Depuis le livre de Reichfeld (1990), The « loyalty effect » , l'eau a coulé sous les ponts. Et l'on est en droit de se demander si l'ère de la fidélisation n'est pas achevée. Nous aurions fidélisé en période de croissance, car le consommateur confiant dans la vie, et son futur, pouvait abandonner aux marques l'effort et la raison, au bénéfice du confort et de l'émotion.
Les temps durs sont revenus, la crise est là, pesant de toute son inquiétude, des pertes d'emploi, de la stagnation du revenu, invitant les consommateurs à reprendre leur destin en main. Et s'ils ne le faisaient pas d'eux mêmes, ce sont les marques elles-même qui les incitent. La crise donne des opportunités aux stratégies low cost , et conduit les consommateurs à faire des arbitrages. Sans compter que la maturité des programmes double en quelque sorte la nature de la concurrence!
Mais il n'y a pas que la crise, une autre évolution forte apparaît : les coûts de transaction des consommateurs sont réduits par les capacité de recherche sur internet incitant probablement les consommateurs à mieux penser le choix, à comparer, d'autant plus facilement qu'il est aisé en deux ou trois recherches et quelques clics de faire l'état du marché. Le poids des comparateurs grandit et leur usage se généralise. Au CRM succèderait le VRM, enfin.
Cette double pression n'incite certainement pas à la fidélité, elle ne doit pas non plus faire renoncer à l'effort de fidélisation. Mais sans doute faut-il le repenser.
Bien sur ce qui a été appris depuis vingts ne doit pas être oublier. Oui ! Pour fidéliser il faut un consommateur satisfait de la valeur qu'on lui délivre – et sans doute cette valeur aujourd'hui s'obtient par la simplicité. Mais on c'est que ce n'est pas suffisant, et la confiance reste un maître mot, peut-être encore plus vrai aujourd'hui à l'heure des rappels de produits. Cette confiance reste toujours le fondement d'un véritable engagement du consommateur et de la marque, pour autant que la marque s'engage aussi. Et l'on ne doit pas négliger l'affect, cet attachement, voir cet amour que peut développer le consommateur pour la marque.
Mais dans ce nouveau contexte, ces éléments ne suffisent pas, et à l'instar des prix , il importe aussi que le consommateur perçoive qu'il soit traité justement. La relation nécessite d'être juste, dans sa triple acceptation. Elle doit être équitable, régulière et digne. Cette idée de relation juste ne s'arrête pas au marketing , elle a été initiée dans l'analyse du traitement de la réclamation, mais semble pour partie être la ligne de recherche de nombreux chercheurs . Elle concerne de plus en plus la manière dont la relation, et l'information qu'elle nécessite, est gérée . Pour une synthèse en français, nous irons lire la belle synthèse de nos collègues Sabadie et Prim-Allaz.
Cette idée déjà ancienne, n'est pas suffisante. L'échange désormais n'est plus simplement limité à ce troc de services contre un paiement, ni même des ristournes, en remises ou cadeaux, qui fondent les programmes de fidélisation. L'échange est aussi un échange constant d'informations, de messages, de news letter, de données personnelles qui passent par de multiples canaux même si le mail en reste le principal. La relation est une relation à haute intensité informationnelle. Plus que l'atmosphère de la relation, c'est désormais la qualité des informations et leur pertinence qui vont être essentielles. Et dans ce domaine encore, il s'agira d'être juste, et pas seulement précis. Respecter la vie privé, informer de manière pertinente, apporter quand il le faut, et sans forcer la main, ce que le consommateurs souhaite savoir. Lui donner la main sur la maîtrise des canaux, lui offrir tous les canaux. Et cela au regards des autres, car de plus en plus cette conversation, avec les réseaux sociaux, est conduite sous le regard de témoins.
Ce n'est pas un voeux pieux à l'heure où l'internet devient un média de masse et qu'il se prépare à migrer dans la paume de la main de centaines de millions de consommateurs. L'enjeu deviendra le droit à communiquer avec lui. Les marques qui auront construit une relation juste, seront celles qui pourrons employer la plus part des canaux sans faire preuve d'intrusion. Et ce sera très bientôt, en partie, l'objet du colloque Reconnaissance et Marketing, organisé par et pour les étudiants du Master Marketing Opérationnel International.
( synthèse de la conférence du 16mars 14h30 - Stratégie client 2010)
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