Ce matin, il quitte le quartier d’isolement et part dire un au revoir à Oksana, sa femme, Pacha et Guennadi, ses enfants avant de rejoindre ses compagnons d’aventure, Victor et Nicolaï, sur le pas de tir. Ivan n’est pas un cosmonaute comme eux. Il n’est pas ingénieur. Il n’est pas pilote. Il est médecin.
Et il part pour un exploit.
Dans la perspective des vols habités de longue durée à destination de Mars, un jour peut-être, il est essentiel de connaître le comportement du corps humain en état d’apesanteur pendant ces longs mois que durera le voyage. Ivan est un cobaye. Il part pour battre le record de durée d’un être humain dans la station orbitale. Quand il embrasse encore une fois sa femme et ses enfants, c’est dans une séparation des plus de quatre cents jours qu’il se lance ! Pendant quatorze mois, il sera le trait d’union de tous les équipages qui vont se succéder dans la station Mir !
Il part pour une épreuve. Elle sera au rendez-vous.
Ce n’est pas seulement parce que j’aime regarder, pendant de longues heures, couché dans l’herbe, par de sombres nuits d’été sans lune, le ciel étoilé et rêver à tous ces mondes inconnus que j’ai aimé ce livre.
Il y a mille autres raisons.
Il y a la répétition sans fin de ces rotations autour de la terre. Une idée géniale a consisté à insérer dans la marge l’incrémentation de ces rotations au fur et à mesure qu’elles défilent et que défilent les évènements. Plus besoin de marquer le temps dans le texte, les chiffres qui s’alignent font office de chronomètre jusqu’à l’ultime rotation (6798 !) précédant le retour.
Il y a l’émerveillement des hommes devant le spectacle sans cesse recommencé de ce qui défile devant les hublots (visible grâce aux protections contre les terribles effets directs du soleil dont le vaisseau, hors de l’atmosphère, n’est plus protégé).
Il y a l’extérieur de la station, le vide, le risque, les dangers de perdre le lien avec elle et de s’éloigner sans espoir de retour, sans possibilité de regarder ce havre ténu où pouvoir enfin quitter cette combinaison encombrante, rigide et malaisée ressemble au bonheur. Là, dehors, « la vie ne tient qu’à un fil » prend une immense signification.
Il y a les liaisons avec le sol pendant lesquelles disparaît encore toute intimité. Ces échanges avec Oksanna qui seront décortiqués par tous les psychologues, au sol afin de déterminer son niveau de stress et sa capacité à le surmonter.
Il y a la perception de ce que l’homme doit sa survie à la machine. Elle le tient en son pouvoir. Et l’homme doit en assurer la surveillance, presque instinctivement, et se rendre compte en plein sommeil qu’un bruit a disparu, qu’une vibration a changé. Que peut le sol si un équipement casse à répétition ?
Et puis, un jour, il y a le retour. La reprise du contact avec la pesanteur. Avec les membres qui ne savent plus vraiment porter ce corps qui a tellement changé. Alors, Ivan voudrait entraîner Sacha car cela fait tellement longtemps qu’il n’a pas dansé.
Et moi, j’ai eu envie danser avec Ivan tellement ce livre superbe d’Hugo BORIS m’a transporté aussi en apesanteur : à l’atterrissage de la dernière page, moi aussi, je n’avais « pas dansé depuis longtemps ».
Retrouvez Je n'ai pas dansé depuis longtemps de Hugo Boris, en librairie.