Eric FOTTORINO
Ceux qu'on appelle les "nouveaux pères" sont à la mode : ces hommes qui, sans renier leur masculinité, deviennent de vrais mamans pour leurs enfants, s'en occupe largement aussi bien que les mères, que ce soit en temps passé ou en qualité de relation. Phénomène de société dû en partie à l'augmentation des divorces et de la garde alternée, mais aussi et surtout, à l'évolution des mentalités et des moeurs qui a fait comprendre aux hommes - et aux femmes - qu'on peut être viril, avoir une vie professionnelle épanouie et tout en même temps être un papa qui s'occupe de son enfant.
Le petit Colin vit cela au quotidien. Sa maman, ainsi qu'elle l'avait annoncé, est partie quand il a fait ses premiers pas (comment peut-on laisser son enfant ? ça me dépasse...). C'est donc Félix, le père, qui assume au quotidien l'enfant, lui lit des histoires, lui invente une famille, des personnages qui meublent l'appartement vide...
C'est Félix qui doit faire face à la peine du petit garçon qui réclame sa maman, lui faire comprendre qu'elle ne reviendra pas. C'est Félix qui la fait revenir en se grimant, en se travestissant pour donner à l'enfant - pas dupe au demeurant - l'illusion que la maman est de retour.
Tant bien que mal, ces deux là vivent ensemble, de tristesses en joies, d'espoirs en désillusions jusqu'au jour où la maman revient et exige de remplir à nouveau son rôle de mère, de reprendre son petit garçon. Garde partagée. Un verdict et une organisation qui tombent comme un couperet pour ce père qui avait organisé sa vie en fonction du petit, pour ce père dont le fils est devenu le centre du monde et qui n'imagine pas vivre sans lui.
Voilà une histoire poignante, me direz-vous. Oui, effectivement. L'émotion affleure tout au long du livre et j'ai essuyé plusieurs larmes tant parfois je ressentais fort la détresse de cet enfant en mal de mère, et les efforts démesurés du père pour tenter vainement de combler le vide laissé. Très émouvant. Et très dérangeant à la fois. Parce qu'on se rend bien compte que le père se fourvoie, qu'il va trop loin et que ses stratagèmes, ses robes et ses perruques ne pourront jamais faire illusion. On dirait qu'il veut se tromper lui-même et la maîtresse de l'enfant le met en garde... On comprend alors que, plus encore que l'enfant, c'est le père qui va mal, et que cette histoire va mal finir...
Vers les deux tiers du livre, j'ai eu comme un sursaut, je me suis dit "non, ce n'est pas possible, cette fin ? l'auteur ne va pas oser, tout de même !". Je ne vous dirai pas la fin, mais sachez que l'auteur a osé, oui.
Absolument terrible.
Livre lu également par Chaplum, qui n'a "pas adhéré au roman" qui lui a laissé à elle aussi un "arrière-goût un peu malsain" (j'ai pas copié !!!), mais Anne avait été "complètement chavirée".