Magazine Société
Le marketing d’entreprise est en recherche permanente du concept soi-disant novateur destiné à devenir le graal du déclenchement de l’acte d’achat du consommateur. Après le produit « éthique », voilà le concept de « relation client » qui veut démontrer toute l’attention que l’entreprise promet de porter à ceux qui croiront décider en toute indépendance de devenir un client. C’est ainsi que l’on promet au futur client d’apporter toute l’aide nécessaire à chaque difficulté que ce dernier pourrait rencontrer, d’apaiser toute appréhension qu’il pourrait ressentir. Promettre au client qu’il deviendra une préoccupation constante et pérenne de l’entreprise, tel est le message de la relation client. Tel est le mensonge. En effet qui, après s’être trouvé en difficulté à la suite d’un achat, ne s’est pas retrouvé désemparé et exaspéré en face d’un central automatique d’appel incapable de résoudre le problème existant, qui ne s’est pas trouvé confronté avec l’exécrable « tapez 1, tapez 2, etc… » ? Une fois le client « accroché », l’entreprise n’a plus qu’une seule préoccupation : réduire les coûts, même au détriment du service. Et ceci n’est pas le seul fait des entreprises privées, le même dévoiement existe dans les services publics. Partout le « front-office » se réduit à la portion congrue et se voit remplacé par une série d’automates qui laisse le client se débrouiller sans aucune aide personnalisée et adaptée à son problème. Ces automates fleurissent dans tous les domaines : les banques, la Poste, la SNCF, la RATP, la grande distribution, les opérateurs téléphoniques et d’accès à Internet, les centres d’appel, les standards d’entreprises, etc… Les entreprises, privées et publiques, construisent un discours sur la qualité de la relation client et, dans le même temps, supprime tout contact réel avec lui. Les salariés se retrouvent ainsi confinés dans le « back-office », loin des clients, et affectés à des activités plus facilement externalisables. Déjà isolé du monde extérieur, le salarié doit subir en outre une organisation du travail qui, sous prétexte de la polyvalence et de la responsabilité personnelle, l’isole de plus en plus de ses collègues, voire le met en compétition. Le salarié se trouve ainsi également isolé du monde intérieur à l’entreprise et ressent un sentiment obsidional qui peut devenir insupportable. Ceci porte un coup violent au « vivre ensemble », augmentant considérablement le stress et pouvant conduire au suicide tenté ou réussi. Le travail perd alors ses valeurs principales, d’une part celle de donner à chacun le sentiment d’exister à ses propres yeux comme à au regard des autres et, d’autre part le sentiment d’appartenir à une communauté qui vous reconnaît. La réduction des coûts au seul bénéfice de l’actionnaire conduit à une gouvernance d’entreprise qui sacrifie non seulement le salarié mais aussi le client. C’est donc une stratégie mortifère à terme. Malheureusement, on ne perçoit aucun signe de changement en la matière.