Pour rebondir sur une discussion en cours...
L'éveil conduit-il à l'impersonnel ou au personnel?
En découvrant ma vraie nature, est-ce que ma personne disparait ?
Je pense que c'est un paradoxe. Avec l'éveil, vraiment le moi, l'observateur disparait. Personne ne regarde plus le monde, vraiment personne. On peut dire "il y a vision" et non plus "je regarde le monde". Plus de sujet mais une non-dualité pure. Le monde jaillit dans une vacuité sans limite.Cette disparition de soi est une stupéfaction; un éveil brutal et bouleversant.
Mais en même temps, il y une présence à soi, un redoublement de l'attention sur elle-même, un retour sur soi qui est un JE. Ce JE est unique, singulier, il est le seul JE; il est le JE SUIS.
Ainsi la vacuité est consciente d'elle-même ; cette réflexivité est le JE, le MOI PUR, pour parler comme Schelling.
Cependant ce JE n'est pas un ego opposé à d'autres JE; il n'est pas égoïste car il n'a rien à défendre; il n'a rien à s'approprier car il a déjà tout. Il est vaste comme le monde ; rien n'est en dehors de lui.
Ainsi je suis une personne impersonnelle, une impersonnalité personnelle, une présence et une absence. Une absence de moi-même et une présence du monde.
Un mystère pour moi-même.
Que rend bien le mot français "personne" à la fois absence (il n'y a personne ici) et une personne (un je).
jlr
Voici aussi un échange intéressant à ce sujet sur le forum de www.cafe-eveil.org
Mais le texte ci-dessous parle plus de la personnalité que de la personne. La personnalité est le moi-individu avec ses souvenirs, ses désirs, ses pensées.
"bonjour joaquim
Pour moi la première personne est à la fois impersonnelle et personnelle
le pur ''je suis ''est impersonnel.
'' je suis joel, je suis joaquim'''
enlevons les prénoms, on ne peut différencier les '' je suis ''
le je suis est un pur espace d'accueil rempli par le tout de mon environnement, il y a aucune détermination, forme ou limite
à ce niveau on est dans l'impersonnel
mais en même temps le je suis n'est jamais dissociable d'une personnalité
et c'est à la condition de ne pas se regarder en tant que personne
( ce qui est le propre de l'égo ) de s'oublier soi même en tant que
personne en s'unissant à notre dimension impersonnelle que notre
dimension personnelle se libère, se réalise et s'exprime véritablement
bref c'est en devenant impersonnel qu'on devient une véritable
personne ( personnelle ) et le personnel, ce n'est pas uniquement une
forme, un corps, une image mais une vibration , un style.une énergie
toujours dans l'image de la trinité chrétienne, dieu c'est la dimension impersonnelle du père et du fils
quand je ressens ma propre présence je ne vois rien de personnel
car cette présence se confond avec la présence du monde, je suis et en
même temps je suis ce clavier d'ordinateur
et en même temps dans cette présence, je me sens vraiment moi -même, je suis une véritable personne, je suis vraiment Joël
la présence est à la fois impersonnelle et personnelle
je ne me sens pas séparé de la présence du monde et en même temps
je suis bien une presence singuliere, personnelle
absolument
, ce que l'égo croit personnel, ses idées, ses opinions est en vérité impersonnel
heidegger dit que l'homme vit alors dans le ''on '' dans
l'inauthentique, dans le bavardage, ce n'est pas lui qui s'exprime mais
les autres, le mental est, en réalité 'collectif, jamais personnel
l'homme n'a pas encore de pensée propre
tant que l'homme ne s'est pas uni à son impersonnalité
spirituelle, on peut dire qu'il n'a pas de véritable personnalité mais
une fausse personnalité
on peut dire que l'homme quand il est dans l'ego ou pensée séparée et dualiste vit à l'envers.
sa personnalité est impersonnelle et l'impersonnel est obscurci, limité , confondu avec le personnel
il refuse, fuit le vide qu'il est, l'impersonnel
et celui ci lui revient sur la gueule et pollue sa pensée et son vécu, celle çi est creuse, vide et impersonnelle.
tout est faussé et la personnalité et l'impersonnel
mais s'il accepte le vide et l'impersonnalité qu'il est au niveau de sa réalité alors les choses se remettent à l'endroit
la pensée devient vraiment libre, créatrice, personnelle et sort du troupeau
l'impersonnel cesse de se confondre avec le domaine de la forme et retrouve sa place dans le sans forme.
la forme est alors au service du sans forme, l'exprime.
