Il n’est pas un homme politique, en exercice ou retiré, qui ne suppose indispensable de livrer au monde son histoire personnelle, persuadé qu’il répond à un devoir de mémoire collective (Chirac, Strauss-Kahn, Jospin, de Villepin, Juppé, Bayrou, etc…). Au nom de quoi ? N’y a-t-il pas une vanité démesurée à croire que le « peuple » attend, comme une révélation, le récit de leur vie, de leurs actions, de leurs erreurs (pour les plus sincères) ? Il semble que ces hommes politiques cherchent à mettre leurs pas dans ceux des grands hommes de la IVème République ou de Charles De Gaulle et de Winston Churchill qui, à leur époque, ont publié, avec beaucoup de talent, leurs mémoires. La grande différence tient dans le fait que De Gaulle et Churchill ont créé une œuvre historique. Leurs écrits sont, en effet, davantage un récit historique que des mémoires. Et, il faut bien l’avouer, le récit qu’ils nous ont fait de leur vie est d’une importance capitale pour la compréhension d’une époque exceptionnelle. Rien à voir avec ce que peuvent nous raconter les politiques d’aujourd’hui qui ne laisseront aucune trace dans l’Histoire. « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France ». Ainsi commencent les mémoires de guerre de Charles De Gaulle. Les hommes politiques actuels n’ont qu’une idée certaine de leur ambition personnelle. Contrairement à la doxa, cette dérive condamnable du monde politique vers le monde « people », qui inonde l’édition d’ouvrages sans aucun intérêt et fabriqués industriellement, n’est pas une preuve de modernité mais le signe d’une perte de la conscience profonde du service à la Nation. Servir son pays par implication politique devrait être un sacerdoce, c’est-à-dire un engagement désintéressé au service de ses concitoyens, bien éloigné de toute recherche frénétique de notoriété et d’accès au pouvoir. Mais notre époque a les hommes politiques qu’elle mérite. À moins que la médiocrité des temps présents ne soit la conséquence de celle des politiques qui nous gouvernent.