L’effet de serre et les activités humaines
En 2006, Beck a contesté le lien entre variations de température et concentration en CO2 dans l’atmosphère en présentant des mesures prises localement. Or, mesurer le CO2 de manière globale est une opération difficile, non maîtrisée : les relevés sont bien souvent affectés par les sources locales d’émission. Par exemple, une mesure prise à Paris n’aura rien à voir avec une autre prise en province.
D’autres comme Courtillot affirment que c’est la température qui augmente avant le dioxyde de carbone, prenant pour exemple le passage d’une période glaciaire à une période interglaciaire il y a 245 000 ans. Certes, la température avait d’abord augmenté en Antarctique à cette époque, mais la fonte de la calotte glaciaire s’était mise en route 40 000 ans plus tard. Dans notre situation actuelle, on constate que c’est bien le CO2 qui a augmenté en premier. De plus, la fonte actuelle des glaciers est indiscutable : la surface maximale de la banquise (atteinte en hiver) a baissé de quatre fois la France métropolitaine en 40 ans et la glace s’amincit. Enfin, la dernière décennie a été 1/4 plus chaude que la décennie précédente, elle-même la plus chaude depuis 130 ans. Il ne faut donc pas se fier à des courtes périodes ni à des impressions personnelles pour questionner le modèle climatique : à l’échelle de la planète, janvier 2010 a été le deuxième mois le plus chaud sur 130 ans !
Il est déjà plus légitime de se demander si le réchauffement en cours est dû aux activités humaines. Le rayonnement solaire, qui réchauffe l’atmosphère, et les volcans, qui dégagent des gaz à effet de serre, constituent des forçages naturels importants. Cependant, l’activité solaire diminue depuis plusieurs décennies ; on constate d’ailleurs que la stratosphère refroidit, signe d’un effet des gaz à effet de serre retenant la chaleur dans les basses-couches de l’atmosphère (sinon toutes les couches atmosphériques se réchaufferaient). Quant à l’accroissement de l’activité volcanique, il est moins important que l’augmentation des activités humaines. On peut donc conclure que les émissions de CO2 par l’homme sont bien responsables du réchauffement climatique.
Le climat des prochaines décennies et au-delà
Si on regarde le papier Lindzen, le changement des températures dans la durée reste très peu abordé par les climato-sceptiques. Même si on considère que le climat est moins sensible aux paramètres évoqués par le GIEC, on n’empêche pas le réchauffement global de se produire à long terme ! Le climat des 20 prochaines années est joué, même si l’on table sur plusieurs scénarios, mais pour la suite cela dépend de nous.
Le climat change vraiment rapidement, même si c’est difficile de le percevoir. On ne sait pas encore quel rôle le changement du climat jouera sur les cyclones, le gulf stream ou le phénomène El Niño, mais on sait que nos émissions de CO2 bouleverseront les températures, les précipitations, l’acidité des océans et les écosystèmes. Ainsi les précipitations deviendront plus fréquentes en Europe du Nord, augmentant les risques d’inondation, et diminueront en Europe du Sud, augmentant le risque de sécheresse.
Le Climategate et les erreurs du GIEC
Premièrement, il y a eu des suspicions sur les données du Hadley Centre parce qu’elles ne sont pas publiées ; cela est dû au fait que ce laboratoire est sous contrat avec le gouvernement anglais. Par contre, on peut tout à fait accéder aux données américaines, qui elles sont publiques.
La mention d’une « astuce » dans un email de Phil Jones, le directeur du laboratoire, a fait beaucoup parler. Pourtant, les corrections de données brutes sont monnaie courante dans le monde scientifique. La relation entre la taille des anneaux des arbres et la température de l’atmosphère variant suivant les décennies, Phil Jones devait naturellement corriger ce facteur.
Par contre, le rapport du GIEC comportait de vraies erreurs ; il s’agissait néanmoins de détails ne remettant pas en cause le réchauffement global :
- la fonte du glacier de l’Himalaya est estimée non pas à 2035, mais à 2350
- sur la foi du rapport du gouvernement néerlandais, le GIEC a écrit que 55% du territoire hollandais se situe sous le niveau de la mer, alors qu’en fait ces 55% sont sous risque d’inondation (25% se trouve sous le niveau de la mer)
Débat scientifique ou catastrophisme ?
Selon le GIEC, si on ne fait rien, le réchauffement climatique atteindra les 2,8°C d’ici la fin du siècle ; cela représente une moyenne, car si certaines régions se réchaufferont de 1,7°C, d’autres vivront une hausse de 4,4°C ! Cette amplitude est importante, et encore cette estimation est conservatrice. En effet, d’autres facteurs que les gaz à effet de serre doivent être évalués dans le changement global :
- le rôle des aérosols
- les caractéristiques régionales (ex. les précipitations)
- la hausse du niveau des mers, sous-estimée (actuellement la mer monte d’environ 2 mm par an)
- les « surprises » comme le dégazage du méthane ; libéré par le dégel du permafrost, il engendrerait une boucle de rétroaction accélérant le réchauffement
Que pouvons-nous faire ?
Nous devons stabiliser l’effet de serre en réduisant nos émissions. Pour limiter la hausse des températures à 2°C, il faut diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de 50 à 80%. Or, nos émissions n’ont jamais autant augmenté que ces dernières années.
Que ce soit dans la production industrielle ou dans la consommation des produits importés, ce sont toujours les pays développés qui sont responsables des émissions de gaz à effet de serre, donc c’est à eux de faire les efforts les plus importants. Les pays émergents ont mis en application ce qu’on leur demandait (Chine, Malaisie, etc.), tandis que les pays du Nord n’ont pas été suffisamment ambitieux. D’ailleurs on attend toujours les 100 milliards d’aide promis aux pays du Sud… Il y a eu malgré tout quelques avancées à Copenhague :
- se tenant au rapport 2007 du GIEC, les gouvernements ont reconnu que l’augmentation des températures devait se limiter à 2°C
- on est parvenu à un consensus sur l’enrayement de la déforestation
- les pays développés se sont engagés à exercer des transferts technologiques pour aider les pays en développement à décarboner leur croissance
Cependant, l’accord issu du sommet est en contradiction avec les objectifs d’émission qui restent loin du compte. On peut s’adapter raisonnablement à une augmentation de 2°C, même si certaines îles ne seront pas épargnées. Mais si on ne met pas en place d’objectif ambitieux, on est parti vers une hausse de 3°C ! Ce que nous ferons ces dix prochaines années aura un rôle crucial sur le changement climatique qui viendra 50 ans après. Atteindre notre pic d’émission en 2015, cela demeure nécessaire et réaliste. Le cinquième rapport du GIEC présentera différents scénarios climatiques suivant nos consommations de Watt au mètre carré. Les économistes pourront alors préconiser des solutions et des types de développement.
Les pics de production du pétrole et du gaz vont intervenir ce XXIème siècle, puis les ressources vont se raréfier ; malheureusement, on peut craindre que les Etats-Unis et la Chine se tournent ensuite vers le charbon, ce qui empirerait la situation. La réunion de Bonn sera une étape intermédiaire, mais c’est à Cancùn qu’on peut espérer une décision politique ambitieuse.
Ce billet est la synthèse de la conférence de Jean Jouzel à l’ENS. Si cet article vous a plu, je parle de la polémique du climategate dans « Ultimatum climatique : le GIEC nous manipule-t-il ? » et je résume les conclusions du sommet de Copenhague dans « Sommet de Copenhague : échec ou prise de conscience ?«