"L'unanimité" des partis politiques suisses sur le secret bancaire

Publié le 15 mars 2010 par Francisrichard @francisrichard
Il y a tout juste un an, le 13 mars 2009, le Conseil fédéral donnait un coup qui pourrait être fatal au secret bancaire [l'image ci-contre provient d'ici]. Il abandonnait sans livrer bataille la distinction entre évasion fiscale - ou soustraction fiscale - et fraude fiscale pour les étrangers et les non-résidents. A l'époque je parlais ici de double trahison, à l'égard des étrangers et des non-résidents qui avaient confiance en la Suisse, à l'égard des Suisses et des résidents dont le tour viendrait à coup sûr.

La fiscalité de l'épargne qui était apparue comme la panacée se révélait une duperie. Les mauvais élèves de l'économie qui entourent la Suisse, comme tous les maîtres-chanteurs, allaient demander toujours plus et ne se contenteraient pas d'une simple adhésion au modèle de convention fiscale de l'OCDE. On sait maintenant qu'ils veulent obtenir l'échange automatique d'informations.

Le jour fatidique du 13 mars 2009, le Parti socialiste suisse, PS, se réjouissait de cette trahison qu'il appelait depuis longtemps de ses voeux ici. Il regrettait seulement que cette trahison n'ait pas eu lieu plus tôt. En allant même plus loin il se disqualifiait définitivement sur la question :

"Le PS juge qu’à long terme, la clientèle indigène devra être logée à la même enseigne que les clients étrangers des banques suisses".

Le 20 février dernier le PS va encore plus loin, ce qui réjouira l'Union européenne, qui ne veut pas que du bien à la Suisse ici :

"Pour le groupe socialiste, la Suisse doit absolument entrer en matière avec l'Union européenne (UE) sur la question de l'échange automatique d'informations. C'est le prix à payer pour négocier un délai transitoire ainsi qu'un accord sur les services qui garantisse le libre accès au marché européen aux entreprises de notre pays.


Indépendamment des pourparlers avec l'UE, les banques doivent être obligées d'accueillir uniquement des sommes que leurs clients auront déclarées au fisc. Concrètement, comme c'est déjà le cas en cas de soupçon de blanchiment d'argent, les banques devraient avertir les autorités compétentes si elles subodorent que les sommes qui leur sont confiées proviennent de l'évasion fiscale."
Qu'en est-il aujourd'hui des autres partis politiques d'importance, ceux qui sont représentés au Conseil fédéral, c'est-à-dire des grands partis "bourgeois" ?
Le Parti démocrate-chrétien, PDC, s'est résigné 
ici à accepter les standards de l'OCDE. Mais pour lui il n'est pas question d'aller au-delà :
"Pour les clients bancaires dont le domicile ou le siège est en Suisse il convient que le secret bancaire, y compris la différence confirmée entre la fraude fiscale donnant lieu à une poursuite pénale et la soustraction fiscale sanctionnée par le droit administratif, soit gardé en l'état".
Le Parti libéral-radical, PLR, semble traversé par des courants contraires. Le 8 mars 2010 il présente la stratégie suivante lors d'une conférence de presse
ici :
"Le comité directeur du PLR propose aux délégués les trois axes suivants qui sont intimement liés:  

  • À l’échelle suisse: Etablir une claire distinction entre fraude et évasion fiscale d’ici fin 2011 en introduisant la notion de délit de soustraction fiscale aggravée.
  • À l’échelle internationale: Etablir, en collaboration avec les Etats de l’OCDE, une stratégie de « l’argent propre », d’ici fin 2011, en intégrant les standards de l’OCDE dans les conventions de double imposition. Proposer à nos voisins le prélèvement d’un impôt libératoire (dès que possible). Refuser tout argent noir, en contrepartie du libre accès à leurs marchés et d’une amnistie pour le passé. Renégociation des accords sur la fiscalité de l’épargne avec l’UE.
  • Autres mesures: Suppression du droit de timbre. Introduction d’un impôt libératoire. Mise en oeuvre de la solution des forfaits fiscaux de la Conférence des directeurs cantonaux des finances. Alourdissement des peines à l’encontre du vol de données et de l’espionnage industriel. Renforcement de la FINMA. "


Cette stratégie n'est pas du goût de tout le monde. C'est ce qui ressort d'un communiqué de l'ATS du 11 mars 2010 publié par Le Matin
ici :
"La nouvelle stratégie financière des Libéraux- Radicaux (PLR) va nourrir un débat entre les président cantonaux du parti jeudi après-midi à Berne [11 mars 2010]. L'unanimité n'est pas acquise car les sections genevoise et zurichoise y sont opposées."
La réunion du 11 mars de la Conférence des présidents cantonaux du parti se solde finalement par la poursuite des débats sur le sujet jusqu'à la tenue de la réunion des délégués du 24 avril prochain
ici.
L'Union démocratique du centre, UDC, est pour le statu quo d'avant le 13 mars 2009. Extrait de son communiqué du 9 mars 2010 
ici :

"Le groupe parlementaire UDC a débattu aujourd'hui du secret protégeant les clients des banques et de la place financière suisse. Il s'est prononcé à l'unanimité pour la sauvegarde du secret bancaire. Le groupe UDC insiste en outre sur le maintien de la distinction entre soustraction fiscale et fraude fiscale. Il rejette catégoriquement ladite stratégie de l'argent propre suggérée ces derniers jours par le PS, le PLR et quelques conseillers fédéraux. Les nouveaux accords de double imposition avec divers pays n'ont pas non plus son aval, car ils violent la règle de la double incrimination, principe important du point de vue de l'Etat de droit."
L'UDC est le seul parti qui défend bec et ongles la sphère privée et qui donc fait passer en premier l'impératif moral [voir mon article A lire : "Le secret bancaire : un impératif moral" de Jan Krepelka ] avant même la sauvegarde de la place financière suisse, autrement dit le principe avant l'économie.

Toujours est-il que l'"unanimité" des partis politiques suisses fait plaisir à voir... Elle est le reflet de la cacophonie qui règne au sommet de l'Etat, au Conseil fédéral, et que je soulignais récemment [voir mon article Secret bancaire: des Conseillers fédéraux contre, tout contre ... ]. 
Cette "unanimité" augure mal de la résistance que la Suisse va être en mesure d'opposer à la rapacité de ses voisins dénués de scrupules. En effet ces pays, qui sont devenus des enfers fiscaux, n'hésitent pas à employer tous les moyens, notamment à se servir de données volées pour lancer leurs polices fiscales aux trousses de leurs évadés du fisc. Ce qui rappelle les heures les plus sombres du XXe siècle...
Francis Richard
PS
Au sujet de données bancaires volées, l'affaire HSBC n'est pas éclaircie par le nième entretien qu'Hervé Falciani a accordé à la presse, en l'occurrence au Matin Dimanche ici, pour se justifier et éviter de se retrouver derrière les barreaux : 
"Je n'ai pas volé de données. D'ailleurs, je ne suis poursuivi que pour «intrusion et tentative d'intrusion frauduleuse dans un système de base de données». Ce que je réfute d'ailleurs. Le simple fait que l'on puisse retrouver, après investigations techniques, des dizaines de milliers de données dans mon ordinateur, alors que je ne suis qu'informaticien, pas financier, démontre que les systèmes informatiques et la sécurité de HSBC sont déficients"
En somme des milliers de données bancaires se seraient retrouvées sur son ordinateur par inadvertance...
  
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