Options pour la Grèce : analyse

Publié le 15 mars 2010 par Copeau @Contrepoints
Open Europe, un think tank basé à Londres a analysé 10 options qui s'offrent à l'Europe pour répondre à la crise Grècque, en posant, pour chacune d'elles, les questions : "combien cela coûterait-il ?", "est-ce légal ?" et, d'un point de vue britannique "le contribuable britannique serait-il touché ?", qui est partiellement pertinent pour les Français.

RESUME

Alors que les dirigeants de l'UE tiennent à se rassembler à Bruxelles pour discuter de la crise à laquelle la zone euro doit faire face, Open Europe a publié un aperçu des différentes façons dont la Grèce pourrait être sauvée par l'UE et ce que ces solutions coûteraient aux contribuables européens.

Conclusions-clef :

* Toutes les options offertes comportent des coûts importants pour la zone euro et, dans certains cas, pour les autres membres hors zone Euro, comme le Royaume Uni.

* La légalité d'un renflouement selon les traités de l'UE est douteuse – des dix options prises en considération par Open Europe, une seule est légale sans ambiguïté selon les traités, ce qui veut dire que les dirigeants de l'UE sont sûrs d'enfreindre le droit Européen s'ils acceptent l'option du « plan de sauvetage ». Cela crée un précédant inquiétant.

* Open Europe constate également qu'un renflouement de la Grèce coûterait jusqu'à €30 milliards aux contribuables pour un premier versement. Pendant ce temps, six des dix alternatives envisagées pourraient avoir des répercussions sur les contribuables britanniques.

* Toutefois, un renflouement exceptionnel ne résoudrait pas les écarts énormes de concurrence et de productivité entre les différents membres de la zone euro, qui continuent à mettre la zone euro sous pression.

* Si nous voulons surmonter ces différences structurelles et que la zone euro survive à long terme, les transferts fiscaux continus du « bloc des riches » mené par l'Allemagne, vers le bloc plus pauvre constitué de pays comme la Grèce et l'Espagne, pourraient bien être la seule solution plausible. Des calculs de la banque AIG en 2008 suggèrent que de tels transferts annuels pourraient être de l'ordre de sept pourcent du PIB allemand – à côté de quoi les sommes concernées par une opération exceptionnelle ponctuelle sont une broutille.

* Il y a très peu de soutien populaire pour un sauvetage exceptionnel, encore moins pour les transferts continus. Un sondage par Open Europe des électeurs allemands en 2009 a conclu que 70 pourcent d'entre eux étaient opposés à l'utilisation de l'argent des contribuables pour renflouer les pays en difficulté financière comme l'Irlande ou la Grèce.

* Open Europe conclut que, en prenant en compte toutes les alternatives à court terme, les dirigeants devraient soit laisser la Grèce faire défaut, ce qui éviterait le scénario de l' « aléa moral » qui pourrait imposer des coûts encore plus élevés au bout du compte, tout en évitant des politiques pour lesquelles il n'y a pas de soutien populaire ; ou se tourner vers le FMI, qui a l'expérience nécessaire en ce qui concerne le sauvetage de pays individuels. Cela éviterait aussi les énormes complications impliquées dans les transferts d'argent trans-frontaliers et l'établissement d'une gouvernance économique centrale de l'UE.

* Néanmoins, ces mesures à court terme ne suffiront pas au manque structurel de compétitivité qui affecte non seulement la Grèce mais aussi des pays comme l'Espagne et le Portugal. Le manque de mandat public ou de soutien pour l'établissement d'un système formel de transfert fiscal des pays les plus pauvres vers les pays les plus riches de la zone euro laissera l'UEM avec des faiblesses à long terme qui seront à nouveau exposées dans des crises économiques futures.

Cliquez ici pour voir le tableau présentant les 10 options, (en pdf) ainsi que la totalité de l'article.

I. INTRODUCTION

Les dirigeants de l'UE se rencontreront le Jeudi 11 Février pour discuter de la stratégie économique du bloc pour la décennie à venir. Toutefois, il y a une ombre au tableau de ces pourparlers du fait des problèmes auxquels la Grèce et le reste de la zone euro font face.

