Gazon anglais, pour ou contre ?

Par Flowerpower

crédit photo : Peter Kaminski

Je lance le débat car je change de camp au rythme de mes visites de jardins sublimes ou des mes énervements lorsque je croise des hystériques de l'engrais gazon et de l'anti-mousse dans ma jardinerie préférée. Aimez vous les pelouses bien nettes, bien manucurées, à l'anglaise ? Etes vous obsédés par la moindre pâquerette dépassant d'un millimètre la tonte hebdomadaire ? Etes vous au contraire, irrité d'avance par le tonnerre des tondeuses bruyantes qui va resonoriser le moindre espace vert dans quelques semaines ? Etes vous pour ou contre le gazon anglais, that is the question... Et pour vous donner le temps de formuler une belle réponse à partager, je vous livre quelques considérations historico-botaniques sur la question...

Les compartiments de gazon et de fleurs font un très bel effet étant vus et regardés un peu de loin, et aussi entretenus (soigneusement), car si le gazon n'est fauché souvent, l'herbe se gâte et n'est plus agréable à l'oeil, c'est pourquoi il la faut faucher pour le moins toutes les semaines et la battre, ou bien rouler souvent avec des rouleaux de bois et de pierre, comme on fait en Angleterre les plates-bandes et bouloirs de gazon qui sont dans les jardins... » Hommage du grand jardinier français André Mollet aux belles pelouses d'outre-Manche en plein XVIIe siècle.

Cette réputation, les Anglais la conservent encore aujourd'hui et ils en ont fait une fierté nationale. Au coeur même de Paris, le jardin de l'ambassade de Grande-Bretagne tient la dragée haute aux parcs de la capitale avec ses « mixed-borders » impeccables semblant voler sur une mer de gazon parfaitement entretenue.

Directe héritière des vastes espaces paysagers, chère aux coeurs du philosophe John Locke et du paysagiste Lancelot Capability Brown, la pelouse anglaise fait la nique au gazon français depuis trois cents ans. Pourtant Vaux-le-Vicomte, Courances, Thury-Harcourt, le Lude, ou encore Champ-de-Bataille, demeurent des témoignages du génie français des parterres et de la symétrie.

Oui, mais, de l'autre côté de la Manche, ce qui compte, c'est la perfection de l'herbe elle-même, le moelleux du toucher, la qualité du vert, la finesse de la tonte, et par-dessus tout la précision des bordures.


Le constat est sévère, mais il peut être battu en brèche. Il suffit de mettre tout en oeuvre pour créer et entretenir de belles pelouses autour de la maison. Une herbe de prairie, fauchée deux à trois fois par an, plus souvent si vous le désirez à proximité des bâtiments, suffira à la plupart d'entre nous. A qui le vert fait peur, ce type de pelouse se couvrira de pâquerettes, de coucous au printemps, puis de fleurs sauvages des champs en été. On pourra même jouer l'effet prairie naturelle en semant des mélanges de graines de bleuets et de coquelicots et en laissant la prairie pousser à loisir en ne fauchant que les allées de passage. Quelques pommiers et cerisiers et voilà un parfait jardin de week-end, loin des contraintes de la tondeuse.

Si vous êtes toujours partant pour un gazon digne d'un green de golf, commencez par bien connaître votre terre. L'idéal est une terre franche très légèrement acide. Préparez ensuite votre terrain en prévoyant pentes, circulation, arrosage et éclairage. N'hésitez pas à faire des apports de terre végétale, surtout lors de l'installation d'une pelouse après la construction d'une maison. C'est un investissement à long terme, indispensable pour éviter des échecs.

Autre précaution : pas de semis sans un désherbage et un bêchage profond du sol. Perdez une année si c'est nécessaire, mais, là encore, ne transigez pas. Les mauvaises herbes sont l'ennemi numéro un de la pelouse.


Pour le choix des graines de gazon, les semenciers proposent des mélanges de plus en plus sophistiqués. Jouez le jeu jusqu'au bout et panachez en optant pour un type de graminées sur l'aire de jeu des enfants, un autre pour les allées, un troisième juste pour le regard... Il ne vous reste plus qu'à semer, terreauter, rouler, arroser, traiter, surveiller, protéger, admirer le jeune gazon qui verdit progressivement le sol.

Pour le semis, choisissez un jour frais, sans vent et sans pluie. Mélangez bien le gazon. Car dans les sacs, les graines les plus lourdes tombent au fond et l'assemblage perd de son homogénéité. N'hésitez pas à utiliser un semoir mécanique dès que la pelouse dépasse 20 mètres carrés. Il permet un semis régulier et beaucoup plus facile qu'à la volée. Bien sûr, vous accorderez un soin particulier aux bordures coupées net à la bêche et semées perpendiculairement au reste de la surface.

Très vite viendra la première tonte mécanique, électrique ou à essence. Les puristes tondront d'abord le pourtour de la pelouse puis feront des allers et retours qui donneront un air définitivement « british » à leur pelouse. Viendront l'arrosage, obligatoire sauf lors d'étés humides, l'aérage sur les terres lourdes, la scarification pour enlever les mousses et le feutrage, la fertilisation, les traitements... Etapes obligées pour amoureux de la belle verte.

Ouf ! Pas trop épuisés ? moi oui... Alors votre avis ?

A visiter , notamment pour ses pelouses tip top :  Les jardins de Plantbessin, 14490 Castillon ; www.plantbessin.com

Quelques livres : « Le Jardin de plaisir », André Mollet. Editions du Moniteur, 1981. « Les Jardins », Michel Baridon. Editions Robert Laffont. « Créer et entretenir son gazon », Jean-Yves Prat. La Maison Rustique, Flammarion.