Suite de l’article sur l’historique de l’immigration en France.
Que peut-on penser de la brochette de lois sur l’immigration sorties par Sarkozy puis Hortefeux ? Le message, d’abord : passer d’une immigration « subie » à une immigration « choisie ». En gros, appliquer également la rupture sarkozienne aux politiques migratoires.
Les finalités ? Favoriser une immigration de travail à la carte, en avançant des objectifs absurdement précis sur certains métiers qualifiés (6 979 dessinateurs BTP pour l’Ile-de-France, 503 informaticiens experts pour le Nord Pas de Calais…). Et lutter contre l’immigration « subie », c’est-à-dire l’immigration non « rentable », celle de la famille.
Il y a beaucoup à dire sur ces lois. Passons sur le message terrible qu’elles envoient aux Français issus de l’immigration, pour qui l’intégration n’est pas toujours facile, et au monde entier : la France choisit ses immigrés, elle ne prend que les meilleurs, et en plus elle veut mettre en place des quotas géographiques qui, évidemment, désignent l’Afrique comme indésirable.
Quelques remarques sur l’utilité de ces lois :
- Quelle absurdité de penser une seule seconde que l’on va régler les pénuries sectorielles et temporaires de l’emploi par des dispositifs législatifs lourdingues (on attend toujours les premières cartes « compétences et talents »). Et puis comment croire qu’en alourdissant les procédures et dispositifs, la France parviendra à améliorer son attractivité (déjà médiocre) pour les diplômés convoités (ceux d’Inde ou de Chine, par exemple) ?
- Pourquoi tant de mesures contraignantes pour limiter l’immigration familiale ? Ne veut-on attirer que des travailleurs isolés, coupés de leurs familles ? Veut-on empêcher les Français de se marier à des étrangers (ce qui constitue l’essentiel de l’immigration familiale) ?
- Quelle est cette mesure qui permettra bientôt aux entreprises d’embaucher sur des emplois temporaires des travailleurs étrangers, ces derniers étant expulsables à la fin de leur contrat ? Est-ce le retour de l’ancienne conception de l’immigré jetable, utile temporairement comme force d’appoint, mais que l’on ne cherche plus à intégrer durablement dans notre société ?
Bilan de ces lois, un drôle de mélange d’un peu tout et n’importe quoi : des quotas par métiers comme au début du XXème siècle en France et aux Etats-Unis, la tentation de remettre en partie en question le caractère durable de la présence en France de l’immigré légal, et puis un soupçon de racisme avec ces dispositifs ADN et la volonté d’établir des quotas par zones géographiques …
Le résultat, une usine à gaz un peu puante, qui montre bien que l’approche éminemment politique de ce dossier va à l’encontre d’une gestion réaliste, mesurée, cohérente et humaine de la question de l’immigration.
Alors, peut-on parler de rupture avec la politique migratoire menée depuis 20 ans en France ? Peut-être. En tout cas, domine l’impression que ces réformes répondent avant tout à des objectifs politiques et idéologiques, totalement coupés de la gestion plutôt pragmatique et humaine qui s’était imposée en France depuis le départ de Giscard.
Quel dommage d’avoir procédé à l’instrumentalisation de ce dossier, alors même que Le Pen est en train de crever la gueule ouverte, dans son FN rongé par les mites. On ne peut pas dire que Sarkozy était acculé par l’opinion publique ni par le FN …et pourtant il l’a fait, comme quoi c’est vrai, avec lui tout est possible.
Fred