Alors que les craintes du risque de contagion des difficultés Grecques sur le reste de la zone Euro – en particulier à des pays comme l'Espagne, le Portugal et l'Irlande qui font face à des problèmes similaires - augmentent, des rumeurs d'un renflouement complet de la Grèce grandissent.

Un renflouement impliquerait des transferts d'argent – en transferts ou prêts – du bloc des pays les plus riches de la zone euro vers la Grèce ou tout autre pays de la zone Euro ayant potentiellement besoin d'aide. La transaction pourrait impliquer uniquement des membres de la zone euro ou bien tous les pays membres, suivant l'option choisie.

La dette nationale de la Grèce s'élève maintenant à la somme extraordinaire de €300 milliards, ce qui équivaut à à peu près 125 pourcent du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays[2]. Cela place le pays en haut de l'échelle en termes de dette rapportée au PIB. Le déficit budgétaire du pays est estimé à 12.7 pourcent du PIB – bien que les chiffres pourraient bien être plus élevés en raison des problèmes qu'a la Grèce à produire des statistiques fiables. Selon le Pacte de Stabilité et de Croissance, le déficit d'un pays ne peut pas dépasser trois pourcent. La Grèce a promis de réduire son déficit budgétaire a moins de trois pourcent d'ici 2012 – une tâche que beaucoup d'experts pensent être extrêmement difficile.

Pendant ce temps, le déficit courant du pays est proche de 15 pourcent. Les défis auxquels l'économie de la Grèce fait face sont donc immenses et un sauvetage est imminent.

Qu'est-ce qu'un renflouement coûtera aux contribuables européens ?

Il est pratiquement impossible de prédire les sommes exactes impliquées dans un renflouement de la Grèce, en raison du nombre de facteurs en cause. Toutefois, la Grèce devra collecter environ €55 milliards en 2010 pour pouvoir rembourser sa dette arrivant à échéance tout en conservant ses dépenses actuelles. Crédit Suisse a estimé que la Grèce devra obtenir environ €30 milliards d'ici Avril/Mai (environ €20 en dette arrivant à échéance). S'il n'arrive pas à rembourser cette somme, le pays sera en défaut de paiement, ou devra être renfloué.

Christel Aranda-Hassel, directrice de l'économie Européenne chez Crédit Suisse affirme que,

« Le problème grave de la Grèce est le besoin de récolter le financement pour lui permettre de lever des fonds de roulement pour la dette arrivant à échéance en Avril et Mai, tout en préservant assez d'argent liquide pour financer les dépenses courantes. Nous estimons un besoin de financement supplémentaire d'au moins €30 milliards d'ici mai. La concentration de dette arrivant à échéance est inhabituelle, mais même si cette source de stress immédiate peut être évitée, le profil de financement pour les années à venir reste exigeant. Les trois prochains mois auront un poids important sur le profil qui est adopté, mais quoi qu'il arrive, la Grèce et d'autres pays peripheriques de la zone Euro souffriront d'un besoin chronique d'améliorer la productivité, augmenter les économies nationales et réduire les emprunts d'Etat. »

Un versement initial par les pays membres de l'UEM/EU impliquerait donc jusqu'à €30 milliards – pour garantir que la Grèce ne fera pas défaut sur ses dettes. Bien qu'il soit très peu probable que la Grèce fasse défaut sur tous ses emprunts – ceci donne une indication des chiffres impliqués. Si un mécanisme de renflouement devait être étendu a une économie large comme l'Espagne, les sommes impliquées monteraient en flèche.

Mais un renflouement sera-t-il un événement exceptionnel ?

