L’oeuvre à laquelle l’artiste canadien Eric Cameron travaille depuis plus de quarante ans se compose de quelques dizaines de pièces seulement. Cette relative rareté des objets produits trouve, à contrario, dans la temporalité illimitée leur prolongement infini. Ainsi, les élémentsqu’Eric Cameron a choisis – tous issus de l’univers quotidien – font l’objet de recouvrementsréguliers et systématiques de matière. Chaussure, ressort, boîte d’allumettes, livres, sachet de sucre, laitue… sont ainsi, jour après jour, enduits de gesso, cet apprêt blanc que les artistes peintres utilisent pour préparer le fond de leur toile. Les centaines voire les milliers de couchesaccumulées sur chaque objet amènent à la transformation progressive mais radicale de ce dernier, jusqu’à souvent le rendre méconnaissable. Ce geste, revendiqué comme celui d’un peintre, débouche, dans sa grande simplicité, sur des propositions d’une profondeur exemplaire. L’objet est comme englouti dans la matière blanche et perd de ce fait son identité, rejouant ainsi le passage de la figuration à l’abstraction. De plus, le temps, en quelque sorte consigné dans ses multiples épaisseurs, se matérialise et peut être appréhendé sous l’aspect de scapulaires blancs aux formes très diverses et très subtiles. À travers ce programme défini et résolument mis en pratique depuis 1979, Eric Cameron nous invite à approfondir notre réflexion et, tels les artistes des memento mori, nous rappelle l’inexorabilité du temps qui passe et celle de la finitude qui lui est attachée.
du 13 mars au 7 juin 2010 au Musée Chagall de Nice