Le clivage est caricatural entre des ministres envoyés sur les plateaux de télévision pour délivrer un discours stéréotypé refusant de voir dans le succès de la gauche un “vote sanction” contre le président et, de l’autre, des intellectuels ou des élus saturés par la pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy .
A deux ans de la présidentielle et des législatives, l’inquiétude est nettement perceptible dans la majorité. Celui qui hier a fait gagner la droite est accusé de la conduire à sa perte et de constituer pour les élus de terrain, un véritable boulet.
De façon encore policée, certains parlementaires à l’image de Jacques Myard, une sorte de Charasse de droite, évoquent des“décisions gouvernementales très mal perçues”.
Lundi, sur Public Sénat, chaîne certes à l’audience confidentielle, le sénateur apparenté UMP de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier s’est lâché, estimant “qu’il fallait arrêter de raconter des histoires aux Français“. “La question de fond, c’est pourquoi notre électorat ne s’est pas déplacé. Il n’est pas particulièrement satisfait. Il faut tout mettre sur la table.” Au-delà de l’ouverture le parlementaire évoque une ligne présidentielle difficile à suivre : “Entre le Nicolas Sarkozy libéral à ses premières heures et le Nicolas Sarkozy très interventionniste après la crise, ça peut perturber notre électorat“.
Critiques semblables de la part de Jacques Domergue. Le député UMP de l’Hérault estime que l’électorat de droite est incommodé par l’ouverture à gauche et le style de gouvernance de Nicolas Sarkozy et, qu’il le manifeste en se détournant de l’UMP ou en s’abstenant. “Contrairement à ce qu’a dit le premier ministre, l’abstention a une forte signification nationale“, affirme Jacques Domergue. “Nos électeurs attendent une politique mais ils attendent aussi un comportement“, complète l’élu.
La crispation des parlementaires est entretenue par le fait que contrairement aux promesses de début de mandat qui évoquait une rotation rapide des postes pour servir un maximum d’intéressés, la stabilité gouvernementale les prive de tout rêve de maroquin ou de stratpontin alors qu’on se rapproche inexorablement de la fin du quinquennat.
Si les godillots tapent du pied, la prise de distance des intellectuels jusque là inconditionnels défenseurs du sarkozysme constitue un signal qui n’est pas sans rappeler la fuite des animaux avant un tremblement de terre.
Denis Tillinac dans Marianne ne renie pas avoir voté pour Nicolas Sarkozy et affirme même qu’il récidivera s’il se représente. Il ne cache pas pour autant un certain malaise : “au fil du temps, j’ai senti naître en moi une gêne qui, parfois, tourne à la franche irritation. Ses audaces ont tout pour me plaire, mais trop souvent elles se diluent en coups de pub mal ajustés et incohérents“, ” on assiste, depuis plus d’une année, au remake affolé des Cent-Jours, quand Napoléon ne savait plus à quel transfuge se vouer pour tromper le destin“.
Yves Thréard éditorialiste du Figaro, tribune quasi-officielle de l’Elysée dresse un constat sévère de “rejet grandissant de Nicolas Sarkozy” et invite le président à se reprendre : “Sarkozy doit impérativement sortir du bourbier dans lequel il s’est mis s’il veut avoir une chance en 2012“.
Dans Libération , François Miquet-Marty dit tout haut ce que beaucoup pense tout bas. Le président de l’institut de sondage Viavoice estime que la vision sarkozyste trouve aujourd’hui son terme et que cela joue pour le PS. “Le score des socialistes ne se réduit pas à un vote sanction comme en 2004 mais représente une aspiration à une autre politique“.
A cet égard, l’attitude de Nicolas Sarkozy vis-à-vis des résultats du premier tour traduit bien les forces et les limites du personnage. Le volontarisme c’est bien si ça rime avec réalisme. Rejetant toute idée d’effondrement de son socle électorale, il a estimé mardi pouvoir conquérir cinq régions au second tour dont l’Ile-de-France .
Une fanfaronnade de plus qui s’ajoute aux coups de menton et affirmations rapides sur de nombreux sujets allant de la réforme du capitalisme à la politique industrielle sans oublier la lutte contre le chômage. Autant d’éléments qui contribuent à caricaturer le locataire de l’Elysée dans un personnage de Don Quichotte des temps modernes et à le priver de toute crédibilité. Une attitude dont il paye aujourd’hui pleinement le prix.