Magazine Culture
Comme nombre de familles russes, celle de Nina Berberova (née à Saint-Pétersbourg en 1901 et morte à Philadelphie en 1993), émigre au début des années 20 en France, où elle se fixe à Paris. C'est là que Nina Berberova écrit ses premiers récits. Ils ne seront publiés que beaucoup plus tard, alors qu'entre-temps elle a mis le point final à un premier roman, L'accompagnatrice. On se demande à ce propos pourquoi Gallimard, à qui le manuscrit a été confié, refuse de l'éditer, un pur chef-d'oeuvre pourtant. Il faudra à Nina Berberova attendre jusqu'en 1985 pour qu'un autre éditeur, meilleur lecteur sans doute, reconnaisse enfin le talent d'une romancière dont l'art admirable - textes brefs, fulgurance des analyses psychologiques, écriture précise et rapide - n'est pas sans évoquer celui de certains de ses illustres devanciers, en particulier Tchékhov et Tourguéniev. Plus tard encore, en 1989, alors qu'elle est célébrée dans le monde entier, Nina Berberova livre une confession de 508 pages (C'est moi qui souligne) : elle s'y penche sur son passé et sur son oeuvre désormais achevée. Revenant sur celle-ci, elle déclare que la gloire, la misère, la folie et la boue en constituent les principaux thèmes. Elle aurait pu ajouter : l'exil et la nostalgie. Nous en retiendrons l'ensemble, même si nous devons avouer une prédilection pour les premiers romans : outre L'accompagnatrice, Le laquais et la putain, Astachev à Paris. Grâces soient rendues aux éditions J'ai lu de le ressortir ces temps-ci sous de nouveaux habillages, sobres et élégants.