« La rafle » de Roselyne Bosch
Vu au cinéma
Ce film m’a bouleversé , et mis en colère. Je pensais déjà à des exemples comme « Le Pianiste » de Roman Polanski pour saluer la manière dont Roselyne Bosch abordait un tel sujet . Alors pourquoi a-t-il fallu que le drame jusqu’alors parfaitement analysé , devienne un mélo dans un final qui n’en est pas un .
J’imaginais le mot fin sur le beau travelling du petit gamin seul avec son nounours quittant le camp d’internement .Les notes du générique final sur le bilan de cette épuration ethnique trouvant à cet instant le même intérêt.
Il reste un film extrêmement utile et nécessaire pour la grande histoire qu’il nous raconte, pour ses grandes faiblesses, et ses hautes trahisons . Une leçon d’instruction civique absolue, soixante ans après les faits, au milieu d’un désert documentaire ou fictionnel qui témoigne du mal-être général .
L’hexagone n’a toujours pas cicatrisé cette plaie nauséabonde sur laquelle des français se sont acharnés pour satisfaire d’autres coreligionnaires eux même à la botte de la folie nazie.
A travers la famille Weisman regroupé autour d’un mari et père aimant et attentif (Gad Elmaleh ) , la réalisatrice évoque dans un crescendo tendu, ce climat d’insécurité qui peu à peu envahit les quartiers de la Butte Montmarte, au cœur de l’été 1942 .
Mais on ne veut pas y croire, malgré les railleries des voisins qui affichent maintenant un peu plus la couleur . Et les avertissements discrets de quelques policiers bienveillants. Ils sont peu nombreux , ou alors ils se taisent « parce que nous devons obéir aux ordres, nous sommes des militaires » se défend l’un d’entre eux face aux accusations révoltées d’une infirmière .
Avec un tel décor, aussi bien planté, un point de vue à la fois psychologique et social, Roselyne Bosch peut alors illustrer totalement ce drame ,sans grande retenue , avec des situations extrêmes « qui ont bien eu lieu cet été 42 » prévient une note d’ouverture .
Des scènes vues et revues au cinéma qui pourtant ici trouvent un nouveau souffle , un regard peut-être encore plus criant quand se referment les lourdes portes en bois des wagons , devant le regard soulagé de la gendarmesque franchouillarde.
La reconstitution du Vel d’Hiv est bien évidemment un des moments forts de « La rafle » , confinement extrême de l’abandon de l’humanité , où les enfants trouvent encore le courage de jouer et de moquer la milice . Leur regard tout au long du film est éminemment parlant , et là encore la réalisatrice a su trouver le ton juste pour nous donner l’envie de les prendre par la main comme l’ont fait certains français plus courageux que les autres .
Raphaëlle Agogué, à découvrir, absolument
A la vue du casting ce film me faisait peur.Un brin dangereux toutes ces stars pour réussir à identifier ce passé si peu glorieux. Et pourtant Gad Elmaleh, Mélanie Laurent, Sylvie Testud , ou bien encore Jean Reno en médecin juif se débarrassent sans difficulté de leur notoriété, pour donner une interprétation de ton à la hauteur du défi de la réalisatrice.
Avec en prime , une découverte ( en ce qui me concerne ) : Raphaëlle Agogué .Sa présence s’impose naturellement. On oublie son jeu tout en demi-teinte, pour voir cette femme arrachée à sa famille, un jour de juillet 1942, du côté de la butte Montmartre. Et cette femme n’est plus une comédienne.