Un renflouement exceptionnel ne répondrait pas aux besoins urgents de la Grèce – ou d'aucun autre pays sujet à un possible sauvetage – d'augmenter la productivité et de pousser vers des réformes structurelles strictes et nécessaires pour ses marchés du travail et ses pratiques fiscales (de façon à réduire les divergences au sein de la zone euro). Il est donc peu probable qu'un renflouement ponctuel de type FMI fonctionnerait. En particulier du fait qu'une dépréciation de la devise de l'économie concernée a historiquement joué un rôle clef dans ce genre de mesures – mais ceci ne serait pas possible pour un membre de l'UEM.

Une assistance financière des pays les plus riches aux pays en difficultés membres de la zone euro en plus de la Grèce risque de faire suite à un premier renflouement. Si ces pays n'établissent pas les ajustements nécessaires, pour répondre à la basse productivité et d'autres défauts, il est improbable qu'un renflouement exceptionnel tienne l'union monétaire à l'écart des chocs asymétriques dont nous sommes témoins actuellement. A la place, ces pays pourraient devenir bénéficiaires de transferts fiscaux continus annuels dans une tentative d'aplanir artificiellement les disparités au sein de la zone euro. Des calculs par la banque AIG en 2008 suggèrent que ces transferts pourraient être de l'ordre de sept pourcent du PIB allemand chaque année.

Ouvrir la boite de Pandore

Il est clair qu'un sauvetage impliquerait des risques politiques et économiques massifs. Essayer de convaincre les contribuables d'un pays de la nécessité de payer pour les erreurs du gouvernement d'un autre pays – qu'ils ne peuvent pas rejeter – est une tâche extrêmement difficile. Pour la plupart des gens il est simplement déraisonnable et fondamentalement anti-démocratique de rendre les contribuables responsables de cette façon.

Un sondage des électeurs allemands par Open Europe en juin 2009 a constaté que 70 pourcent étaient opposés au fait d'utiliser les fonds des contribuables pour renflouer des pays en difficulté financière tels que l'Irlande ou la Grèce.

Pour sa part, le pays bénéficiaire a des chances d'être obligé de renoncer à beaucoup de son contrôle sur sa propre économie étant donné que des conditions économiques strictes sont liées aux prêts. En effet, la Grèce connaît déjà des interventions parallèles de la Commission Européenne dans ses politiques économiques. Une telle intrusion par la Commission Européenne n'est pas facile à justifier auprès des électeurs au pays non plus.

De plus, un sauvetage comporte d'énormes risques économiques, y compris ce que Martin Wolf de FT a décrit comme un « cas monstrueux d'aléa moral ».

Pour ces raisons toute une gamme d'experts s'est alignée pour défendre le principe de ‘non renflouement' qui est établi dans les traités de l'UE. L'ancien économiste en chef de la BCE, Otmar Issing, a dit au journal Frankfurter Allgemeine que ce serait une catastrophe de diluer la clause de ‘non renflouement', argumentant que cela mettrait fin à la « stabilité politique de l'Union Monétaire ». Il déclare que, pour que la discipline financière prévale, chaque Etat Membre doit être responsable de ses propres dettes et déficits : « sans ça, ça n'aura pas de fin » a-t-il dit.

L'actuel économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark a dit que « l'interdiction pour l'UE et pour ses membres de prendre la responsabilité des dettes de pays associés est un fondement important et nécessaire pour que l'union monétaire fonctionne. »

Karl Otto Pohl, ancien président de la Bundesbank Allemande, a dit que si l'Allemagne décidait de renflouer d'autres membres de la zone euro, ça ouvrirait une boite de Pandore, ajoutant que « ce serait comme sauter dans une piscine sans eau ».

Le Ministre de l'économie allemand Rainer Brüderle a, d'après certaines informations, été applaudi quand il a déclaré à des membres du parlement allemand le mois dernier qu' « il ne devrait pas y avoir de renflouement collectif pour des développements irrationnels au niveau national. » La Finlande et la Suède ont aussi clairement dit qu'un renflouement direct n'était pas une option. « L'UE ne peut pas aider, ça fait partie des règles. Elles ont été établies pour laisser les Etats membres se debrouiller », a déclaré le ministre des finances finlandais Matti Vanhanen.

Lire la suite en pdf.