du pélican et du bouc sur les clés de voûtes, symbolisant respectivement la mère supérieure et le prévôt (le symbolisme prémontré est particulièrement escarpé, et totalement opaque aux yeux du laïc, même avec des lunettes). Notez également les culots de voûtes représentant des visages humaines ornés de couronnes de feuilles de chênes (réservées aux nobles, les couronnes de feuilles de chênes. Les couronnes de feuilles de lauriers, c'était pour les marmitons) sans oublier à nouveau le symbole du prévôt (bouc, décidemment il imprégna de sa présence les murs du couvent) et le lion. Tous ces éléments figuratifs extrêmement détaillés rappellent le travail des corporations parléřienne. Bon, allez, je vous en dis en peu plus sur le symbolisme, ça en vaut la peine, z'allez-voir. Le tétramorphe, je vous en avais déjà parlé dans de nombreuses publies, il représente les 4 évangélistes et se compose d'un homme (parfois ange), d'un aigle, d'un lion et d'un taureau (parfois boeuf, selon la maladresse du sculpteur). Le pélican représente la charité. En ces temps éloignés où l'on ne captait pas encore "National Geographic" parce que les frangines économisaient sur le câble, l'on croyait que le pélican donnait sa chair à manger à sa progéniture (charité [ou connerie]). Mais depuis que les moniales prémontrées savent que le pélican vomit de son jabot les restes de mazout trouvés dans la première poubelle venue, elles ont remplacé dans leur symbolisme le pélican par le chimpanzé bonobo dont la devise "oh oui, donne lui, oh oui, plus fort chéri" est nettement plus proche de leur philosophie charitable. Le bouc, quant à lui, représente le postier, car le bouc est missaire comme le tort est facteur. Je m'explique. Si vous lisez les beaux articles Wikipédia du bouc émissaire comme du chimpanzé bonobo, vous comprendrez alors la portée psycho-socio-anthropologique de ces 2 symboles, ainsi que leur présence dans la salle du chapitre du couvent: comportement social en milieu clos, syndrome du sous-marin, pénurie de jouissance matérielle, violence endémique inassouvie, perversion envieuse et paranoïa, ostracisme, frustration, bisexualité... La vie au couvent est un long fleuve tranquille.
A signaler que le bâtiment baroque derrière le cloître est inaccessible parce que privé: un fufute y construisit son appart dedans. Signalons également, mais vous vous en serez doutés, que les ruines auront inspiré au moins un poète, et curieusement pas cucul romantique, mais content pour un (et pas pour tous). Bon, chuis pas amateur en poètrie, aussi je vous le signale juste en passant, il s'agit du gars "Jan Skácel" (dont j'ignore tout). Pour ceux qui lisent le Tchèque, vous trouverez le texte de ce poème intitulé tout simplement "Rosa Coeli" en page 33, là. Pour ceux qui ne lisent pas le Tchèque, je ne vous fais pas la traduc. Regardez mes splendides photos, et la poésie viendra à vous comme la sardine à l'huile. Signalons également aussi tant qu'on y est, que le bled de "(Dolní) Kounice" apparaîtrait sans doute pour la première fois dans l'acte de fondation du chapitre de "Stará Boleslav". Le chapitre fut fondé en 1046 (cf. "Cosmas Pragensis: Anno dominice incarnationis MXXXXVI. Dedicatum est monasterium in urbe Bolezlau XIIII. kal. Iunii a Severo Pragensis ecclesie sexto episcopo."), l'acte remonte (fut écrit) vers 1065, et le texte se trouve dans un faux document réécrit par les moines au XIII ème siècle. Faux, parce que l'auteur a utilisé dans le texte une dîme versée par la province de "Znojmo" au XIII ème siècle après une donation de "Vratislav II" (fin XI ème siècle), et donc dîme anachronique à l'année de fondation du chapitre (1046, cf. "Olomouc solvat annuatim unam marcam et duos boves, Godonin dimidiam marcham et unum bovem [...] Znoiem unam marcham et duos boves..."). Qui plus est, la livraison de (quelques) boeufs depuis la Moravie vers "Stará Boleslav" éloignée de plus de 200 km ne donne pas beaucoup de sens. Ceci-dit il semble réel que la Moravie du Sud versait une dîme au chapitre de "Stará Boleslav", car il existe un document de 1277, signé par l'évêque Bruno (cf. la pierre tombale) dans lequel la dîme prélevée sur certains patelins au profit du chapitre passa (en 1277) au profit du couvent de "(Dolní) Kounice", lequel couvent versait ensuite une compensation financière annuelle au chapitre (cf. "Codex diplomaticus et epistolaris Moraviae, p.187, n°136, Bruno, episcopus Olomucensis, confirmat conventionem inter capitulum Boleslaviense et monasterium Kaunicense de denariis decimalibus"). Bref, et donc après lecture du faux acte de fondation, "Kounice" apparaîtrait sous l'appellation "Souinici", mais sans certitude aucune. Signalons encore pareillement, que qui dit "Dolní Kounice" (du bas, comme le Bas-Rhin), dit "Horní Kounice" (du haut, comme le Haut-Rhin). "Horní Kounice" se trouve à quelques 25 km à l'Ouest de "Dolní Kounice", et fort de ses 270 habitants, il est un trou encore plus grand que "Dolní Kounice" qui est 10 fois plus peuplée, et fut élevée au rang de "ville" en 1998. Signalons toujours ensuite que le nom "Kounice" provient du diminutif "Kúna", qui provient du nom propre allemand "Kunrát" (i.e. "Konrát"), qui provient lui-même de "kühn" (courageux, hardi, preux) et de "rat" (assemblée, conseil). L'univerbisation (cf. "Filologia rosyjska - Uniwersytet im. Adama Mickiewicza w Poznaniu", l'univerbisation sémantique des substantifs complexes à des mots condensés monolexématiques) du mot "Kúna" par le suffixe "-ice" (soit "Kunice") signifie village de gens courageux, hardis, preux. La diphtongaison bavaroise transforma le "ú" en "au" (soit "Kaunitz"), la langue tchèque transforma le "au" en "ou" fin du XIX ème siècle (soit "Kounice"), et fatigué par les constantes confusions d'adresse, le facteur ajouta les préfixes "Dolní" (du bas) et "Horní" (du haut) en 1385. Et signalons aussi enfin qu'il existe à 30 km au Nord de "Rosa Coeli" un autre couvent de frangines (mais cisterciennes) nommé "Porta Coeli", toujours en activité, et dont l'église est nettement mieux conservée puisqu'entière. Je ne vous en ferai cependant pas une publie de sitôt, pour motif qu'il y est strictement interdit de photographier, ce qui a le don de m'agacer au point d'en boycotter la présentation.
Ben voilà, donc si jamais vous passez dans le coin de "Brno", passez-voir les majestueuses ruines du couvent de "Rosa Coeli". C'est pas un "indispensable", mais c'est sympa quand même, et c'est là: 49°4'7.5"N, 16°28'17.629"E.