dans la vie à l'envers par exemple, on confond l'esprit et la
lettre, on fait alors de la lettre un absolu et c'est la porte ouverte
à toutes les intolérances
ne pas les confondre, c'est considérer la lettre comme relative
et pouvant exprimer l'esprit de multiples façons sans qu'elles
s'excluent.
dans la vie à l'envers, on rend à dieu ce qui est à césar et à césar ce qui est à dieu
dans la vie à l'endroit, on rend à dieu ce qui est à dieu et à césar ce qui est à césar
les deux ne se confondent plus mais ne sont pas séparés
on pourrait considérer le problème de l'impersonnel et du
personnel ainsi que tous les autres problèmes à la lumière de cette
idée.
on utilise tous les mêmes mots avec des sens différents mais si au
lieu de s'opposer sur les termes on essaie de les réconcilier à l'aide
d'une logique non dualiste, on va s'apercevoir que tous nos problèmes
d'idées ou de mots sont des faux problèmes
et qu'est ce qu'un faux problème ?
c'est quand les termes de la problématique se confondent, se mélangent
il faut alors les décoller l'un de l'autre, les remettre à leur place
une pensée dualiste unit les termes sans les distinguer (= un sans
deux et finalement les opposent ( deux sans un ) cette unité est
confusion.
dans notre discussion actuelle le personnel devient impersonnel (
un faux personnel )et l'impersonnel devient personnel (impersonnel
inversé, aliéné, limité)
une pensée non dualiste unit et sépare en même temps, la pensée est alors claire et sans conflit ( deux = un et un = deux )
chacun est à sa place et au service de l'autre
joel"
Merci à Eric pour ce texte sur la personnalité chez Guenon
"Le Dictionnaire
de René Guénon" par Jean-Marc Vivenza (Le Mercure Dauphinois /
Grenoble)page 379.
"PERSONNALITÉ:
La personnalité loin d'être
équivalente à l'individualité qui n'est que transitoire et contingente,
est, bien au contraire, "le principe transcendant et permanent de
l'être".
Si l'individualité humaine est synonyme du "moi", la
Personnalité est plus proche du "Soi", bien que le "Soi", en quelque
manière, représente quelque chose de plus que la Personnalité.
Il va
sans dire que ce qui est entendu dans le terme "Personnalité" par les
doctrines traditionnelles, n'a rien de commun avec ce que les
philosophes modernes appellent si souvent "la personnalité humaine " qui
n'est en réalité que l'individualité pure et simple; du reste rajoute
Guénon, c'est celle-ci seule, et non la Personnalité, qui peut être dite
proprement humaine.
Guénon voulant clarifier plus avant cette
question importante de la distinction entre individualité et
Personnalité, montre très bien les limites des penseurs occidentaux qui,
même lorsque voulant "pousser" plus sérieusement leur réflexion,
"prennent pour la personnalité ce qui n'est véritablement que la partie
supérieure de l'individualité, ou une simple extension de celle-ci; dans
ces conditions, tout ce qui est d'ordre métaphysique pur, reste
forcément en dehors de leur compréhension".
Et c'est bien là où
réside le problème car, de cette incompréhension surgissent
d'inextricables confusion qui rejaillissent sur l'ensemble des positions
exprimées.
Il importe donc de saisir que la Personnalité est une
sorte de "détermination immédiate, primordiale et non particularisée du
principe qui est appelé en sanskrit Atmâ ou pararâtma, et que nous
pouvons, faute d'un meilleur terme, désigner comme "Esprit universel"
(...)".
La Personnalité relève donc de l'ordre du Principe, ce qui
signifie qu'elle est de nature universelle et qu'elle n'est pas et ne
peut être "individualisée".
La Personnalité par l'intermédiaire de
l'intellectuel transcendant(*), est liée au centre principiel de l'être,
au centre qui est absolument non-affecté par les conditions de la
Manifestation."
Pour approfondir, voir dans :
Le Symbolisme de la
Croix (chap. I, VII et XXVI)
L'Homme et son devenir selon le Vêdantâ
(Ch. II, X, et XXXII)
Études sur l'Hindouisme, "Âtmâ-Gîtâ".
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*
Intellectuel transcendant :
"Buddhi" à distinguer d'avec la mental
la conscience ou la raison, est d'ordre universel; "il rend possible la
connaissance métaphysique".
"Œil du cœur" = "aynul-qalb" (El-Hallaj)
Source
idem, le Dictionnaire de René Guénon (P. 221/2)