Les flots font le bruit doux des billets suavement froissés.
Normal car ici l’argent coule à flot.
Que vous ayez choisi les Iles Marshall, Iles Caïman, Iles Cook, les Bermudes, Sainte-Lucie, les Barbades ou les Bahamas, vous pouvez voir, dans un raccourci saisissant, l’argent et les palmiers.
C’est une lectrice d’eco-SAPIENS qui m’a transmis ce document, absolument pas confidentiel, émis par une grande banque française à l’attention de tout bon épargnant avide d’argent facile.
Je vous présente donc le certificat 100% Huile de Palme, un placement bien juteux bien gras.
Le Certificat 100% Huile de Palme permet en une seule transaction de diversifier son portefeuille en investissant sur l’indice Asian Plantation. Il est composé des sociétés asiatiques leaders qui tirent profit de l’exploitation de l’huile de palme.
L’utilisation de l’huile de palme dans l’agro-alimentaire a augmenté de 124% ces 10 dernières années. Concernant la production de l’huile de palme, les 3/4 sont consacrés aux produits alimentaires (biscuits,
chocolats, huiles végétales…), le solde étant principalement dédié à la cosmétique, les savons et les détergents.
On ne dit pas que l’huile de palme est une mauvaise huile alimentaire (acides gras saturés favorisant le cholesterol). On ne parle surtout pas de la déforestation et de toute la catastrophe écologique, sociale et culturelle liée à l’industrie de l’huile de palme.
Aujourd’hui 1,5% de la production mondiale de l’huile de palme est affectée aux biocarburants de l’Union Européenne. Son utilisation devrait augmenter de 75% d’ici à 2010. Pourtant, l’offre ne devrait que partiellement satisfaire la demande.
La BNP parle encore de « biocarburants» là où il faut parler d’» agrocarburants» . Glissement sémantique évidemment pas anodin d’autant qu’il va de soi que cette huile de palme asiatique doit être consommée en Europe pour faire rouler des carosseries…
En 2007, l’indice Asian Plantation surperforme l’indice MSCI World EUR de 67,8% sur les 12 derniers mois. Malgré une faible correction début 2008, l’Indice offre toujours , d’après les analystes BNP Paribas, un fort potentiel de croissance.
Note aux néophytes déboussolés par les néologismes financiers… surperformer signifie tout simplement faire une performance supérieure à la moyenne. C’est presqu’un pléonasme puisqu’une performance se doit déjà d’être au-dessus de la moyenne… Mais bon, ca impressionne le badaud qui a besoin qu’on lui dise « extra, super, mega, hyper» en langage plus sérieux et plus contenu. D’ailleurs, côté sérieux, je vous invite à regarder les divers pictogrammes du document comme ce Risk Awards 2008. Si si, il doit exister des trophées du risque dont j’ignore à mon grand dam où se déroule la cérémonie.
Je sais, il est facile et de bon ton de taper sur les vilains financiers. Mais, il est aussi vital de rappeler à quoi ressemble le visage du mal.
Ce visage, c’est la banalité.
Donc, messieurs de BNP (ou des autres banques concernées… c’est à dire presque toutes !) qui ont des pépites en guise de pupille, regardez un peu ce que vous détruisez pour quelques points de croissance. Regardez un peu qui vous affamez. Et regardez qui vous engraisser…
Sinon, en attendant, il existe des banques qui font des choses nettement plus intéressantes !