Le vote-sanction est manifeste : deux électeurs sur trois ne se sont pas portés sur les listes UMP/Nouveau Centre. La situation du camp présidentiel était pourtant favorable : l’UMP n’avait pas grand-chose à perdre dans cette élection (2 régions sur 26).On a découvert dimanche soir qu'elle pouvait tout perdre : l'électorat FN, ses deux régions, et sa position de premier parti de France. Le résultat fut effectivement désastreux : les électeurs sarkozystes ne sont pas déplacés pour traduire en région « la rupture sarkozyenne », et ont préféré laisser l’électorat de gauche consolider la position des sortants.
Dimanche, Nicolas Sarkozy a donc réuni une douzaine de collaborateurs à l’Elysée, dont François Fillon. Il s’agissait de préparer les « éléments de langage » à servir aux médias pour convaincre l’opinion que le résultat du premier tour de scrutin régional n’était pas si désastreux que cela. Le Figaro rapporte les principaux axes de la réaction élyséenne. Un exercice de cynisme sans commune mesure, où l’on ne trouve ni vérité (on ne reconnaît pas l’échec), ni vision (aucune inflexion sur le programme). Dès dimanche soir, les bons soldats de Sarkofrance sont apparus tous uniformes, fidèles « grognards » d’un Monarque en fin de règne. Le clan s’est ressoudé. Jouanno comme Bertrand, NKM comme Eric Besson, Rama Yade comme Frédéric Lefebvre, toutes et tous servaient le même discours présidentiel.
1. Nier l’échec.
«Il ne s'agit pas d'un vote sanction, puisque les Français ne se sont pas déplacés pour voter contre l'UMP.» Ce message fut relayé mot pour mot et jusqu’à l’excès par tous les ténors de la « majorité » sur les plateaux de télévision et de radio dès 20h dimanche soir. Paradoxalement, les mêmes ténors reconnaissaient que l’abstention a d’abord frappé leur propre camp, tel Jean François Copé : «On a une telle abstention que c'est maintenant à nous de mobiliser nos électeurs comme on l'a fait en 2007 entre les deux tours de la présidentielle.» Il y a un an, lors des élections européennes, l'abstention était vite oubliée par l'UMP arrivée en tête du scrutin. Elle était pourtant de 60%.
2. Démobiliser l’adversaire
La vague verte reste solide. Il s’agit de la démobiliser et de «mettre en valeur l'engagement écologique du gouvernement» : depuis hier, on rappelle le Grenelle de l’Environnement, ou la fiscalité verte. On oublierait presque le doute instillé par Nicolas Sarkozy sur une éventuelle nouvelle taxe carbone. Dans son interview (inutile) au Figaro le 12 mars, le Monarque a soumis l’instauration d’une nouvelle contribution énergie climat à sa généralisation aux frontières de l’Europe. «le Grenelle de l'environnement et la défense de l'environnement, c'est aujourd'hui la majorité qui l'incarne» a expliqué, sans rire, Frédéric Lefebvre lundi 15 mars.
3. Faire peur
Il faut aussi convaincre les électeurs du FN. Le débat identitaire a réveillé le FN. Les accusations de laxisme sécuritaire contre la gauche n’ont pas porté. Même l’électeur distrait sait que le maintien de l’ordre n’est pas des compétences des régions. Toutes les ficelles sont bonnes, même les plus grosses. Ainsi Frédéric Lefebvre s’est-il échiné à expliquer que voter FN, c’est voter socialiste. Dans 12 régions, le FN dépasse les 10% des suffrages (Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Lorraine, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Bourgogne, Haute-Normandie, Picardie et Centre).
4. Verrouiller le scrutin
Fillon l’a à peine évoqué. Frédéric Lefebvre l’a également rappelé. Le clan sarkozyste veut changer le mode de scrutin. Il avance comme raison le niveau élevé de l’abstention. Les Français ne comprendraient pas le mille-feuille administratif. Quel rapport avec le mode de scrutin ? Aucun. Mais pour Nicolas Sarkozy, passer à une élection à un tour est la meilleure façon de sauver le soldat UMP. Le parti arrivé en tête emporte la mise. C’est l’un des aspects les plus contestés de la réforme territoriale.
5. Verrouiller la droite
Depuis dimanche soir, Nicolas Sarkozy est contesté personnellement. Depuis mai 2007, son comportement (narcissique, bling bling, népotique, partial et girouette) puis sa politique « d’agitation immobile » (boulimie législative, industrialisation des effets d’annonces, injustice fiscale, dérapage des comptes publics, restrictions des libertés) étaient largement critiquées, même à droite. Mais on reconnaissait au Monarque un réel talent tacticien, à force d’ouvertues calculées, de clivages bien placés, et surtout d’union des droites. Désormais, Sarkozy peut apparaître comme le boulet de la droite. Les candidats les plus sarkozystes ont tous déçus. En région PACA, le droitiste Thierry Mariani (ex-auteur de l'amendement ADN contre le regroupement familial) s'est fait talonner par Jean-Marie Le Pen, 81 ans et 20% des suffrages. En France-Comté, le servile Alain Joyandet, qui n'avait pas hésité à faire venir 4 fois son président (dont une fois à 10 jours du scrutin), doit lui aussi faire face à un FN revigoré et en lice au second tour. En Corse, la "Sarko-touch" n'a eu aucun effet positif: l'UMP se décroche un petit 21%, juste devant les indépendantistes et les deux listes de gauche.
L’électeur de droite déçu n’avait d’autre issue que de ne pas voter ou de voter FN. La quasi-disparition du Modem a rendu le problème d’autant plus crucial que la « troisième voie » semble désormais incarnée par Europe Ecologie. Et la droite non-sarkozyste n'existe pas politiquement.
Mardi, Nicolas Sarkozy se déplacera en campagne, dans les Pays de Loire, accompagné du tête de liste UMP local. Il va jouer au Monarque compatissant auprès des victimes de la tempête Xynthia. Les accusations d’immobilisme l’ont agacé. Tout comme les rappels de ses précédentes déclarations en faveur d’un assouplissement des règles de construction immobilières dans les zones inondables. Cette fois-ci, un conseiller du président a expliqué que ce déplacement visait à préparer « les décisions destinées à améliorer leur protection contre les aléas naturels dans les années à venir ».
Ensuite, le Monarque fera semblant de vaquer à ses occupations. Son agenda reste extraordinairement léger : un petit conseil des ministres, une rencontre avec le secrétaire général de l'OCDE et une réception des présidents d'universités autonomes mercredi. Puis, plus rien. Rien à commenter. le Monarque se cloitrera dans son palais de l'Elysée, à refaire le match et préparer celui d'après.
Ami sarkozyste, où es-tu donc parti ?
Crédit photo: Clementine Gallot, Flickr